Malaxer, pincer, pétrir… Le toucher est une bien agréable façon de faire connaissance avec soi via la peau et le massage. Mais quand on s’attelle à dénouer un "Trigger Point", l’affaire se corse. "A l’approche de l’un de ces fameux hot spots, la douleur pointe, et les grimaces, avec ; de quoi nous rendre d’un coup très précautionneux dans nos mouvements", sourit Jacques-Olivier Barral, préparateur physique et responsable France de la marque leader BLACKROLL.

Vidéo du jour

Alors, pourquoi s’échiner à se faire du mal ? Tout simplement parce qu’atténuer ces points de tension permet de nous libérer de symptômes bien plus lourds et souvent chroniques. Ainsi, les Trigger Points peuvent être à la source de migraines, inflammations, douleurs musculaires (vous savez, ces pénibles nœuds dans le dos) ou articulaires.

Ils sont aussi parfois liés à de légers malaises, des nausées, une fatigue chronique, voire des scolioses. Les traiter n’est pas juste affaire de confort mais aussi de santé. "Cela peut notamment aider de manière efficace à soulager les personnes sédentaires travaillant beaucoup sur écran ou en activité postée", illustre Jacques-Olivier Barral.

Trigger points, des microrégions hyper contractées

Mais que se cache exactement derrière le terme Trigger Point ? "Aussi appelée point de déclenchement, point gâchette ou de tension, cette zone de contracture se produit quand il y a une sur-sollicitation musculaire. Elle peut s’installer lorsqu’on demeure longtemps, de manière récurrente dans une position qui sollicite un certain tonus postural", explique Jacky Gauthier, coach sportif et formateur en réadaptation fonctionnelle, auteur de l’ouvrage de référence Points Gâchettes. Comment soulager les douleurs ? (éditions Amphora).

Exemple : quand une personne travaille longtemps en station assise, ses épaules se projettent de plus en plus vers l’avant. A la longue, cela crée des points de tension dans le deltoïde antérieur – l’avant de l’épaule. "Simultanément, des points gâchettes peuvent s’installer dans les muscles du dos car dans cette position, ces derniers sont également tendus car étirés en permanence", décrit l’expert. "Des points de contracture se développent couramment dans le muscle rhomboïde, situé entre les omoplates et la colonne vertébrale".

Concrètement, le Trigger Point se constitue au niveau des sarcomères, ces micro pompes qui permettent d’irriguer la fibre musculaire en sang. Sur-stimulés sur un temps long, ils deviennent incapables de se relâcher. Plus courts, en position contractée, ils s’agglomèrent par grappes comme des spaghettis mal cuits. A la palpation, ils donnent l’impression d’un petit tendon ou de nodules de la taille allant de celle d’un petit pois à une cacahuète.

Le hic : la circulation sanguine ne se fait plus, condamnant la région à un manque d’oxygène et à une accumulation de toxines. D’où le message de douleur envoyé au cerveau, qui va inciter le corps à moins utiliser le muscle concerné. Ce dernier se raidit, le mouvement global s’amenuise, les tissus peuvent être sujets à un vieillissement précoce.

Point gâchette localisé 

Les Trigger Points s’installent dans les fascias, ces gaines de tissus conjonctifs fibro-élastiques qui entourent les muscles, la peau, le tissu adipeux, les tendons ou les ligaments. Dos, nuque, épaules, grands fessiers mais aussi visage et autres extrémités… les Trigger Points se nichent partout, peuvent exister dans chaque muscle et affecter les deux côtés du corps de manière égale.

Il faut compter six semaines de traitement pour faire relâcher totalement le point gâchette

Il peut causer de la douleur ou n’être douloureux qu’au toucher mais maintient le muscle dans un état de dureté permanent. Parfois, la douleur est ressentie dans une autre zone du corps (on parle alors de douleur référée), ce qui rend le diagnostic complexe pour les non-initiés.

"Il existe des points de déclenchement propres à chaque muscle, ils ont été répertoriés et cartographiés de longue date mais ne sont toujours simples à repérer", nuance Jacky Gauthier. Le point gâchette est très localisé, on peut l’atteindre via une aiguille pour l’acupuncteur, les doigts pour les thérapeutes manuels, qui vont travailler largement pour le détendre. 

