Le tour de table a enfin eu lieu. SenseTime, l’une des promesses de l’effervescent secteur de la technologie chinoise, a réussi ses premiers pas à la Bourse de Hong Kong, lors d’une séance clôturée au petit matin du jeudi 30 décembre. L’entreprise, spécialisée notamment dans la reconnaissance faciale, a levé autour de 654 millions d’euros, flirtant avec l’objectif qu’elle s’était fixé. SenseTime comptait sur l’introduction en Bourse pour atteindre une valorisation de 17 milliards de dollars (15 milliards d’euros).

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La fête avait été repoussée. Le 10 décembre, soit exactement une semaine avant l’entrée en Bourse initialement prévue, le département du Trésor américain avait placé l’entreprise sur sa liste noire, interdisant ainsi à ses ressortissants d’investir ou d’acheter des actions de la compagnie.

Détection des Ouïghours

SenseTime est en effet accusée de mettre ses technologies de reconnaissance faciale à disposition des autorités chinoises afin qu’elles puissent réprimer la minorité ouïghoure. Son algorithme serait particulièrement affiné pour détecter les Ouïghours, le Trésor américain estimant que « la barbe, des lunettes de soleil ou un masque » ne sont pas un obstacle à son bon fonctionnement.

L’entreprise dément fermement ces accusations mais elle est dans le viseur des autorités américaines depuis le début de l’année 2019. Tout est parti d’une enquête du New York Timesqui a révélé la complicité de la compagnie ainsi que d’autres entreprises du secteur technologique chinois avec les autorités.

Le gouvernement chinois mène depuis des années la répression contre les Ouïghours, une ethnie turcophone majoritaire dans le Xinjiang, province de l’ouest du pays. Torture, stérilisation des femmes, travail forcé, enfermement d’un million de personnes dans des camps de rééducation ont été largement rapportés. Le gouvernement américain accuse d’ailleurs la Chine de « génocide ».

Secteur en pleine croissance

À la suite de ces accusations, SenseTime avait cédé sa participation dans sa filiale au Xinjiang. Le département du commerce américain a toutefois sanctionné la compagnie en restreignant sa capacité à se fournir en matériel et technologies américaines.

Des événements qui n’ont pas empêché une belle introduction en Bourse. Le titre a pris 23 % à l’issue de sa première journée de cotation. Le secteur de la technologie chinoise est porteur. Outre les géants du numérique Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi, alter ego locaux des fameux Gafam américains, l’Empire du milieu abrite des jeunes pousses spécialisées dans l’intelligence artificielle en pleine croissance.

Leur essor s’inscrit dans le cadre d’un plan étatique élaboré en 2017, qui vise à faire du pays la première puissance mondiale de l’intelligence artificielle à l’horizon 2030. Pour cela, la Chine alloue des financements généreux : la commande publique représenterait 40 % des revenus de SenseTime.