Seine-et-Marne : ancien harki, il a vécu la guerre d'Algérie et sa violence

Alors qu'il vivait, à l'époque, en Algérie, le Chellois Jean-Marc Garcia Laurent a connu la période de troubles et de violences de la guerre. Il se souvient de son histoire.

Jean-Marc Garcia Laurent a été harki.
Jean-Marc Garcia Laurent a été harki. ©DR
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Il a quitté l’Algérie le 30 juin 1962. Ce jour-là, Jean-Marc Garcia Laurent, habitant aujourd’hui Chelles, en Seine-et-Marne, quittait la terre qui l’a vu naître, en 1943, et sur laquelle il a grandi. Quelques mois plus tôt, le 19 mars de la même année, un cessez-le-feu était prononcé dans le conflit qui opposait, depuis 1954, la France aux nationalistes Algériens, ouvrant la porte à la fin de la guerre, le 5 juillet suivant.

Soixante-deux ans plus tard, il se souvient de cette période trouble de l’histoire.

Vivre loin de la guerre

Au début du conflit, en 1954, Jean-Marc Garcia Laurent vit entre Boufarik, une ville du nord de l’Algérie, située à une trentaine de kilomètres de l’actuelle capitale, et Alger.

Habitant de Chelles, Jean-Marc Garcia Laurent a connu la guerre d'Algérie. Il se souvient.
Habitant de Chelles, Jean-Marc Garcia Laurent a connu la guerre d'Algérie. Il se souvient. ©Paul VARENGUIN

Deux ans plus tard, entre octobre 1956 et juillet 1959, il est en internat à Bédarieux, dans l’Hérault. « J’avais 13 ans et demi, et je n’ai pas vu mes parents durant neuf mois. Les salaires en Algérie étaient inférieurs à ceux de la métropole, et ils n’avaient pas les moyens de venir. Ils m’avaient envoyé là-bas car ils étaient inquiets, mais aussi parce que je subissais du harcèlement. Je pense que c’est parce que je levais et baissais les couleurs tous les samedis et dimanches, et les jours de fête », témoigne-t-il.

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De retour sur certaines périodes, durant les vacances, ou après juillet 1959, il perçoit de ses propres yeux la violence. Un jour, il voit les balles, sur le mur même de sa maison. Le lendemain, il s’affaire à calfeutrer les ouvertures avec des sacs de sable, pour protéger les fenêtres lors de fusillades. Non loin, la menuiserie d’un ami flambera. « Il y a eu des foyers de révolte un peu partout. Le téléphone était coupé, il y avait des crimes, des femmes éventrées et leurs bébés cloués sur les portes des fermes… », rapporte-t-il.

Période de violences

Lorsqu’il évoque la période de la guerre d’Algérie, Jean-Marc Garcia Laurent est ému. Il se souvient notamment de certains épisodes de violences, vécus et vus de ses propres yeux.

Pour moi, la guerre a été synonyme d’attentats. Dans les personnes qui ont perdu la vie, il y a certains de mes amis…

Jean-Marc Garcia Laurent, a vécu la guerre d’Algérie

Il a notamment le souvenir d’un homme, son médecin de famille, à Boufarik, qui a perdu tragiquement la vie. « C’était un homme très dévoué. Il soignait gratuitement les Arabes », explique-t-il.

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Ce genre de souvenirs, il en a plusieurs. Il a vu de nombreuses personnes décéder ou être attaquées alors qu’il était dans la rue. « Un jour, alors que j’allais me battre dans la rue sous des platanes, il y a eu une explosion. Des gens ont été blessés autour, nous les avons ramassés pour les ramener à la pharmacie, située juste à côté. En repartant, une fusée a éclaté devant la boutique », rapporte-t-il.

S’il ne sait plus exactement quand a eu lieu cet épisode, en 1960 ou peut-être en 1961, il se souvient très bien d’avoir, après coup, aidé les ambulanciers dans leur travail.

De mémoire, je n’ai pas eu peur, malgré le carnage. Peu après, j’ai quitté Boufarik.

Jean-Marc Garcia Laurent, a vécu la guerre d’Algérie

Durant la période où il était en Algérie, il a, à plusieurs reprises, échappé à la mort. Une fois, sur les barricades, une grenade offensive explose tout près de lui. Il n’entend plus rien. Une autre fois, il échappe à la mort dans un autobus. À cette époque, alors que les temps étaient troubles, la violence était partout. « Je me rappelle, une fois, avoir erré dans la rue Michelet à Alger. Pas loin, il y avait un marché. En regardant dans l’étal d’un primeur qui venait d’être tué, il y avait, dedans, des grenades et des pistolets », raconte-t-il.

