En Grèce, tempête politique après de nouvelles révélations sur la catastrophe ferroviaire
Le gouvernement grec fait face à une motion de censure après un nouveau scandale sur la falsification présumée de pièces à conviction.
Par Basile Dekonink
Les pièces à conviction de la catastrophe ferroviaire de Tempé ont-elles été falsifiées ? Treize mois après la collision de deux trains qui a causé la mort de 57 personnes en Grèce, des révélations jettent une nouvelle fois l'opprobre sur la manière dont les autorités conduisent l'enquête.
Selon l'hebdomadaire « To Vima », qui cite un rapport de la police scientifique grecque, les enregistrements de la conversation entre le chef de gare de Larissa et le conducteur de l'un des deux trains ne seraient en fait qu'un montage, le collage de différentes bandes sonores afin d'accréditer la thèse de l'erreur humaine.
« Tu pars, tu pars »
Ce petit dialogue de quatre phrases, qui s'était retrouvé dans la presse dans les heures suivant la tragédie, étayait jusqu'ici la responsabilité, parmi d'autres, du chef de gare. Le 28 février 2023, on entend ce dernier dire « tu pars, tu pars » au conducteur de l'Intercité 62, malgré la présence d'un feu de signalisation rouge.
Le train, qui reliait Athènes et Thessalonique et transportait surtout des étudiants, rentrera quelques minutes plus tard en collision frontale avec un train de marchandises.
Le « crime » de Tempé
Ces révélations, qualifiées de « fake news » par le gouvernement, ont déclenché une tempête politique dans le week-end. Menée par Pasok-Kinal, le parti socialiste, l'opposition a rapidement trouvé les 50 voix nécessaires pour déposer une motion de censure. Si celle-ci ne devrait pas inquiéter l'exécutif, qui dispose d'une majorité absolue au Parlement, les trois jours de débat s'annoncent houleux.
Depuis un an, la gestion de la catastrophe ferroviaire par le gouvernement désespère en effet les proches des victimes, comme une bonne partie de la société civile. Le 28 février dernier, jour du premier anniversaire de la catastrophe, de très nombreux manifestants sont descendus dans les rues pour dénoncer le « crime » de Tempé.
Premier visé, Kyriakos Mitsotakis. Le Premier ministre, après avoir voulu imputer la collision à une « tragique erreur humaine », avait dû reculer face à l'évidence : la Grèce accuse des décennies de retard coupables en matière de sécurité ferroviaire.
Les retards incompréhensibles du « contrat 717 »
Certains responsables de cette gestion indigente sont pourtant loin d'être inquiétés. Le 15 mars, la procureure européenne en chef, Laura Kövesi, déplorait à la télévision grecque le manque de coopération des autorités : impossible, notamment, de poursuivre le ministre des Transports de l'époque, Kostas Karamanlis, et son prédécesseur. Les députés de la majorité Nouvelle Démocratie refusent de lever leur immunité parlementaire, malgré une pétition ayant recueilli 1,8 million de signatures en ce sens.
La commission parlementaire ad hoc s'est, elle, avérée une parodie destinée à « couvrir les responsables », affirment les partis d'opposition. La majorité a refusé d'entendre des témoins clés et le rapport final de 723 pages se concentre uniquement sur les erreurs humaines, ignorant les conclusions des experts.
Parmi elles : les retards incompréhensibles du « contrat 717 », dont l'un des prestataires est Alstom et dont la livraison à temps aurait empêché l'accident.
Lenteur et négligences
L'enquête, enfin, patine et se distingue par sa lenteur et ses négligences. Quelques jours après le drame, la scène de l'accident a été recouverte de gravats et les wagons déplacés, au mépris des protocoles les plus élémentaires. Les proches des victimes ont par ailleurs dû mandater par eux-mêmes des experts pour effectuer des recherches concluantes.
« À l'oligarchie criminelle et à l'indifférence du gouvernement s'est ajoutée une tentative tout aussi criminelle et méthodique de dissimuler l'affaire et de créer un voile de protection pour certaines personnes », condamne la motion de censure déposée mardi après-midi. Kyriakos Mitsotakis devrait prendre la parole jeudi pour se défendre.
Basile Dekonink (Correspondant à Athènes)