Tout le monde se souvient de son étrange pas de course, costume bleu et bible sous le bras, le 1ᵉʳ juin 2020, alors que la police était occupée à gazer des manifestants pacifistes au Lafayette Square de Washington, en l'honneur de George Floyd. Après une conférence de presse condamnant ces violences, Donald Trump a quitté la Maison-Blanche pour rejoindre, à pied et escorté par des huiles et des caméras, l'église épiscopale Saint-Jean.
Une fois sur place, sa fille Ivanka dégainera une bible de son sac, avant de la tendre solennellement à papa. Alors que l'assemblée s'attendait à ce que le 45e président gratifie la foule de quelques pensées religieuses, il n'en sera rien. Donald Trump se contentera de poser, son «livre préféré» dans la main et devant un panneau de l'église rappelant que «tout le monde est le bienvenu».
Cette maladroite et silencieuse mise en scène fera avaler de travers plusieurs chefs religieux. Pour Mariann Budde, évêque épiscopalienne de Washington, «c'était traumatisant et profondément insultant dans le sens où quelque chose de sacré était détourné pour une posture politique», dénoncera-t-elle le lendemain sur les ondes de la radio NPR. Hors de lui, le gouverneur de New York, Andrew Cuomo, accusera le président d'avoir organisé «une émission de télé-réalité».
Donald Trump a-t-il déjà lu la Bible? Ces détracteurs en doutent, mais on ne le saura sans doute jamais. Un flou qui ne l'a pas empêché, ce mardi, d'essayer d'en vendre non seulement les vertus, mais des exemplaires. Flanqués d'un titre personnalisé («God Bless the USA Bible»), ces livres qu'il considère comme «faciles à lire» promettent de «Make America pray again». Soutenu par son chanteur conservateur attitré, Lee Greenwood, il a martelé que «la religion et le christianisme sont les deux choses qui manquent le plus à ce pays».
Comme à son habitude, et après des mugs, sa photo d'identité judiciaire sur des t-shirts ou encore des baskets dorées, le candidat républicain vend une bible américanisée, à son nom. Dans l'espoir de vendre un maximum d'exemplaires de «la seule Bible approuvée par Donald Trump» (apprend-on sur son site web), l'objet a été enrichi d'une copie de la Constitution, mais aussi de la Déclaration d’indépendance, du serment d’allégeance et un bout de refrain manuscrit du tube God Bless The USA de Lee Greenwood.
Le tout, pour la modique somme de 59, 99 dollars.
Un curieux cocktail, à la limite de la crise de foi, qui a toutes les chances de conforter les nombreux Américains persuadés que Donald Trump n'est pas vraiment le meilleur ami de Dieu. Selon un sondage concocté par Pew Research Center la semaine dernière, une large majorité des citoyens juge «important» que le président des Etats-Unis mène une vie «moralement irréprochable».
Or, seuls 4% d'entre eux voient en Trump une «personnalité très religieuse». Ce n'est pas mieux pour Joe Biden, pourtant plus disposé à laisser entrer les caméras lorsqu'il file à l'église, puisque 12% seulement estiment que sa pratique religieuse est sincère. Selon ce même sondage (et ce n'est pas le seul à ce sujet), la fréquentation des églises est en chute libre aux Etats-Unis.
Mais l'enjeu est ailleurs. Si les évangéliques ont toujours été disposés à soutenir les républicains (et à pousser Trump dans le Bureau ovale en 2016), la nouvelle vague envisage plutôt le candidat républicain comme un sauveur de leur communauté, qu'ils jugent désormais «minoritaire» et «en danger», que comme un véritable guide spirituel. Le danger en question? En grande partie le progressisme et, dans son sillage, la guerre culturelle et le débat sanglant sur l'avortement.
C'est en partie pour cette raison qu'un homme marié trois fois, propriétaire de casino et embourbé dans des affaires de mœurs peut se targuer d'avoir sous le coude des électeurs persuadés qu'il a été «envoyé par Dieu» pour sauver le pays. Ce n'est pas rien, étant donné que les chrétiens évangéliques représentent un quart de l'électorat américain.
Si, en 2016, personne ne pouvait raisonnablement penser que ce sulfureux provocateur allait pouvoir draguer cet électorat dans les urnes, il a tout fait pour s'en assurer. En nommant par exemple Mike Pence, un vice-président ultraconservateur et surtout férocement chrétien. Résultat, comme le rappelait Le Devoir, «77% des évangéliques blancs ont voté pour Donald Trump face à Hillary Clinton».
La relation qu'entretient Donald Trump avec la religion est évidemment politique. Baptisé et confirmé à l'Eglise presbytérienne du Queens en 1959, il se déclarera «chrétien non confessionnel» au moment de viser une première fois la Maison-Blanche. Depuis, il évite soigneusement les questions dérangeantes sur la sincérité de sa foi, préférant brandir sporadiquement la Bible et... en vendre. Un livre qui «compte beaucoup pour moi, mais je ne veux pas entrer dans les détails», avait-il balancé, le 26 août 2015.