Productivité exacerbée, écrans à outrance, cerveau en constante ébullition, sédentarité… nous empêchent de dormir ! Les Français dorment de moins en moins : leurs nuits durent en moyenne moins de 7 heures, 33% dormant même moins de 6 heures. Pas si grave? « On sait par de très nombreuses études épidémiologiques que dormir moins de 6 heures est associé à un risque plus élevé d’obésité, de diabète de type 2, d’hypertension, de pathologies cardiaques et d’accidents. Dormir moins de 6 heures réduit aussi la vigilance dans la journée, augmente l’irritabilité et perturbe les relations familiales ainsi que la qualité de vie et de travail », explique Santé Publique France. 

Moins dormir donne faim  

Parmi les conséquences négatives d’une dette de sommeil, la difficulté à conserver un poids d’équilibre.
C’est ce que j’explique à ma patiente Laure, grande couche-tard. « Je me mets rarement au lit avant 2h du matin et je me  lève vers 7h15 », m’explique cette directrice juridique d’une start-up. « Je rentre tard du travail, il est fréquent que je reprenne un dossier après le dîner et après je m’affale dans le canapé et je regarde une série ou je scrolle sur Instagram », note-t-elle. Laure a pris 6 kgs depuis son changement de poste il y a 2 ans et s’en étonne : « je n’ai pas l’impression de manger si mal que ça, même si, c’est vrai, j’ai très faim quand je rentre le soir et je grignote devant ma série. »

Le sommeil joue un rôle crucial dans la régulation de plusieurs hormones impliquées dans la faim et la satiété, en particulier la ghréline et la leptine. La première stimule l’appétit, la seconde contrôle la satiété et augmente la dépense énergétique. Un sommeil insuffisant ou de mauvaise qualité peut stimuler la production de ghréline : on a davantage faim. La production de leptine, elle, diminue et son action est moins efficace : les cellules cérébrales deviennent moins sensibles à la leptine. On a du mal à se sentir rassasié. Pas de doute donc, moins dormir, c’est risquer de manger plus.

Mieux dormir permet de manger plus équilibré

Je propose à Laure de faire un journal alimentaire pour mieux explorer la qualité et la quantité de ce qu’elle mange. Elle ajoute aussi son temps de sommeil pour que nous puissions observer d’éventuelles corrélations avec les fringales.
À la deuxième consultation, nous remarquons que les nuits où elle dépasse les 6 heures de sommeil (elles sont rares !), Laurence grignote moins. Laurence n’est pas tellement surprise : « quand je me sens fatiguée dans la journée, mon premier réflexe c’est d’aller manger quelque chose. » Elle ajoute « en vacances, je dors plus et je me régule mieux. Alors que mes copines reviennent avec 2 kgs en plus du ski ou des vacances d’été, moi je reste stable, voire je perds du poids.»
Mieux dormir aide à maigrir tout simplement parce que notre corps ne réclame pas plus d’énergie pour tenir ! 

Une étude menée par l'Université de Californie à Berkeley a montré que le manque de sommeil augmentait l'activité cérébrale dans les zones associées aux récompenses alimentaires, ce qui peut conduire à des choix alimentaires moins sains. Confirmation avec une autre étude de l'Université de Columbia :  les participants qui dormaient suffisamment étaient moins susceptibles de consommer des aliments riches en calories et en gras dans la journée. Pourquoi ? Parce qu’un sommeil suffisant assure le fonctionnement optimal des régions du cerveau impliquées dans la prise de décision et le contrôle des impulsions : on est davantage capable de faire des choix éclairés sur son alimentation. 
Pour en finir avec cette revue de la littérature scientifique, et pour motiver ma patiente à avancer son heure de coucher, je lui cite cette récente étude parue dans Jama International Medecine auprès de 80 adultes en surpoids dormant moins de 6h30 par jour  : 40 d’entre eux ont été accompagnés pour les aider à augmenter leur temps de sommeil, 40 ont continué à suivre leurs habitudes. Résultat, au bout de 2 semaines, le premier groupe avait perdu 500g, et consommait « naturellement » 270 calories de moins que le groupe qui avait conservé 6h30 de sommeil.

Que faire pour mieux dormir? 

Laure est motivée et je lui conseille de se faire suivre par un médecin somnologue pour trouver les solutions les plus adaptées pour elle. En attendant, je lui prodigue quand même quelques conseils, notamment alimentaires.
Pour mieux dormir, il est important de consommer suffisamment d’aliments riches en tryptophane, un acide aminé indispensable (les acides aminés sont comme des  « briques » qui permettent de fabriquer les protéines. Comme je l’explique dans le chapitre « Devenir fan du tryptophane » de mon livre « La méthode douce pour mieux manger » (éditions Leduc), le tryptophane est le précurseur de la sérotonine, l’hormone du bien-être, qui est, elle-même, nécessaire à la production de mélatonine, l’hormone régulatrice du sommeil. Une réaction en cascade donc. Où trouver du tryptophane? Dans les aliments riches en protéines (viande, poisson, oeufs, soja, légumes secs, graines oléagineuses…). Il peut être utile de les associer à des aliments glucidiques, comme les céréales complètes, des fruits ou des légumes pour stimuler la production d’insuline, qui agit en synergie avec le tryptophane pour produire de la sérotonine. Un dhal de lentilles ou du poisson en papillote avec un peu de riz et des légumes, c’est parfait ! J’invite Laure à penser à la banane à 17h, riche en glucides et en tryptophane.
Pour le reste, ma patiente va s’efforcer d’ajouter un peu d’activité physique. Cela fatigue le corps, ce qui aide à trouver le sommeil, et c’est évidemment à privilégier pour accompagner une perte de poids, de diminuer son exposition aux écrans le soir, de se créer un petit rituel d’endormissement et d’avancer très progressivement son heure de coucher.
Au bout de quelques semaines, et avec aussi un peu de rééquilibrage alimentaire, elle a réussi à dormir presque 7h par nuit au moins 3 fois par semaine et elle a perdu du poids ! 

 

« La méthode douce pour mieux manger », Sophie Janvier (éd. Leduc)