"Pour être entrepreneur, il faut être irrationnel" : à Aix, les talents économiques du territoire récompensés

Par La Provence

Les lauréats, candidats et membres du Groupement des entrepreneurs Provence-Aix lors de la clôture de la soirée.

Les lauréats, candidats et membres du Groupement des entrepreneurs Provence-Aix lors de la clôture de la soirée.

M.B.

Aix-en-Provence

250 acteurs économiques se sont reunis au Pasino pour la 17e édition des "Talents du pays d’Aix" orchestrée par le Groupement des entrepreneurs Provence-Aix.

"L’entrepreneuriat est un moteur essentiel de l’innovation, de la croissance économique et de la création d’emplois. Il est donc important que le Groupement des entrepreneurs Provence-Aix (Gepa) continue à les encourager, à les soutenir et à créer un écosystème favorable à leur réussite. Cette rencontre annuelle, qui permet d’échanger, de nouer ou approfondir des contacts et de s’inspirer des histoires et des expériences des autres acteurs du territoire, rassemble chaque année des entrepreneurs venus de tous les horizons, animés par la même passion et le même désir de réussir", a indiqué Martine Guieu, présidente du Gepa. Force est de reconnaître que les échanges étaient nourris durant le cocktail précédant le dîner et la conférence.

Un des temps forts était la conférence de Mickael Mangot, docteur en économie, enseignant à l’École supérieure des sciences économiques et commerciales, et dirigeant de l’Institut de l’économie du bonheur. Sur un ton léger, empreint d’humour, pouvant parfois paraître provocateur, Mickael Mangot a abordé le sujet de "l’économie comportementale" ou comment la psychologie vient interférer dans la décision économique. Alors, les entrepreneurs ne sont-ils pas tous irrationnels ? "Pour être entrepreneur, il faut être irrationnel. Les données économiques montrent qu’ils bossent beaucoup plus que les salariés tout en gagnant moins et avec des revenus beaucoup plus volatils", a poursuivi l’intervenant.

Être entrepreneur ne serait donc pas un bon deal, ça n’aurait pas de sens sur le plan économique, d’autant qu’ils placent tout, ou une bonne partie, de leur épargne dans leur business. Ce qui est beaucoup plus risqué que la bourse ou le private equity (capital-investissement) puisqu’ils investissent dans une seule boîte. Un risque fou ! Le font-ils de manière rationnelle ou non ? Une partie de la réponse montre qu’il y a de l’irrationalité, notamment de l’excès de confiance.

Michael Mangot souligne : "Lorsqu’on questionne un (ou une) entrepreneur qui se lance, il estime que la probabilité qu’il soit encore dans le business dans cinq ans est élevée, 80 ou 90%. Alors que, dans les faits, c’est plutôt 20 à 30 % ! Concernant ses parts de marché, il table sur 15 à 20 %, alors que la moyenne est plutôt de 1,5 %. Il y a des anticipations complètement irréalistes. Peut-être suis-je dans une assemblée de gens irrationnels. Mais est-ce grave ? Est-ce que cette dose d’irrationnel, de croire en ses compétences et de réaliser des choses un peu folles, n’est-elle pas bonne à la fois pour l’individu et la collectivité qui peut y gagner ?"

Un vote en direct

Il a détaillé quelques-uns des biais qui sont soit cognitifs, soit émotionnels, soit sociaux. Autrement dit, les biais correspondent à une interprétation évolutionniste qui fait que "nous sommes plus efficaces pour survivre et nous reproduire lorsque nous avons des biais plutôt que lorsque nous sommes parfaitement rationnels", explique Michael Mangot. Que sont les biais ? "Ils peuvent être interprétés soit comme une erreur, soit comme un raccourci qui peut être efficace dans certains domaines. C’est le cas, par exemple de l’excès de confiance, un biais très masculin, qui peut vraiment être utile en bourse, sur les marchés financiers."

Autre exemple, celui de l’aversion à la perte signifie qu’on donne une importance supérieure à la perspective de perte qu’à la perspective de gagner, ce qui n’est pas rationnel. Les gens vont plus manifester pour conserver un avantage acquis que pour en chercher un nouveau.

L’intervention éclairante a été suivie d’un vote attendu. Une trentaine d’entrepreneurs a postulé pour l’élection des "Talents du pays d’Aix". Autant dire que la tâche de présélection du jury a été particulièrement ardue puisque seulement trois entrepreneurs ont été sélectionnés pour chacune des trois catégories de "Talents". Après un pitch de trois minutes des sélectionnés, le public a voté, et donc choisit les lauréats, en direct (lire ci-dessous). Une mise en lumière qui aura sans doute nourri la suite des échanges de cette soirée placée sous le signe, bien rationnel, de la réussite.

Les lauréats, de gauche à droite : Johnathan Phelipot, Jean-Loup Mouysset et Doudou Tamba.
Les lauréats, de gauche à droite : Johnathan Phelipot, Jean-Loup Mouysset et Doudou Tamba. DR

Les lauréats

Lauréat de l’entrepreneur inventif décerné à Jonathan Phelipot, fondateur de Waste in Peace (WIP) qui révolutionne la gestion des déchets avec un compresseur innovant, adapté aux poubelles existantes des villes et entreprises, optimisant la collecte, réduisant l'impact environnemental, et simplifiant la gestion globale des déchets.

Lauréat de l’entrepreneur engagé localement décerné à Jean-Loup Mouysset du Centre Ressource, centre de santé intégrative pour les personnes touchées par le cancer, malades et leur entourage, via une méthode d’accompagnement qui permet au patient de devenir acteur de sa santé.

Lauréat de l’entrepreneur innovant décerné à Doudou Tamba, Tamba Labs. L’entreprise a découvert un nouvel actif dans la lutte anti-vectorielle, le projet Reptik, un biocide anti-moustique, issu d’une plante sénégalaise. Cet actif répulsif naturel surpasse de 3 à 17 fois les références du marché mondial.