Vitesse, insultes… À Asnières, des riverains sont les victimes collatérales de la route barrée

À Asnières (Eure), depuis que la RD22 est barrée pour suspicion de marnière, le nombre quotidien de véhicules sur une route est passé de 15 à 200, au désespoir des habitants.

Yvan Barbieri, Francis et Nadine observent les dégâts causés par les nombreuses voitures qui se croisent.
Yvan Barbieri, Francis et Nadine observent les dégâts causés par les nombreuses voitures qui se croisent. ©EG
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« Ralentir, danger » : c’est le message qu’avait inscrit à la main Yvan Barbieri, habitant de la route de la Cotellerie à Asnières (Eure), sur des panneaux à l’attention des automobilistes en infraction. « Nos pancartes de signalisation ont été explosées », nous a-t-il informés. Symbole de l’irrespect et de la vitesse des conducteurs sur une voie en sens interdit et limitée à 30 km/h.

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Labourés par les véhicules qui se croisent, les bas-côtés témoignent également de leur passage incessant. « Les accotements sont dans un état pitoyable », déplore la maire Emmanuelle Viquesnel.

De 15 à 200 véhicules par jour

Depuis le 21 décembre, date de la fermeture de la route départementale 22 entre Cormeilles et Thiberville en raison d’un affaissement laissant suspecter la présence d’une marnière, les routes de la Cotellerie et de Sainte-Anne, à Asnières, sont envahies, au grand dam de la dizaine de riverains. Voitures, camionnettes de professionnels mais aussi tracteurs voire semi-remorques. « Hier matin, il y avait un camion laitier de 44 tonnes polonais qui cherchait la route de Paris », raconte Francis, un habitant à la retraite.

Ancien journaliste, Yvan Barbieri a effectué un comptage sur une journée grâce à une caméra et compté environ 200 véhicules, « dans un lieu où il passe en général 15 à 20 véhicules par jour ».

À Asnières, les premiers panneaux d'Yvan Barbieri ont été
À Asnières, les premiers panneaux d'Yvan Barbieri ont été « explosés » par des véhicules. ©EG

Une vitesse dangereuse et des incivilités

Des automobilistes qui, pour la plupart, « roulent à toute blinde », parfois à plus de 100 km/h au lieu de 30.

Il faut faire très attention quand on sort avec la voiture.

Francis et Nadine, habitants retraités

« Moi, trois fois, j’ai failli cartonner », ajoute Yvan.

Se promener avec son chien ou ses enfants est devenu très compliqué. « On va à Bailleul pour promener les chiens », témoigne Ève, une autre habitante.

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Sur la route jeudi, une voiture sans permis, tombée en panne, bloque un autre automobiliste. « Eux, ils ne devraient pas être là car ce ne sont pas des riverains », commente Yvan devant la voiture immatriculée dans le Calvados.

Au loin arrive Éric, en train de faire son footing.

On est sur le qui-vive. Heureusement qu’il y a une voiture en panne, sinon sur ce tronçon-là, les voitures roulent rapidement. C’est vraiment dangereux.

Éric, joggeur

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Histoire de renforcer le « ras-le-bol général », une partie des automobilistes en infraction ne respecte pas les habitants. Jean-Marie raconte : « Il y a quelques jours, je remontais les poubelles jusqu’à la départementale. Un entrepreneur de la région a bien failli me renverser, alors qu’on ne peut pas se mettre sur le bas-côté. » Les riverains reçoivent aussi des doigts d’honneur, des menaces, des insultes…

Dans ce tournant, le bas côté témoigne du passage incessant.
Dans ce tournant, le bas côté témoigne du passage incessant. ©EG

De nouveaux sens interdits

Pourquoi y a-t-il tant de monde à braver les sens interdits (sauf riverains) ?

La route de la Cotellerie est la dernière avant le barrage. Les déviations orientent bien en amont sur des routes départementales. Pour le trajet Thiberville Cormeilles, les voitures doivent passer par Moyaux et les camions par Lieurey, explique la maire Emmanuelle Viquesnel. « Mais les gens ne savent pas que c’est pour aller à Cormeilles », déplore l’élue, car la destination n’est pas indiquée sous le panneau déviation. « Donc, ils suivent leur GPS. »

Les sens interdits ont été mis en place par la mairie d’Asnières il y a seulement quelques semaines et accompagnés d’un arrêté, tout comme la limitation à 30 km/h. « Il y a déjà eu des contrôles » de gendarmerie « au moins deux fois », indique Emmanuelle Viquesnel qui a elle-même fait la police le matin.

La mairie a installé des sens interdits de tous les côtés.
La mairie a installé des sens interdits de tous les côtés. ©EG

Les panneaux dérobés

Signe de la mauvaise foi des conducteurs, ils ont dérobé un certain nombre de panneaux depuis que la RD22 est barrée. « On se fait piquer des panneaux de sens interdit, déviation, route barrée, stop, 30 km/h… », liste Emmanuelle Viquesnel.

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Au début, ils passaient au-dessus de la suspicion de marnière au détriment de leur sécurité :

Les gens déplaçaient les barrières et passaient alors que ça risque de s’effondrer à n’importe quel moment. Nous avons demandé au Département de faire un talus car tous les jours, il fallait remettre la barrière.

Emmanuelle Viquesnel,Maire d’Asnières
Au-dessus de la suspicion de marnière, un talus a dû être créé pour empêcher le passage des conducteurs rebelles.
Au-dessus de la suspicion de marnière, un talus a dû être créé pour empêcher le passage des conducteurs rebelles. ©EG

Contre la vitesse, les habitants suggèrent de poser un ralentisseur route de la Cotellerie. Mais ce n’est pas la meilleure solution pour la maire : « Les ralentisseurs temporaires ne supportent pas plus de 20 tonnes, or il y a des tracteurs qui passent, et les gens risquent de le voler. Un ralentisseur fixe, c’est hors de prix, alors que le problème sera réglé dans quelques mois, l’investissement n’en vaut pas la peine. »

Encore quelques mois d’attente

Où en est le traitement de la potentielle marnière ? Après avoir trouvé un bureau d’études géotechniques via un appel d’offres, le Département de l’Eure attend des sondages « fin mars ou début avril, pour analyser la nature de l’affaissement ».

En attendant, des agents départementaux « vont se rendre sur place pour vérifier la signalisation provisoire, ce qu’ils font régulièrement par ailleurs, au vu des remontées des riverains et de la commune ».

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« Le Département a mis les bouchées doubles pour rétablir la circulation » au plus vite, a compris Jean-Pierre Capon, vice-président de l’intercommunalité Lieuvin Pays d’Auge en charge des routes, lors d’une réunion avec le Département.

« Si c’est rouvert à la fin du printemps, on aura de la chance car il y a des endroits où ça prend un ou deux ans », estime Emmanuelle Viquesnel. S’il s’agit bel et bien d’une marnière, le Département a le budget et est prêt à dégainer. Ensuite, les routes communales seront bonnes à réparer.

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