Lancé en 2021, le programme SNLE 3G, pour sous-marin lanceur d’engin de troisième génération, vise à renouveler progressivement la composante océanique de la dissuasion nucléaire française. Quatre bâtiments submersibles, encore plus discrets et furtifs que leurs prédécesseurs, sont appelés à remplacer, à partir de 2035 et jusqu’en 2050, le Triomphant, le Téméraire, le Vigilant et le Terrible, mis en service entre 1997 et 2010. Soit un nouveau bateau tous les cinq ans.
Le programme destiné à la Marine nationale n’a pas attendu la découpe symbolique de la première tôle de la coque du premier SNLE 3G, mercredi 20 mars 2024, pour dépasser le stade des études. Ainsi, la production des composants principaux de la chaufferie nucléaire embarquée et de la propulsion, notamment de la cuve, a-t-elle débuté depuis plusieurs années près de Nantes, sur le site de Naval group Indret.
La Direction générale de l’armement (DGA), maître d’ouvrage en collaboration avec le Commissariat à l’énergie atomique, n’a pas livré tous les secrets du futur SNLE. Elle a toutefois diffusé, le 4 juillet 2023, sur X (anciennement Twitter), la vidéo d’une maquette, destinée à des essais de manœuvre, qui laisse entrevoir la forme du futur sous-marin, le plus grand jamais conçu en France et l’un des plus gros du monde.
Long de 147 mètres, selon Mer et Marine (150, selon la DGA), soit neuf à douze mètres de plus que ses prédécesseurs, le SNLE 3G sera aussi un peu plus lourd (au moins 15 000 tonnes de déplacement en plongée, contre 14 300 tonnes pour la classe des Triomphant). Prévu pour assurer ses missions de dissuasion jusqu’à la fin des années 2080, il embarquera les futures versions du missile nucléaire stratégique M51 et bénéficiera d’avancées technologiques (meilleures hydrodynamique et manœuvrabilité) « qui accentueront sa discrétion acoustique et sa furtivité », indique la DGA. Grâce à des senseurs (sonars, détecteurs de radars) plus performants, les SNLE 3G bénéficieront de capacités de détection accrues, prêts à riposter, si le président de la République leur en intime l’ordre, à une attaque qui viserait les intérêts vitaux de la France.
3 400 entreprises et 3 000 emplois mobilisés
Doté des équipements - de détection, de communication, d’autodéfense - les plus modernes, « le SNLE 3G nécessite l’intégration de près de 100 000 appareils, ainsi que des centaines de kilomètres de câbles et de circuits », indique la Direction générale de l’armement. Le bâtiment doit pouvoir être accueilli dans les infrastructures existantes - notamment la base de l’Île-Longue (29). Il doit permettre à un équipage mixte de plus de 100 marins de vivre sous l’eau en autonomie complète, pendant près de trois mois.
La construction des quatre sous-marins va, pendant plusieurs dizaines d’années, mobiliser plus de 400 entreprises. « Cela représente 3 000 emplois directs en France, hautement qualifiés, et non délocalisables », met en avant la DGA. Au sein de Naval Group, qui assure la maîtrise d’œuvre d’ensemble du chantier, en cotraitance avec TechniAtome pour la partie chaufferies nucléaires. Et chez de nombreux sous-traitants, auxquels le programme offre une visibilité rassurante.
4 Coût du programme : c’est « secret-défense »
Les noms des futurs fleurons de la dissuasion française n’ont pas été choisis. Leur coût, quant à lui, est top secret. Tout juste sait-on que le gouvernement a prévu, pour les six années à venir, d’allouer 13 % de son budget défense au maintien de l’arsenal nucléaire français. L’enveloppe 2024 pèse 6,35 milliards d’euros. Au lancement du programme, en 2021, le ministère des Armées évaluait le développement d’une nouvelle génération de SNLE à 15 millions d’heures de travail, et la construction de chacun des bâtiments à 20 millions d’heures de chantier. Cela donne une petite idée du coût de construction, colossal, d’un appareil. Il y en a quatre à sortir, dont l’entretien, pendant une quarantaine d’années (au minimum), pèsera « quatre fois l’investissement de départ », selon l’estimation avancée par le journaliste spécialisé Jean-Dominique Merchet, il y a trois ans, dans L’Opinion.