La belle relance de Biniam Girmay sur les classiques flandriennes
Après une saison compliquée, le coureur érythréen est bien dans le coup sur les pavés et sera un outsider ce mercredi.
- Publié le 27-03-2024 à 12h57
Il y a deux ans, il ouvrait grands les yeux, surpris de voir une telle effervescence autour de lui après sa victoire à Gand-Wevelgem. Cinquième de l’E3 trois jours plus tôt, Biniam Girmay avait fait sensation pour sa découverte des pavés en devenant le premier coureur africain à remporter une classique flandrienne. “Je le vois encore s’étonner du nombre de journalistes présents à l’hôtel le lendemain de sa victoire à Wevelgem, se rappelle, dans un sourire, Sarah Inghelbrecht, l’attachée de presse de son équipe Intermarché-Wanty. “Alexander Kristoff, qui était encore dans l’équipe en 2022, lui avait ensuite dit : ‘tu dois t’y habituer, ce sera comme ça pendant dix ans…’” Rentré ensuite chez lui directement en Erythrée, faisant l’impasse sur Waregem et le Ronde, il y avait été accueilli comme un héros dans son pays.
Deux ans plus tard, Biniam Girmay revient au centre de l’actualité cycliste. Après sa révélation en 2022, l’année 2023 avait été plus compliquée pour lui. Mais il a été bien présent sur les dernières classiques. Sur l’E3, malgré une défaillance dans les derniers kilomètres, où il a fini complètement frigorifié, et à Gand-Wevelgem, où il a fini septième. “Je n’avais jamais roulé avec autant de vent, souffle-t-il au sujet de l’épreuve de dimanche. Ces courses belges sont si spéciales : quand le peloton a explosé, il restait 120 kilomètres et plein de difficultés !”
Les difficultés, justement, semblent derrière lui, après une saison 2023 qui n’a pas correspondu à ses attentes ni à celles de son équipe. Quel regard porte-t-il sur la saison écoulée ? “Cela n’a pas été du temps perdu, loin de là. Même si cela n’a certes pas été facile, mentalement, de ne plus connaître la même réussite qu’un an avant, quand tout avait été extraordinaire. Quand j’avais fait partie des meilleurs avec une victoire sur une grande course, à Wevelgem, et sur un Grand Tour. Mais n’oubliez pas que je reste jeune, que je n’ai que 23 ans (NdlR : il en aura 24 mardi prochain). J’ai encore beaucoup de choses à apprendre. Quand j’ai gagné à Wevelgem, je ne savais vraiment pas que c’était une épreuve si importante. Je ne l’ai compris qu’en voyant l’excitation et la joie des coéquipiers et des membres du staff.”
Depuis, il cerne mieux l’importance de ces épreuves, de leur hiérarchie : À Travers la Flandre, ce mercredi, est moins prestigieuse que le Tour des Flandres de dimanche. Mais cela reste une très belle à gagner. Et une course qui peut, aussi, lui convenir.
”Il va la découvrir, il ne l’a jamais disputée, mais oui, sur le papier, c’est une épreuve qui doit lui convenir, évoque Maxime Segers, le COO de l’équipe wallonne. D’autant plus que le niveau y est un peu moins élevé qu’au Ronde. Cela fait plaisir de voir Bini à l’avant. Il sort d’une année plus compliquée, marquée par de nombreux contretemps. Il avait été malade à Tirreno, il était lourdement tombé au Tour des Flandres. Vu le niveau incroyablement élevé du peloton actuel, si tu n’es pas au top, si tu as un peu de retard avec ces contretemps, cela se paie cash. On ne peut pas tout comparer, mais c’est un peu ce qui a l’air de se passer pour Arnaud De Lie actuellement.” Biniam Girmay confirme : “J’ai bien remarqué en 2023 que s’il te manque même un seul petit pourcent, dans ce peloton, tu ne peux plus jouer la victoire sur les grandes épreuves.”
"Il n'aime pas être seul entre les courses. Nous l'avons mieux encadré, avec un soutien humain."
Est-ce que le nouveau pied à terre de Biniam Girmay en Belgique lui a permis d’avoir un meilleur rendement sur la période de classiques actuelles ? “Pas vraiment, pour la simple et bonne raison qu’il n’a pas encore été dans son appartement à Louvain, répond Maxime Segers Mais nous l’avons mieux encadré au sein de l’équipe. Il n’aime pas trop être seul. Cela avait parfois été compliqué, pour lui, les périodes de transition entre plusieurs épreuves. Ici, on lui a apporté un plus grand soutien humain et matériel. Il est chaque fois resté avec notre entraîneur Frederik Veuchelen ou avec d’autres coureurs, dont Mike Teunissen. Physiquement, il va bien. Et donc, mentalement, il va bien aussi. Comme tout le groupe, d’ailleurs. Nous avions encore cinq gars dans le final, dimanche, à Wevelgem. Avec notamment Laurenz Rex qui n’y a pas eu de chance.”
"Mon frère Meweal est arrivé dans notre l'équipe de développement : il est une copie de moi !"
Biniam Girmay est aussi heureux de voir son frère Meweal arriver dans l’équipe de développement d’Intermarché-Wanty (Wanty-ReuZ-Technord). Quel type de coureur est-il ? “C’est une copie de moi, détaille Biniam en souriant. Il a le même corps que moi, la même tête et le même profil que moi sur le vélo. J’espère qu’il va s’habituer à la vie européenne.” Ses débuts n’ont pas été idéaux, avec une fracture de la clavicule sur le récent Grand Prix Vermarc.
Bien relancé dès le début de l’année, en Australie, avec des places d’honneur répétées sur le Santos Tour Down Under et avec une victoire sur la Surf Coast Classic, Biniam Girmay est donc prêt à guerroyer à nouveau sur les pavés, ce mercredi. “Je veux y profiter de ma bonne forme actuelle, tout comme dimanche au Tour des Flandres, explique celui qui se réjouit de… l’absence de Tadej Pogacar sur ces épreuves. Je pense que tout le peloton est content que Pogacar ne soit pas au départ des Flandriennes… Il rend la course tellement difficile. Pogi est un super gars, marrant, un grand champion.”
Qu’il retrouvera sur les autres objectifs de Biniam Girmay cette saison. Comme le Tour de France, où il avait fait ses débuts, l’an passé (”Je n’y avais pas été mauvais, je n’y avais pas été en réussite, mais cela avait été très impressionnant de découvrir la grandeur de cette épreuve et ce serait fou d’y remporter une étape”). Mais aussi les Jeux olympiques. “Je pense que le parcours à Paris peut me convenir. Ce sera une course très particulière, avec un petit peloton. Avec des équipes avec peu de coureurs. Moi, j’y serai… seul. Cela peut parfois être plus facile, parfois plus compliqué. Mais je sais que ce serait énorme, pour mon pays, d’y obtenir une médaille.”
Mais place, d’abord, aux pavés !