Il n’est tombé que 130 mm de pluie depuis le mois d’octobre » se désole Michel Bataille*. Ce nouveau millésime désertique renforce l’envie du vigneron installé avec son fils au domaine de l'Espelido à Lespignan (entre Narbonne et Béziers) de tester des cépages étrangers.
Après avoir planté l’an passé du chardonnay et du vermentino sur quatre porte-greffes différents pour trouver les plus tolérants à la contrainte hydrique, il va diviser une parcelle de 2,3 hectares en deux pour y planter en janvier du moschofilero, dont il apprécie la ressemblance avec le gewurztraminer, et 23 rangs d’autres cépages grecs, espagnols, italiens et portugais. Les comportements agronomiques et les potentiels œnologiques de ces cépages seront comparés à ceux du chardonnay et du terret blanc. « J’ai sélectionné une parcelle en zone IGP sur des terres sablonneuses à faible réserve utile en eau pour que ce projet soit aussi utile aux vignerons en AOP » ajoute-t-il.
Le vigneron n’a choisi que des cépages blancs pour coller aux attentes du marché. « J’ai pris les conseils de Jean-Michel Boursiquot, Didier Viguier, et Jacques Rousseau en privilégiant l’aromatique terpénique. Comme la chaleur brûle les thiols, il faut oublier le sauvignon dans la région ! Je me suis aussi fait expédier des bouteilles et j’ai découvert des cépages très intéressants, comme le falanghina italien qui est doté d’une acidité encore plus fine que celle du colombard. »
Le vigneron a déjà préparé son champ et passé commande auprès des pépiniéristes VCR, VNB Bakasietas et Mercier. « Cet essai va me coûter 40 000€ de plus qu’une plantation normale. j'ai sollicité plusieurs financeurs mais pour l'heure seul le Conseil départemental de l'Hérault a jugé le projet intéressant et pourrait éventuellement nous aider » tempête-t-il, alors qu’il a passé l’âge de départ à la retraite et explique mener ce projet pour le collectif.
Michel Bataille en veut aussi énormément à la compagnie d'aménagement du Bas-Rhône et du Languedoc (BRL). « J'avais prévu pour chaque cépage 50 pieds témoins et 50 pieds irrigués mais leur réseau d’irrigation construit il y a 10 ans est déjà saturé et incapable de fournir 5m3 d'eau par heure. Quel sens de la prospective ! ». Pour ne rien arranger, Michel Bataille peine à trouver du soutien technique. « J’ai par exemple sollicité la fédération des IGP, sans réponse. A ce rythme la vigne va disparaître du Languedoc et la pistache ne pourra pas tout remplacer à moins de rendre l’apéritif obligatoire ! »
*poursuivi dans une affaire de viol, Michel Bataille a été condamné en décembre 2023 et indique faire appel donc "être présumé innocent" à Vitisphere.
Michel Bataille va profiter de sa nouvelle parcelle d'essais de cépages étrangers pour planter en bord de rans des haies de poiriers sauvages, d'arbre de Judée et d'aulne de Corse (ces deux dernières espèces ne faisant pas concourrence à la vigne pour l'azote). Le long des fourrières, il prévoit en plus de planter différentes essences de chênes venant de zones chaudes.
Le vigneron va par ailleurs travailler sur le management de la canopée et tester des palissages à ombre portée et des filets avec Meiser (Profil Alsace).