Monsieur Hulot, en vacances depuis 70 ans

- Monsieur ?

- Humm… ot !

- Hein ?

- Humm… ot !

- Permettez…

- Hulot !

Cette scène importante dans l’Histoire du cinéma français se joue entre un réceptionniste et l’un de ses plus fameux bronzés. Le premier n’arrivant pas à comprendre le nom du second est obligé de lui ôter la pipe qu’il a en bouche pour enfin savoir de qui il s’agit et l’inscrire dans son registre. D’ailleurs, j’espère que vous en avez profité car c’est l’unique fois que vous entendrez le son de sa voix. La voix de qui ? De Monsieur Hulot, pardi ("Ah bon, il n’a pas de prénom ! ?", autre réplique culte) !

Il y a 70 ans, le 25 février 1953 pour être plus précis, la France découvrait ce drôle de personnage et ses aventures estivales pour son plus grand bonheur. Le personnage imaginé par le réalisateur et comédien Jacques Tati allait révolutionner le 7e Art. Une personne tout en longueur, tout en hauteur plutôt et en finesse. Un personnage certes muet, digne héritier des Charlie Chaplin, Buster Keaton et autres Harold Loyd, mais un héros qui allait faire parler de lui. Tati et Hulot, son avatar, vont ouvrir la voie des tournages à l’extérieur aux réalisateurs de la Nouvelle Vague. Sans Hulot, plus de gags burlesques dont raffolera plus tard encore Pierre Richard. Sans Tati et Hulot, pas de Mister Bean, là-bas, de l’autre côté de la Manche. Et puis, pour nous, sans Tati et Hulot, pas de rires, tout court !

Mais reprenons tout (ou presque) depuis le début. Ça raconte quoi "Les vacances de M. Hulot" ? Nous sommes en été. Des millions de Français prennent des vacances bien méritées. Parmi ceux-ci, Monsieur Hulot décide de se rendre sur la côte, en Loire-Atlantique, à Saint-Marc-sur-Mer (c’est pas loin de Saint-Nazaire). Là, à l’Hôtel de la Plage, Hulot va tenter de se détendre. Tenter, c’est le bon verbe car sa maladresse va une fois de plus prendre le dessus et lui mener la vie rude…

Dans ce film, Tati se moque gentiment de nous, de nos travers. Hulot le maladroit, le malhabile, semble toujours comme ballotté dans cette société où tout semble aller trop vite. Comme toujours, Tati réalise un film où tout est réglé comme une horloge, calibré, millimétré. Le gag est précis, net. Mieux encore, son travail sur le son est un exemple de réussite. Des sons du quotidien qui, un poil exagérés, sonnent drôlement bien. Comme celui de cette porte qui grince à chaque entrée dans le restaurant de l’hôtel alors que le chef coupe des tranches de rôti. Des tranches dont l’épaisseur varie selon la physique du client qui entre. Ou comme celui de ce service au tennis (scène remarquable) qui fuse…

À sa sortie le film rencontre un beau succès. Au Festival de Cannes, il repart de la Croisette avec le Prix de la critique internationale. À Bruxelles, il décroche le Prix Femina. Quant à Cuba, voilà qu’il est tout simplement désigné comme le Meilleur film de l’année… en 1956 ! Et de son côté, le personnage de Monsieur Hulot reviendra dans d’autres aventures comme "Mon oncle", "Playtime" et "Trafic" de Jacques Tati (encore et toujours). Même François Truffaut fera apparaître Hulot dans "Domicile conjugal" (même s’il s’agissait là de Jacques Cottin, la doublure officielle de Tati dans ses films).

Après toutes ces années, la station balnéaire de Saint-Marc-sur-Mer aussi est devenue reconnaissante de cette belle notoriété amenée par ce film. Rénové, l’Hôtel de la Plage existe toujours au numéro 37 de la rue du Commando Charcot (c’est un Best Western). Vous y trouverez une statue de Monsieur Hulot en vous rendant sur la plage. Un banc de sable fin rebaptisé… Plage de Monsieur Hulot, tout simplement ! Une plage sur laquelle, Tati reviendra pour tourner une suite, quelques années plus tard en 1978. Soit une scène inspirée des "Dents de la mer" de Steven Spielberg.