Pharmacovigilance: risque cancérigène avec les inhibiteurs du TNF

Les inhibiteurs du TNF adalimumab (Humira®), étanercept (Enbrel®) et infliximab (Remicade®) sont utilisés entre autres dans l’arthrite rhumatoïde résistante à d’autres médicaments antirhumatismaux [voir aussi Folia de mars 2005 ]. Il est bien connu que ces médicaments favorisent la survenue d’infections [voir Folia de septembre 2005 ]. Depuis la commercialisation de ces médicaments, le Centre Belge de Pharmacovigilance a reçu plusieurs notifications d’affections malignes survenues chez des patients traités par un inhibiteur du TNF.

Les notices des différents inhibiteurs du TNF mentionnent que, dans les études cliniques, l’incidence des affections malignes (en particulier des lymphomes) chez les patients traités était supérieure à celle observée dans les groupes de contrôle. En 2006, est parue dans le JAMA [2006; 295: 2275-85] une méta-analyse de 9 études randomisées contrôlées par placebo (d’une durée de 12 à 54 semaines) sur le risque d’affections malignes lors d’un traitement de l’arthrite rhumatoïde par les inhibiteurs du TNF adalimumab et infliximab. Le nombre d’affections malignes diagnostiquées pendant la période de l’étude s’élevait à 29 sur un total de 3.493 patients qui avaient reçu au moins une dose de l’inhibiteur du TNF, par rapport à 3 cas sur les 1.512 patients qui avaient reçu un placebo, ce qui correspond à un odds-ratio de 3,3 [intervalle de confiance à 95%:1,2- 9,1] (l’odds-ratio est une estimation du risque relatif); le risque était dépendant de la dose. D’autre part, il ressort de données provenant de la National Data Bank for Rheumatic Diseases aux Etats-Unis (un registre de patients atteints d’arthrite rhumatoïde qui sont suivis depuis 1998; les données recueillies jusqu’en 2005 ont été analysées) que l’incidence de lymphomes chez les patients traités par un inhibiteur du TNF (en association ou non avec le méthotrexate) n’est pas supérieure à ce qui est attendu dans la population générale [ Arthritis Rheum 2007; 56: 1433-9 ].

Certaines remarques doivent être faites concernant l’évaluation d’une relation entre cancer et inhibiteurs du TNF (entre autres sur base de Arthritis Res Ther 2006; 8: 111 ). Premièrement, dans la méta-analyse du JAMA, le nombre d’affections malignes dans le groupe contrôle était étonnamment faible (le nombre plus important d’abandons dans les bras placebo est une explication possible). Deuxièmement, on sait qu’une arthrite rhumatoïde de longue date est associée à un risque accru d’affections malignes, surtout de lymphomes. De plus, beaucoup de patients inclus dans les études cliniques effectuées jusqu’à présent avec les inhibiteurs du TNF ont été traités au préalable, pendant une longue période, avec un autre inducteur de rémission, généralement le méthotrexate: un effet cancérigène a également été suggéré avec le méthotrexate lui-même.

L’infliximab est aussi utilisé dans la maladie de Crohn; des données indiquent que, dans la maladie de Crohn de longue date, le risque de cancer de l’intestin est légèrement accru. On ignore actuellement si l’infliximab augmente le risque de cancer de l’intestin ou d’autres affections malignes.

Bien que le signal d’un risque cancérigène avec les inhibiteurs du TNF ne doive pas être sous-estimé, ce n’est probablement que dans un avenir proche, lorsque l’on disposera de données concernant les patients ayant débuté leur traitement par un inhibiteur du TNF, que l’on pourra mieux évaluer le risque cancérigène de ces médicaments.