Jamel Debbouze dans « Terminal » : « J’avais une envie de sitcom »

Avec Andréas Georgiou, Az et Paul Mirabel restait à trouver la meilleure aire de jeux sur laquelle s’éclater. Je leur ai donné un os à ronger : l’endroit devait pouvoir drainer autant de monde et de situations qu’un hôpital… Ils sont revenus avec l’idée d’un aéroport. » Lequel a été reconstitué dans le plus grand studio de France, 3 500 mètres carrés, à Tigery, dans l’Essonne.

Au vu de l’esprit potache qui y règne quand on débarque, on se croirait dans une vaste cour de récré. Il convient là de citer les drilles en présence : Ramzy Bedia, dans le rôle du pire des pilotes que l’aviation connaîtra jamais, Camille Chamoux, l’hôtesse militante jusqu’au bout de ses dreadlocks, Doully, chargée de communication au bord de la crise de nerfs, Brahim Bouhlel, steward au QI de poule, Tristan Lopin, beaucoup plus malin mais trop lèche-cul pour être sérieux… On notera que ces trois derniers sont issus, comme Alexandra Roth et Samuel Bambi, également au casting, du « Jamel Comedy Club ».

De la même manière que « H », « Terminal » est tourné en public

Infatigable chasseur de talents, Jamel Debbouze a complété son équipage en dénichant sur les réseaux sociaux l’humoriste @lapotegenante (Laureen de son prénom) et Bérangère McNeese qu’il présente ainsi : « Une théâtreuse belge qui ne se la raconte pas. Elle a découvert ce que c’était que se prendre un rire dans la tronche ! » Car ici ça rigole de partout ! Sur le plateau comme dans les gradins.

De la même manière que « H », « Terminal » est tourné en public. À cette différence fondamentale que la centaine de spectateurs venus de tous les horizons (voisins du coin, amoureux bretons, retraités provençaux…) est installée sur une tribune tournante placée au centre du studio. Ils peuvent ainsi se trouver, selon la séquence, aussi bien face au cockpit que face à l’habitacle, la salle d’embarquement, une salle de réunion, une autre de repos, le passage sécurité ou les guichets d’enregistrement.

Alors que la machinerie se met en branle sur les premières notes du standard d’Édith Piaf « La foule », Rémi, chargé d’ambiancer le public, prévient : « Est-ce que ça tournera plus vite que ça ? La réponse est non ! » Moue de déception de l’assistance, laquelle s’illumine d’un coup en découvrant Jamel. La star dit bonjour à tout le monde, s’attarde avec les habitués déjà présents lors des tournages précédents, avant d’expliquer ce qui va se passer : « On va faire un plan-­séquence. Ramzy et Bérangère vont ­partir de ­l’intérieur de l’avion (vous ne le verrez pas car il est derrière) et arriveront juste sous vos yeux. Comme c’est la conclusion du dernier épisode de la saison 1, je vous demanderai de ne pas spoiler ce que vous allez voir et entendre. »

Un « moteur demandé » est lancé au loin. Reconnaissant la voix, Jamel s’exclame : « C’est la ­deuxième assistante ! Du bruit pour elle, s’il vous plaît ! » Et l’auditoire d’applaudir à tout rompre. Le calme revenu, il s’assoit entre ses fans et décompte : « 3, 2, 1… » et le public hurle en chœur : « Action ! » Parce que, oui, sur le plateau de « Terminal », c’est le public qui décide. Et si Jamel reste parmi eux – sauf quand il joue le rôle très secondaire d’un douanier psychopathe –, c’est pour ­ressentir en direct leurs émotions.

Nous pouvons en témoigner, ici aucun rire n’est programmé ni encouragé. « Encore heureux ! confirme Jamel Debbouze. Vous voulez qu’on se tire une balle dans le pied ou quoi ? Sinon, comment savoir si c’est drôle ? Et puis, surtout, on ne serait pas payé. Car notre salaire, c’est leurs rires. » On a compté : cinq éclats de rire francs et massifs en une minute et cinquante secondes, soit un toutes les vingt-deux secondes. Impressionnant !