Passage chez les harkis

Le 24 avril 1961, il est sur la place du Forum d’Alger, et assiste à l’annonce de l’échec du putsch des généraux. « Je sais au fond de moi que l’Algérie française est foutue », écrira-t-il.

En mars 1962, il est recruté, comme d’autres jeunes et entre chez les harkis. Aujourd’hui employé pour désigner les membres de diverses formations supplétives de l’armée française, le terme avait, à l’origine un sens très strict : il s’appliquait aux « Français musulmans qui, au sein de formations supplétives, ont combattu dans l’armée française pendant la guerre d’Algérie », indique le gouvernement français.

Peu après, il partira dans la région de l’Ouarsenis, dans le nord du pays, en vue de former un maquis. « Quand nous avons pris la route, on nous a bien demandé de ne pas dire que nous venions d’Alger, en raison des accords signés à Alger entre l’OAS et le FLN », souligne-t-il.

En mai, il participe notamment à une mission de reconnaissance. Il est à cheval dans un paysage désertique.

Qu’est-ce que la guerre d’Algérie ?

Entre le 1er novembre 1954 et le 5 juillet 1962, l’Algérie est le théâtre d’une guerre qui oppose les indépendantistes aux Français. Le territoire a été lentement colonisé dès 1830, sur une volonté du roi de France Charles X, et de ses successeurs, qu’ils soient roi, empereur ou présidents de la République.
À tort, on pense souvent que le conflit s’est terminé le 19 mars 1962. Or, il ne s’agit là que du cessez-le-feu consécutif aux accords d’Évian, signés le 18 mars 1962 à Évian-les-Bains (Haute-Savoie). Un débat existe d’ailleurs quant à la célébration de cette date, certaines associations considérant qu’elle exclut de la commémoration les victimes disparues après le 19 mars 1962.

Ils repartiront le 14 juin suivant, rejoignant un cortège de civils, et se déguisant en biffin, en simple soldat, pour rejoindre l’Oranie. « Ce jour-là, nous étions à l’usine Lafarge, qui employait habituellement 400 personnes. Nous n’étions que vingt… À notre arrivée, nous nous sommes divisés en deux. Tout était vide, les volailles étaient en liberté, on retrouvait de la vaisselle dans les jardins… », décrit-il, les images en tête comme si elles dataient d’hier.

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Durant toute cette période, alors qu’il craint d’être pris vivant par les fellaghas, il emporte avec lui, de jour comme de nuit, une grenade défensive.

Aller simple vers la France

Le 25 juin, un lundi, son engagement prend fin. « Nous sommes plusieurs à être munis d’une permission pour nous rendre à Oran. Je n’avais pas encore visité cette ville. Je pars avec un camarade qui conduit une Jeep. Nous avons fait quelques tours dans la ville et sommes à l’arrêt vers 17 heures sur la corniche surplombant le port », écrira-t-il. Là, quelques minutes plus tard, trois citernes pleines de carburant exploseront. Miraculeusement, il n’est pas blessé. Le signe qu’il aura beaucoup de choses à vivre, alors qu’il était persuadé de ne pas revenir vivant de son passage chez les Harkis.

Avant de partir, j’avais fait mes adieux à mon père. Pas à ma famille, seulement à mon père. Vers le 8 mai 1962, dans le fortin du GMS 87, je l’ai incité à faire partir dès que possible ma fratrie, en lui suggérant de contacter mon ancien correspondant Pied-noir à Bédarieux.

Jean-Marc Garcia Laurent, a vécu la guerre d’Algérie

Le 30 juin 1962, Jean-Marc Garcia Laurent partira définitivement d’Algérie. « J’ai pris le premier avion qui partait vers la France. Je suis arrivé à Montpellier et ai rejoint Nice« , se souvient-il.

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Son père, qui travaillait dans les chemins de fer en Algérie, rejoindra à son tour le continent européen, le 3 septembre 1963, quand sa mère restera, seule, à Boufarik, souhaitant « sauver la villa ». Elle l’abandonnera pour rejoindre la France, début 1964.

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