Enzo Millot
Enzo MillotCredit Photo - So Graphic
par Rafik Youcef
EXCLU

EXCLU - Enzo Millot : « J’utilise mon pied droit seulement pour conduire »

Été 2021, Enzo Millot quitte l’AS Monaco dans l’anonymat le plus total. Le milieu de terrain rejoint Stuttgart avec l’étiquette de « joueur d’avenir ». Après deux saisons d’apprentissage, le natif de Lucé s’éclate (enfin) au sein de l’équipe surprise de Bundesliga. Positionné en métronome par Sebastian Hoeness, « EM8 » enchaîne les performances. Au point d’être convoqué par Thierry Henry en équipe de France espoirs. Pour l’occasion, le gaucher de 21 ans se confie à Onze Mondial. Entretien. 

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Voici quelques extraits de notre interview de Enzo Millot. L’intégralité de cet interview de 6 pages est à retrouver dans le magazine n°363 de Onze Mondial disponible en kiosque et sur notre eshop depuis le 5 janvier.

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« J’aurais aimé avoir plus de temps de jeu avec mon club formateur »

EXCLU - Enzo Millot : « J’utilise mon pied droit seulement pour conduire » - Enzo Millot
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Enzo Millot est un joueur peu connu en France, pourquoi selon toi ? 

C’est vrai. Je suis parti assez jeune en Allemagne, du coup, je n’ai pas eu beaucoup de temps de jeu en Ligue 1. Je n’ai pas eu l’opportunité de me montrer dans mon pays. J’ai quand même participé aux grandes compétitions avec l’équipe de France, j’ai fait un Euro et une Coupe du Monde. Pour revenir à ta question, je ne sais pas s’il y a beaucoup de Français qui regardent la Bundesliga… Mais ça ne m’affecte pas plus que ça. 

Penses-tu être parti trop tôt ? 

Non, je ne dirais pas ça. Je ne suis pas parti trop tôt. Mes débuts à Monaco n’ont pas été faciles. J’ai cru en mes qualités. Je n’ai pas lâché, et aujourd’hui, le travail commence à payer. 

Tu n’as disputé que trois matchs avec l’AS Monaco, est-ce un regret ? 

C’est compliqué de dire que c’est un regret. Évidemment, quand tu es au centre de formation et que tout fonctionne, tu te projettes. Je me disais : « Je veux m’imposer à Monaco et enchaîner les matchs ici ». J’aurais aimé avoir plus de temps de jeu avec mon club formateur, surtout que c’est la marque de fabrique de l’AS Monaco : bien former ses jeunes et leur offrir du temps de jeu. Mais ce n’est pas un regret… 

Tu aurais pu rester et forcer le destin à Monaco, non ?

J’y ai pensé. Mais l’Allemagne est une belle destination, la Bundesliga est un très grand championnat avec de l’espace et des possibilités pour les jeunes. On peut attaquer, marquer, faire marquer, je sentais que je pouvais éclore en Allemagne. Quand j’étais devant ma télé, je ressentais toujours du plaisir à regarder les matchs. Du coup, je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? ». 

La Bundesliga est considérée comme l’eldorado pour les jeunes Français, tu confirmes ? 

Je confirme, forcément. De manière générale, les Français se sentent bien en Bundesliga. Il y a de l’espace, du jeu, de l’intensité, des stades pleins, il y a tout pour prendre son pied. 

La confiance envers les jeunes est décuplée aussi…

Tout dépend de chaque joueur, chaque club, chaque entraîneur, chaque situation. Il n’y a pas de vérité, ce n’est pas parce que tu es un jeune avec du talent que tu vas forcément réussir en Allemagne. Mais il est vrai que de nombreux jeunes étrangers se sont révélés en Bundesliga. 

En rejoignant Stuttgart, tu as connu deux premières saisons difficiles, qu’as-tu appris durant ces deux saisons ? 

Oui, mes débuts ont été difficiles. Je me suis gravement blessé au genou. Une blessure qui m’a éloigné des terrains deux mois et demi. J’arrivais de Monaco, j’étais un très jeune joueur, sans expérience. C’était forcément compliqué. Et puis la barrière de la langue ne m’a pas aidé non plus. J’ai découvert une mentalité complément différente. La manière de penser en Allemagne n’a rien à voir avec la France. J’ai dû m’adapter, continuer à progresser, prendre mon temps et surtout, croire en mes qualités. 