 J’apprends mon texte entre les prises 

Ramzy

« On a bossé le texte pendant des mois pour obtenir ce résultat », s’enorgueillit le maître d’œuvre, qui s’empresse de saluer les cinq auteurs, Giulio Callegari, Xavier Lacaille, Angela Soupe, Clémence Dargent, Yohan Zaoui et, bien sûr, Mohamed Hamidi. À son côté, ils ont structuré, enrichi, « sitcomisé » les intrigues. On est quand même curieux de savoir si ça rira autant à la deuxième ou troisième prise… Et on n’est pas déçu. Car tous, mais plus particulièrement Ramzy Bedia, ne cessent d’improviser de nouvelles vannes. « J’apprends mon texte entre les prises, avoue Ramzy. On me donne les informations et je m’en arrange. C’est le meilleur moyen d’être chaud et de faire marrer les gens. » Un talent. Un métier. Et un « kif » permanent. « J’ai trouvé un nouveau jeu ! » s’exclame Ramzy qui s’élance sur le tapis du scanner à bagages. « Canal+ nous a filé un jouet sublime », s’extasie Jamel.

Mais un jouet qui demande beaucoup de boulot. Rythme de tournage effréné, heures supplémentaires quotidiennes. « On obtient quatorze minutes utiles par jour quand, au cinéma, on n’en a que trois », confie Mohamed Hamidi. Il est même arrivé à Jamel de devoir ­dormir sur place. C’est lui qui nous l’affirme. On en profite pour savoir comment, avec son planning de ministre du Rire, il gère sa vie de famille. « C’est exceptionnel, corrige-t-il. En règle générale, je ne travaille ni les week-ends ni pendant les vacances scolaires, et je suis tous les soirs à la maison. Je suis un vrai père de famille qui fait la cuisine. »

Tout le comique réside dans les attitudes et les improvisations

Devant notre mine dubitative, il ­précise : « Ma ­spécialité, c’est les spaghettis bolo. Ça demande plus de temps qu’on ne le croit parce que faut la sortir, la sauce ! Je fais aussi toutes les salades possibles et imaginables. La salade, c’est de l’impro. ­Rappelez-vous que je suis l’aîné de trois frères et deux sœurs. Mon père travaillait la nuit, ma mère tout le temps. C’est moi qui m’occupais de la gamelle à la maison. Bon, j’avoue : aujourd’hui, à cause de ce tournage, Mélissa [Theuriau, sa femme et la mère de Léon et Lila, ses deux enfants] a une longueur d’avance sur le partage des tâches. »

Les hourras du public l’interrompent. Cette fois, ce n’est pas lui qu’on acclame mais Alexandra Roth, lancée dans un cours de zouk avec des spectateurs, tandis que l’équipe technique met en place la séquence suivante. Impossible de raconter la scène, tout au plus peut-on dévoiler que Ramzy et Bérangère simulent un vol pour des stagiaires agglutinés dans le cockpit. Une séquence très écrite, même si tout le comique réside dans les attitudes et les improvisations.

Les fous rires ne manquent pas

Extrait des dialogues déniché dans le script, oublié dans un coin, d’un épisode précédent : Sam, le douanier (Jamel Debbouze), vient de trouver un minuscule morceau de cannabis dans le sac de Jack (Ramzy). Sam : « Reste ici ! Les mains derrière les bras ! » [Jack ne comprend rien mais essaie de faire ce qu’on lui demande.] Sam : « T’as très bien compris ce que je te dis. Les mains derrière les bras, la tête à genoux, les fesses à plat ventre. » [Jack se contorsionne en vain.] Sam : « Non, pas comme ça… Comme ça, les mains là… ­Derrière les bras… Et la tête à genoux et les fesses à plein ventre, redescends plus… Voilà. » Vous avez l’image ?

Bien sûr, entre les zigues, les fous rires ne manquent pas. « Le plus gros que j’ai eu, reconnaît Bérangère McNeese, c’est avec Manu Payet. Son personnage est si drôle que j’ai flingué pas mal de prises. » Et d’apprendre que Manu Payet est l’un des nombreux « invités » de la série, à l’instar de Camille Cottin, Stéphane de Groodt, Kad Merad ou encore du youtubeur Mister V. Mais devant nous, ce jour-là, pas de guest stars. Juste l’équipe, ou plutôt l’équipage au complet, occupé à tourner le générique de lancement.

La journée a commencé à 8 heures du matin, il est maintenant 20 heures. Ils devraient être cuits… mais non. Brahim Bouhlel boxe un ridicule punching-ball collé à un réfrigérateur, Jamel et Ramzy chahutent sur un canapé. Avec peine, Mohamed Hamidi les rappelle à l’ordre. Il doit organiser son fameux plan. La bande se rassemble enfin autour de Ramzy qui s’exclame : « Toute la saison 2 est là ! » C’est tout le mal qu’on leur souhaite.