Traiter les Trigger Points grâce aux massages 

Le moyen le plus efficace de faire lâcher un Trigger Point est le massage profond. Les pros conseillent entre huit et dix poussées de 60 secondes, à raison de cinq à dix fois par jour. "Si vous appuyez suffisamment fort et longtemps, au moment où vous relâchez la pression, le sang se remet à circuler ; avec lui, oxygène et nutriments reviennent et les déchets s’en vont. Il faut compter six semaines de traitement pour faire relâcher totalement le point gâchette", préconise Jacky Gauthier.

Si un masseur kinésithérapeute, fascia thérapeute ou un pratiquant de "deep tissue massage" trouveront illico les points de déclenchement, le commun des mortels devra d’abord tâtonner avant d’arriver à les repérer manuellement avec les doigts, une balle de massage spéciale ou autres accessoires qui ont prouvé leur efficacité.

Evitez de vous acharner sur l’endroit

"Parfois, une simple inclinaison du geste ou le déplacement d’un centimètre vous mène directement au hot spot. Votre visage change alors d’expression d’un coup… Comme si vous veniez d’appuyer sur un interrupteur", décrit Jacques-Olivier Barral qui conseille de travailler avec l’idée de zone et de fascia plutôt que de point précis.

Explorer pour mieux se soulager

"Au lieu d’étudier des cartes anatomiques, nous invitons les gens à partir à la rencontre de la sensation, en se massant avec les doigts ou avec des accessoires étudiés pour cette exploration", conseille Jacques-Olivier Barral. Exactement comme quand lorsqu’on guide le kiné ou le masseur, on tente d’approcher au plus près du point. Inutile de sortir le centimètre. "Evitez de vous acharner sur l’endroit", tempère le formateur en chef. Mieux vaut d’abord comprendre le cheminement de la douleur et traiter l’ensemble de la zone qui entoure le hot spot".

"Un nœud situé sur un fascia peut générer des tensions à distance ou dans toute la chaîne du fascia", précise le préparateur sportif, en écho à la fameuse théorie des douleurs référées. "Je peux très bien masser la fesse pour libérer un trigger point de l’épaule", abonde Jacky Gautier.

Aussi, après avoir repéré et massé les points gâchette, il est bénéfique de recourir à des étirements associés. Afin de faciliter ce traitement global, son ouvrage livre les zones de douleurs référées et les chaînes musculaires à étirer en complément de l’automassage.

Adaptez vos accessoires 

Plébiscitée par de nombreuses équipes de France (foot, basket, hand, rugby, golf), la très originale canne de massage (Thera Cane) permet d’atteindre n’importe quel point tout en dosant la force appliquée et sans hausser les épaules.

Disponibles dans différentes tailles et densités, balles et rouleaux sauront s’adapter à votre zone cible. Le principe : utilisez les petits outils pour les petits muscles et inversement. "Plus on utilise un accessoire de petite taille, plus la surface de contact diminue et la pression au centimètre carré augmente, ce qui permet d’être précis et intense", détaille Jacques Olivier Barral.

"Ainsi, la fesse se masse très bien avec un petit rouleau - une petite balle serait trop douloureuse. Ce dernier est aussi indiqué sur la voûte plantaire car il permet d’incliner le pied en tous sens pour bien masser l’intérieur ou l’extérieur de l’arche". Le gros rouleau, lui, est idéal sur la cuisse. Au niveau des épaules, ou se la joue ours en se frottant avec une petite balle contre un mur. 

Il s’agit de mettre plus ou moins de pression pour que l’automassage soit à la fois supportable et efficace

"Les balles à picots sont intéressantes pour réveiller les sensations et les petits systèmes nerveux, notamment ceux des extrémités, mais les balles lisses suffisent et sont plus hygiéniques", estime Jacky Gauthier. Côté rouleaux type Rumber Roller, certaines études ont montré que les reliefs ont un intérêt quand les rainures sont perpendiculaires au sens de rotation. Ils sont surtout efficaces sur les zones qui concentrent beaucoup de tissus comme la cuisse ou l’ischio jambier.

On les apprécie notamment pour l’activation et la préparation avec leur petit effet de "presser relâcher" qui booste l’afflux sanguin. Pour l’appui précis recherché dans la chasse au Trigger Point, mieux vaut toutefois opter pour les accessoires lisses, histoire de mieux contrôler la douleur. "Avec le jeu des positions et des outils, il s’agit de mettre plus ou moins de pression pour que l’automassage soit à la fois supportable et efficace", résume Jacques Olivier Barral. On évite de passer trop de temps sur un point sensible, de peur de déclencher une inflammation là où il n’y en avait pas.

Enfin, ne minimisez pas les compétences d’un professionnel. En cas de problème musculaire ou articulaire récurrent, prenez rendez-vous.