Les mentalités françaises et allemandes diffèrent à quel niveau ? 

En Allemagne, tout est très strict, très droit, très organisé. C’est compliqué à expliquer. Mais ce que je peux te dire : c’est vraiment différent de la France. 

Stuttgart a été proche de la relégation. Tu n’as pas douté ? 

Si, forcément. Je ne peux pas cacher ça. Surtout que c’est arrivé deux fois pour mes deux premières saisons. La première fois, on se maintient lors du dernier match face à Cologne à la 96ème minute. La saison dernière, on se sauve lors des barrages. J’ai douté, mais je me suis accroché et j’ai bossé dur. Pour cette troisième saison, on voit que les efforts paient. 

Comment passe-t-on de pire équipe de Bundesliga à meilleure équipe ? 

C’est vraiment une transition brutale (rires). On a les qualités, on a un très bon coach, un bon groupe, l’ambiance est bonne. Et surtout, la réussite est au rendez-vous. 

Comment expliques-tu la forme de Serhou Guirassy ? 

(Rires) Franchement, je ne sais pas. Et je pense que même-lui ne le sait pas. C’est ça le pire (sourire) ! C’est un tout, le groupe vit bien, l’entraîneur distille les bons conseils, du coup, tout roule. Dans le vestiaire, on taquine beaucoup Serhou. On lui dit : « T’es meilleur que Lewandowski », on le compare à Harry Kane, car il est à la lutte au classement des buteurs. C’est marrant. 

« Je vais toujours privilégier l’extérieur pied gauche plutôt que l’intérieur pied droit »

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Enzo MillotCredit Photo - Icon Sport

Tu enchaînes les matchs, te sens-tu dans la meilleure forme de ta carrière ? 

Oui, de ma jeune carrière, je suis au début. J’enchaîne bien, j’arrive à marquer des buts, j’arrive à faire marquer. Il faut que je continue comme ça. Le coach m’aide beaucoup, il a un grand rôle dans ma réussite actuelle. Il me donne beaucoup de confiance, je parle énormément avec lui, on fait de l’analyse vidéo ensemble pour progresser. Et puis, je suis bien entouré, c’est plus facile avec de bons joueurs. 

Tu es désormais en équipe de France espoirs, cette sélection a mis du temps à arriver. 

Oui, ça a mis du temps à arriver. Ça reste toujours une fierté de représenter son pays, surtout que j’avais déjà connu l’équipe de France dans les autres catégories. Mais les Espoirs, c’est encore autre chose. Il faut que je continue à performer en club pour être appelé régulièrement. 

Tu n’as pas douté pendant cette longue période sans être appelé ? 

Non, je ne me posais pas forcément de questions, car je n’avais pas beaucoup de temps de jeu en club. J’étais conscient de ma situation, je savais que c’était compliqué pour le sélectionneur de faire appel à moi. Je n’ai pas lâché l’affaire. Je sais que j’ai les qualités pour être appelé avec les espoirs. Aujourd’hui, j’ai l’Euro et les Jeux Olympiques dans un coin de ma tête. À moi de faire le travail en club. 

Tu as été annoncé proche du RC Lens durant le mercato estival. C’était vrai ? 

Je n’en ai aucune idée. Je ne m’occupe pas de ça. Mes agents gèrent ça pour moi. Personnellement, j’ai toujours eu pour objectif de rester à Stuttgart. Je voulais montrer que j’avais le niveau pour évoluer en Bundesliga. 

On a fait une interview ensemble il y a cinq ans et demi, qu’est-ce qui a changé chez toi depuis ce temps ? 

J’ai pris en maturité. Et surtout, je suis papa de deux enfants, j’ai une petite fille et un petit garçon. Le train de vie et le quotidien ont beaucoup changé. Je suis plus posé, les enfants, ça apaise (sourire).  

À l’époque, ton exemple se nommait Luka Modric, est-ce toujours le cas ? 

