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Tout commence par un Baiser [ill. plus bas]. Éternel, infrangible, solide comme le bloc de pierre dans lequel il a été sculpté. À peine dégrossi, il donne à voir en quelques traits incisifs une chevelure féminine, des bras entrelacés et deux regards plongés l’un dans l’autre. Scellant à jamais l’union de deux êtres si fusionnels qu’ils forment un tout indivisible, il n’est que le premier d’une longue série sur laquelle son créateur Constantin Brancusi ne cessera de revenir.
Déclinée en de multiples versions, l’œuvre permet presque d’embrasser toute la carrière de cet artiste considéré comme le fondateur de la sculpture moderne, depuis ses débuts à Paris jusqu’à la dernière version réalisée en 1945, de son atelier au 11 de l’impasse Ronsin (dans le 15e arrondissement de Paris) jusqu’au cimetière du Montparnasse qui abrite sa tombe, mais aussi, non loin de là, une variante du couple inséparable, accroupi cette fois, uni pour veiller sur la sépulture d’une jeune fille russe suicidée par amour en 1910.
Mais revenons au premier Baiser, celui de 1907, qui a pour l’artiste roumain, arrivé dans la capitale française depuis peu, un goût particulier. Il marque un moment clé : celui où Brancusi revient à la taille directe après une formation académique basée sur la pratique classique du moulage. « C’est en taillant la pierre que l’on découvre l’esprit de la matière, sa propre mesure. La main pense et suit la pensée de la matière », note l’artiste. Le matériau est solide et fragile à la fois ; il résiste. Il faut l’amadouer sans le forcer, le caresser sans le blesser, pondérer ses gestes.
C’est un retour aux sources pour Brancusi, qui convoque des gestes ancestraux, mais aussi ceux de son enfance dans la petite commune d’Hobita, en Roumanie. Le gamin Constantin, issu d’un milieu paysan, sculptait de petites figures en bois, s’inspirant pour les motifs des portails, piliers et auvents des maisons de son environnement direct.
Enfant rebelle, instinctif, il fugue plusieurs fois dès l’âge de 11 ans et part pour Targu Jiu, Slatina puis Craiova, accumulant les petits boulots. Jusqu’au jour où, en 1894, le patron du restaurant qui l’embauche, fasciné par le violon que le jeune homme vient de construire tout seul en réemployant les lattes de caisses d’emballage, l’encourage à s’inscrire à l’École des arts et métiers de la ville. Son diplôme en poche, il rejoint à 21 ans l’École nationale des beaux-arts de Bucarest où il s’initie au modelage du plâtre d’après des modèles et des sources antiques. Trop académique pour lui. Brancusi prend le large direction Paris.
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