Sur la pochette de son nouvel album, elle s'accroche fermement à la barre de sécurité dans le creux d'une montagne russe. À une vitesse ahurissante, Angèle s'est érigée en coqueluche de la pop : depuis ses premières vidéos de reprises au piano postées sur Instagram, elle a enchaîné les tubes, et son visage à l'expression constamment étonnée est devenu familier de tou·tes.

Le titre de l'album, Nonante-cinq, nous fait le coup du retour aux sources en nous rappelant son année de naissance, 1995, autant que son attachement au "parler" belge. Une fois évacué le premier titre, déclaration d'amour à sa ville (Bruxelles je t'aime), on retrouve son phrasé signature : haché, sautillant, aux fins de phrase traînantes.

Icône pop

Tout n'est pas renversant sur ce disque, la faute à une production un peu lisse aux couleurs pop, r'n'b, eurodance. Mais le travail de la voix, lui, est bien moins monotone, avec ses découpages des syllabes si personnels et si rythmiques.

Parmi les titres les plus mystérieux, il y a Démons, en duo avec le rappeur Damso, et Mauvais rêves, comme des portions de grand huit dans un tunnel hanté. Car l'esprit d'Angèle est aussi peuplé de cauchemars, d'angoisses, de ruptures.

Elle écrit même, dans Tempête, sur les violences conjugales. La chanteuse démêle ici ses humeurs les plus sombres mais tente de se (nous) remonter le moral, comme sur Pensées positives.

Dans Taxi, elle confesse d'ailleurs qu'elle ne peut s'empêcher d'exposer sa vie privée, et cela donne une chanson tremblotante. Par ses paroles, cette Angèle-là tranche avec l'image cartoonesque qu'elle peut parfois renvoyer et nous touche par sa sincérité.

(*) Nonante-cinq (Romance Musique/Universal), sortie le 10 décembre.

Cet article a été initialement paru dans le n°832 de Marie Claire, daté janvier 2022.