Oui, c’est toujours le cas ! Luka Modric est un joueur exceptionnel. J’ai un immense respect pour sa carrière. Je me retrouve en lui, il peut évoluer en numéro 10 mais aussi en numéro 8. Il joue dans le club de mes rêves, le Real Madrid. Beaucoup de points nous lient et correspondent à mes objectifs. 

Regardes-tu d’autres joueurs ? 

Marco Verratti. Il n’évolue pas à mon poste, mais j’aime sa capacité à garder le ballon, à ressortir proprement. Joshua Kimmich aussi, il a le même profil que Marco Verratti. C’est un joueur qui ne perd pas beaucoup de ballons. Je peux aussi te citer Jude Bellingham qui est un top talent. 

Qu’aimes-tu faire sur le terrain ? 

Durant les cinq premières minutes, pour me mettre dans le rythme du match, j’aime décrocher et toucher le ballon à plusieurs reprises. J’aime faire des passes assez simples pour me mettre en confiance et me mettre en route. Au fur et à mesure, je cherche les passes vers l’avant. Voilà mes petits rituels. 

Fais-tu attention à tes statistiques ? 

Oui, à la fin du match, j’aime regarder mon pourcentage de passes réussies, de dribbles réussis, mes duels gagnés que ce soit au sol ou dans les airs, j’aime regarder mes kilomètres parcourus, mes sprints. Je regarde ça, mais sans me mettre de pression. Juste histoire de savoir pour dresser un bilan en fin de match. 

On dit souvent que les gauchers n’utilisent jamais leur pied droit, est-ce ton cas ? 

Oui, c’est mon cas (rires). Je suis vraiment l’exemple type. J’utilise mon pied droit seulement pour conduire (rires). Je vais toujours privilégier l’extérieur pied gauche plutôt que l’intérieur pied droit. Ou sinon, je vais faire une passe très simple du pied droit. Ça, je peux le faire (sourire). 

Comment es-tu dans la vie de tous les jours ? 

Je suis forcément épanoui à Stuttgart. Quand les résultats et le temps de jeu sont au rendez-vous, tout est plus simple. Je suis en bonne santé, ma famille aussi. Tout va pour le mieux. J’ai pour habitude d’aller au parc avec mes deux enfants, je joue beaucoup avec eux, j’ai des rituels assez basiques. 

Tu n’as plus le temps de passer du temps sur la console, n’est-ce pas ? 

J’en ai vraiment fini avec la console (sourire). Pour te dire, je n’ai même pas acheté le nouveau FIFA, c’est vraiment fini. 

« Je suis à la disposition de mes enfants »

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Comment es-tu parvenir à t’adapter au mode de vie allemand ? 

Heureusement que ma femme était là. Elle m’a aidé au quotidien. À deux, c’est plus facile pour une adaptation. Niveau nourriture, on retrouve les mêmes produits qu’en France dans les magasins. Ma femme cuisine donc tout va bien à ce niveau. Le plus compliqué, c’était la langue. L’allemand n’est pas une langue facile (sourire). 

Es-tu toujours fan de tennis de table ? 

Toujours même si je ne joue plus autant qu’avant. J’aime cette idée de compétition, d’un contre un, de savoir qu’à la fin, il n’y aura qu’un vainqueur. C’est un sport où il y a pas mal de mouvement, possible de jouer à l’extérieur comme à l’intérieur. On peut jouer tout le temps jouer, j’ai d’ailleurs une table à la maison. J’aime affronter mes amis ou des potes du club. Et en ce moment, j’accroche aussi avec le padel. 

Tu as 21 ans et déjà deux enfants, est-ce de la maturité ou de la précocité ? 

J’ai toujours eu cet objectif : avoir des enfants jeune. Je me suis toujours dit : « Si j’ai cette chance, il faut que je la saisisse ». J’ai eu cette chance, donc je ne me suis pas privé. La naissance d’un enfant, c’est une sensation indescriptible. Je suis content d’avoir vécu ça deux fois déjà. Et je ne me suis jamais dit : « Si j’ai des enfants, je vais devoir me priver ». Avec ou sans enfant, on peut faire les mêmes choses. Je peux voyager avec les enfants, je peux aussi voyager sans les enfants… Après oui, forcément, on ne fait pas les mêmes choses durant les voyages. Mais franchement, je ne regrette rien, je kiffe ma vie de papa (sourire).

