Murmures du monde

Le Portugal, pays de la saudade et du fado

© Dave Williams – Getty

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Par Hélène Van Loo

Laissons-nous porter vers Le Portugal, perçu comme le pays de la "saudade". Un sentiment indéfini, entre mélancolie et bonheur d’être triste.

Le fado, le miroir de l’âme portugaise

L’expression la plus populaire de la saudade portugaise est celle que nous retrouvons dans le fado : un chant cantonné pendant un siècle dans les tavernes et les ruelles mal famées et qui acquiert ses lettres de noblesse et son statut de miroir de l’âme portugaise grâce au talent et à la passion d’une femme : Amália Rodrigues.

Le fado, ce chant urbain identifié à la ville de Lisbonne. Il fait partie de son histoire et constitue en même temps un des lieux où le récit de cette histoire se construit.

La nostalgie, la tristesse, des sentiments de perte se mêlent et se confondent dans l’image qui se dégage de ce chant, comme s’ils en étaient une composante essentielle et originelle. Pourtant l’expression des sentiments dans le fado a évolué. Et la tristesse n’est qu’un signe relativement tardif de son identité.

Des bas-fonds de la cité à l’aristocratie bohème

Durant toute la première moitié du XIXe siècle, ce sont les prostituées et leur entourage, les gens de la rue et des travailleurs du port qui chantent le fado.

Le fado est surtout confiné dans les bas-fonds de la cité. Mais il devient aussi objet de curiosité : l’aristocratie bohème apprendra à le jouer et à le chanter et lui donnera une marque sociale plus raffinée. 

Amália Rodrigues

Amalia Rodrigues

Fille de petits ouvriers, Amália da Piedade Rebordão Rodrigues est contrainte à abandonner ses études à 12 ans pour aider sa famille. Marchande de rue ou ouvrière textile, elle chante pour se donner du courage en accomplissant son labeur. Par sa voix, elle émeut, elle bouleverse, tant et si bien qu’on la presse de participer à des concours qui lui ouvrent les portes de maisons de fado. Le bouche-à-oreille est tel que bientôt, ces auberges deviennent trop petites pour accueillir le public d’Amália.

 

 

Après la Seconde Guerre mondiale, sa carrière s’étend au cinéma et à l’international. Les musiciens et les poètes se pressent pour lui composer des fados sur mesure. En 1957, elle inspire qui Charles Aznavour lui écrit la chanson : "Ay ! Mourir pour toi"

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En 1962, la rencontre avec le musicien franco-portugais Alain Oulman est un tournant dans la carrière d’Amália Rodrigues. Il lui compose des fados en adaptant les grands poètes portugais. Ce qui n’est pas du goût de tout le monde : certains ironisent en qualifiant ces œuvres d’opéras et raillent leur complexité, d’autres se scandalisent que l’on ait osé toucher aux textes classiques. Plus gênant ! L’intervention de la police d’Etat qui ne supporte pas les allusions aux persécutions politiques décelées dans un texte de David Mourão-Ferreira et interdit le disque sur lequel il se trouve. Considéré comme un agitateur, Alain Oulman finit par se faire emprisonner en 1965, mais est libéré peu après, grâce à l’intervention d’Amália.

Une histoire d’amour entre le Portugal et Amália

Après la révolution des Œillets, en 1974, on reproche à Amália Rodrigues, qui n’a jamais cessé de chanter durant les années Salazar, ses relations avec le pouvoir fasciste. Elle est mise à l’écart durant une décennie. Mais dans le cœur des Portugais, rien ni personne ne peut la remplacer. En 1985, son retour sur scène est un triomphe. L’histoire d’amour entre le Portugal et Amália peut à nouveau s’épanouir et briller au-delà des frontières physiques et temporelles. Lorsqu’elle disparaît en octobre 1999, le Portugal est abasourdi. Trois jours de deuil sont déclarés, la campagne électorale, alors en cours, est suspendue et les larmes ne cessent de couler.

En tirant sa révérence à l’aube d’un nouveau millénaire, celle qui a apporté sa modernité au fado laisse d’abord cette musique orpheline, mais elle a fait naître des vocations.

C’est le cas de Mariza, originaire d’une colonie d’outre-mer, le Mozambique, Marisa combine les influences de son père, portugais, et de sa mère, mozambicaine, et exprime la saudade, ce désir confus d’une chose qui n’a jamais été.

La guitare portugaise

Vers les années 1930, l’accompagnement instrumental du fado commence à se stabiliser, si bien que l’instrument appelé "guitare portugaise" en devient le principal symbole. Aujourd’hui, le chanteur ou la chanteuse de fado est toujours accompagné.e de deux guitaristes : l’un joue de la "guitarra portuguesa", l’instrument mélodique, et l’autre joue la "viola", deux termes que l’on traduit en français par le même mot : guitare.

Au XVIIIe siècle, le jeu de la guitare portugaise est réservé à la classe bourgeoise, pour ne pas dire l’aristocratie. Il va peu à peu descendre dans des couches sociales plus défavorisées, celles qui créent et pratiquent le fado et qui se portent garantes du succès de l’instrument jusqu’à nos jours.

Playlist 

Madredeus, "guitarra"

Amalia Rodrigues, "conta errada"

Carlos do Carmo feat Carminho " Lisboa Oxala"

Amalia Rodrigues, "Fado Lisboeta"

Charles Aznavour " Ay ! Mourir pour toi"

Amalia Rodrigues, "Abandono"

Amalia Rodrigues, " Fado português"

Mariza, " fado meu"

Dulce Pontes " Fado Mae"

Carlos do Carmo et Mariza, " Julia Florista"

Carlos Paredes, " Verdes Anos"

Ana Moura, " Moura encantada"

Madredeus, "ainda"

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