Grâce au CIEP, la BD s’expose comme un outil populaire de résistance
Le Centre d’information et d’Éducation Populaire (CIEP) sensibilise à la triple domination – le capitalisme, le sexisme et le racisme – par le biais du neuvième art, la bande dessinée.
- Publié le 18-03-2024 à 16h00
D’habitude, ce sont les pages des magazines qui s’y tournent… Mais dans la salle d’attente de la CSC HO Tournai, là où le CIEP possède ses locaux, l’actu People est remplacée par des bandes dessinées engagées.
Accessible jusqu’au 23 mars, l’exposition a été réfléchie il y a une dizaine d’années avec la PAC, le mouvement Présence et Action Culturelles, dans le cadre d’une campagne appelée "La Culture, outil de résistance". Via différentes formes culturelles dont la bande dessinée, celle-ci visait à délivrer un message de résistance contre la triple domination – le capitalisme, le sexisme et le racisme.
"Nous sommes des associations d’éducation permanente, c’est-à-dire que parmi nos missions, nous développons le sens critique des personnes de plus de dix-huit ans. Cela passe par des outils mis à disposition pour comprendre la société, pouvoir identifier ses problèmes et les causes ainsi que mettre en place des réflexions sur ce qu’on pourrait améliorer. Nous avons voulu nous pencher sur la bande dessinée, parce que c’est un art populaire et accessible à tous. Ce n’est peut-être pas le cas d’un roman. Par ce biais, nous pouvons sensibiliser à cette triple domination", indique Maxime Dogot, animateur au CIEP.
Gaston Lagaffe militant
Un travail de recherches et plusieurs propositions soumises par l’équipe ont permis de sélectionner une cinquantaine de BD aujourd’hui exposées. Karl Marx, Marine Le Pen ou encore Gaston Lagaffe, tous personnages principaux, ont en commun leur militantisme, même si cela est parfois moins évident à discerner.
"Par exemple, Gaston Lagaffe est assigné à une tâche ennuyeuse au service de son entreprise. Il doit trier le courrier. Cela bride sa créativité qu’il cherche justement à développer. C’est une critique du capitalisme. Le but est de faire du profit à tort et à travers, peu importe les conséquences sur l’humain. Si l’on prend la plus vieille bd de l’expo,"La Bête est morte", cela est plus manifeste. Elle a été réalisée par des résistants durant la Seconde Guerre mondiale pour expliquer comment la résistance a participé à vaincre le troisième Reich".
L’actualité en images
Lors de l’inauguration ce samedi 16 mars, deux auteurs dont certaines planches sont présentées – Un Faux Graphiste (pseudonyme) et Antonio Cossu – avaient répondu à l’invitation. "Nous travaillons beaucoup sur les questions de racisme. Antonio Cossu correspondait avec sa BD sur l’immigration italienne. Ensuite, nous collaborons avec le DAL, une ASBL pour la défense du droit au logement pour tous, et le récent travail d’Un Faux Graphiste –"Mal se loger en cinq étapes"– a fait sens", précise Maxime Dogot. Les auteurs ont pu expliquer leurs inspirations ainsi que débattre avec le petit groupe de visiteurs rassemblés.
Pour Un Faux Graphiste, c’est la première BD politique réalisée. Elle sera d’ailleurs imprimée cette semaine. "Je détourne des photos existantes pour en faire des blagues tirées de mon vécu. J’ai passé deux mois dans une association bruxelloise qui essaie de militer pour le droit au logement. En partant des revendications des personnes en difficulté, j’ai tiré des petits strips qui parlent de la question du mal au logement".
En quarante ans de métier, Antonio Cossu a dépassé la trentaine d’albums, certains avec le dessinateur et professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai, Frédéric Druart dont "Une histoire importante: 70 ans d’immigration italienne en Belgique et plus". Un peu plus qu’un thème, une partie de son vécu !
"L’immigration est un sujet universel presque intemporel. Je suis moi-même le fils d’immigrés. Mon père est venu de Sardaigne pour travailler dans les mines belges. Il m’a pris dans ses bagages. Je suis arrivé par ici à l’âge de six ans. J’ai vécu dans des cités et aujourd’hui, je suis toujours dans le Borinage. Petit, à la maison en Italie, il n’y avait que des bandes dessinées. C’est devenu une passion".
Mardi 19 mars à 19h: conférence "Les dangers de l’extrême droite" avec Benjamin Biard, expert francophone (CRISP) sur la question de l’extrême droite. Mercredi 20 mars à 14h: ateliers créatifs "BD et détournements" ouverts à tous. Exposition La BD, un outil de résistance du 16 au 23 mars. Du lundi au vendredi de 14h à 17h. Les samedis de 10h à 17h. 10 avenue des États-Unis à Tournai, CSC. Infos: maxime.dogot@ciep-wapi.be ou 0471 12 43 42