Comment est papa Enzo ? 

Je suis un papa poule. Je ne suis pas strict du tout, je suis à la disposition de mes enfants, avec ma femme, on profite à fond. On leur fait beaucoup de câlins, on passe un maximum de temps avec les petits, on kiffe. 

Tu es tatoué à plusieurs endroits, quelle est la signification de tes tatouages ? 

Un tatouage représente ma religion, c’est pourquoi j’ai une croix. À un autre endroit, j’ai écrit « béni » en anglais. J’ai plusieurs phrases qui me représentent aussi. J’ai des références à ma famille. Les tatouages, c’est une manière d’exprimer son ressenti. Ils reflètent bien la personne qu’on est. Le fait de l’écrire sur son corps de manière indélébile, c’est fort ! Ça reste gravé en soi. 

Comment ta famille vit l’évolution de ta carrière et de ta vie ? 

Mes parents voient Enzo, ils voient la personne que je suis, ils ne voient pas le footballeur que je suis. Il n’y a aucun changement pour eux. Ils viennent souvent me rendre visite. Encore plus maintenant car il y a leurs petits enfants. Ma grande sœur suit toujours ma carrière à fond. Bon, maintenant, elle a trois enfants, c’est plus compliqué pour elle de se déplacer. Et non, ma famille n’intervient pas dans ma carrière, ils viennent juste me soutenir. C’est déjà énorme. Lors des deux dernières saisons, ils se sont un peu inquiétés, mais ils ont toujours eu confiance en moi. Ils sont restés derrière moi. 

Si tu étais journaliste, tu poserais quelle question à Enzo Millot ? 

Ouhhh, pas simple cette question (sourire). J’aurais demandé : « Qu’est-ce qui a changé chez toi ? ». Et j’aurais répondu : « Ma vie de famille et au niveau du foot, je dirais mon état d’esprit et ma maturité ». Attention, j’ai toujours eu un bon état d’esprit. Mais le problème, c’est que… (il coupe). Ce n’est pas un problème. C’est juste que lorsqu’on a des enfants, nos objectifs changent. Avant, quand je me levais le matin, je faisais tout pour moi. Maintenant, quand je me lève et je vais à l’entraînement, je le fais toujours pour moi, mais aussi et surtout pour ma famille. Ça met un peu la pression, mais on fait avec. Je supporte bien la pression. Et les enfants me le rendent bien. 

Si tu devais terminer l’interview par une phrase qui te représente, que dirais-tu ? 

Je ne vais pas te donner une phrase mais deux mots qui me représentent : famille et loyauté. Famille car j’ai réussi à fonder ma famille assez tôt, j’en suis fier, la famille est un cocon hyper important pour l’évolution personnelle et la stabilité. Loyauté car je suis une personne loyale, si je dois dire une vérité à quelqu’un, je ne vais pas me gêner, que ça plaise ou non. Ça ne sert à rien de passer par quatre chemins ou parler dans le dos de quelqu’un. Il faut s’adresser directement à la personne concernée. Si j’ai un problème avec une personne, je vais lui dire directement. Voici quelques exemples. Je ne fuis jamais mes responsabilités. 

Et si tu devais te noter pour cette interview ? 

Euuh… 10 sur 10, j’ai été bon (sourire).

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Pour résumer

Été 2021, Enzo Millot quitte l’AS Monaco dans l’anonymat le plus total. Le milieu de terrain rejoint Stuttgart avec l’étiquette de « joueur d’avenir ». Après deux saisons d’apprentissage, le natif de Lucé s’éclate (enfin) au sein de l’équipe surprise de Bundesliga. Positionné en métronome par Sebastian Hoeness, « EM8 » enchaîne les performances. Au point d’être convoqué par Thierry Henry en équipe de France espoirs. Pour l’occasion, le gaucher de 21 ans se confie à Onze Mondial. Entretien. 

Rafik Youcef
Rédacteur
Rafik Youcef

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