Henrik Fisker persiste à lancer sa propre marque… Mais les revers de fortune sont récurrents. Il y a dix ans, Fisker Automotive mettait la clé sous la porte, emporté par la défaillance de son fournisseur de batterie A123. Cela n’a pas empêché le designer danois de vouloir donner une descendance à la belle berline hybride rechargeable Karma. En 2016, il créait Fisker Inc., avec l’idée de commercialiser le SUV électrique Ocean, d’un gabarit équivalent au Tesla Model Y.
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L’histoire semble se répéter. Les livraisons ont débuté à la fin de l’été 2023, timidement. Alors que Fisker tablait sur 40 000 précommandes, celles-ci ont eu du mal à se traduire dans les faits : seuls 4 700 exemplaires ont été livrés sur l’année 2023, sur les 10 142 unités produites. Une dure réalité, liée notamment à l’absence de réseau. Prenant conscience de l’échec de sa stratégie de vente par Internet, Fisker a alors développé des partenariats avec des groupes de distribution automobile, pour ouvrir des points de ventes plus nombreux. Mais les stocks ont pesé lourd dans les comptes.
Au bord du gouffre, la marque cherche aujourd’hui à se débarrasser au plus vite des voitures qui dorment sur ses parkings. Aux Etats-Unis, les Ocean sont bradés pour tenter d’apporter un peu d’argent : sur la finition haut de gamme Extreme, la ristourne atteint 24 000 dollars, avec un prix qui passe de 61 499 dollars à 37 499 dollars. Soit une baisse de 39 % ! Idem pour les finitions Ultra et Sport, dont le tarif baisse respectivement de 52 999 dollars à 34 999 dollars, et de 38 999 dollars à 24 999 dollars. Une affaire pour ce SUV aussi séduisant que convaincant. Mais ce coup de canif dans les prix ne serait-il pas annonciateur d’une possible faillite à venir ? Il faut aussi garder à l’esprit que certains équipements (régulateur de vitesse adaptatif, commande vocale…) promis par mise à jour n’arriveront sans doute jamais. Et que l’entretien de ce SUV s’annonce extrêmement compliqué dans les années à venir, faute de pièces détachées spécifiques. Pour l’instant, Fisker n’a pas annoncé d’opération similaire en Europe.
L’échec d’un rapprochement avec Nissan
Les mauvaises nouvelles se sont accumulées ces dernières semaines. Les résultats financiers de Fisker ont fait état d’une perte de 762 millions de dollars sur l’année 2023… C’est assez équivalent à Polestar, mais cette dernière marque est adossée au géant chinois Geely, capable de financer ce déficit, ce qui n’est pas le cas de Fisker ! Au moment de présenter son bilan, la marque californienne assurait être en négociations avec un grand constructeur pour le développement d’une plateforme électrique, ce qui se traduirait par une entrée au capital à hauteur de 450 millions d’euros. Selon Reuters, le constructeur en question était le japonais Nissan, intéressé par le projet de pick-up Alaska. Un accord semblait indispensable, puisque le communiqué révélait que Fisker n’avait pas les liquidités pour survivre plus de 12 mois.
La production du Fisker Ocean est interrompue pour au moins six semaines, et ses livraisons suspendues. Crédit: Nicolas Meunier/Challenges
Malheureusement, les négociations ont échoué, prolongement d’un engrenage infernal pour Fisker. La marque a stoppé le développement de son prochain modèle, la Pear, fin février. Le 18 mars, une bouffée d’espoir était permise à la lecture d’un communiqué, qui annonçait l’arrivée d’un investissement de 150 millions de dollars. Mais, au même moment, la production dans l’usine autrichienne de Magna-Steyr, sous-traitant qui assure la fabrication de l’Ocean, était interrompue, pour six semaines. Il y a peu de chance qu’elle redémarre un jour.
Fisker radié de la Bourse de New York, des livraisons suspendues
Les investisseurs avaient promis d’octroyer 150 millions de dollars à Fisker sous certaines conditions, notamment concernant le cours de son action. Là aussi, tout va mal. Après une alerte en février, la marque a été radiée de la Bourse de New York le 26 mars, du fait d’un cours trop bas : sa valeur a dégringolé à moins de 0,10 dollar après l’échec des négociations avec Nissan. L’arrivée d’argent frais tant espérée n’aura pas lieu. Fisker semble pris à la gorge.
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Aujourd’hui, Fisker semble se préparer à sa fin. Mi-mars, le Wall Street Journal révélait que le constructeur avait recruté des conseillers pour se préparer à une potentielle faillite. Aujourd’hui, ce sont les livraisons des voitures aux clients qui sont suspendues, au moins pour une semaine. L’histoire se répète : l’Ocean semble suivre le même destin funeste que la Karma.