L'EXISTENCE - pour l'instant modeste cependant - de quelques " groupuscules gaullistes " (particulièrement celle de l'Union populaire progressiste) qui se veulent fidèles à la ligne politique du général de Gaulle agace et irrite les stratèges de la " majorité élargie ". Selon une tradition française qui se perpétue à travers les républiques, la " droite " au pouvoir veut passer pour un parti de progrès et se croit insultée dès qu'on constate qu'elle est conservatrice. Que le " pompidouisme " soit la droite est pourtant vérité d'évidence ; depuis Guizot et son : " Enrichissez-vous ", aucun défenseur des privilèges de la fortune n'avait, comme M. Pompidou, et avec autant de talent et de brutale franchise, affirmé si haut son conservatisme social lors de sa fameuse apologie du profit capitaliste. Ce n'est pas procès d'intention, mais constatation d'un fait.
Après l'incontestable " Thermidor " que fut le 27 avril, qui brisa l'élan vers " la participation aux résultats, au capital et aux responsabilités des entreprises " définie par le général de Gaulle, la droite s'est regroupée derrière M. Pompidou pour la défense de ses privilèges Rien de plus naturel, le passé de l'ancien premier ministre justifiait déjà cette confiance : " Tout au long de son gouvernement, écrit son biographe autorisé. M. Rouanet, il (M. Pompidou) a bloqué l'idée de la participation et la technique du référendum, comme s'il les tenait pour les marottes de M. Capitant. " Le référendum du 27 avril ne pouvait convertir à la participation ni M. Pompidou ni la majorité réticente de l'U.D.-Ve.
La composition du nouveau gouvernement accentue encore ce glissement à droite. Réservons le cas du premier ministre ; M. Chaban-Delmas, gaulliste de 1940, leader du Front républicain, ayant " siégé au plafond " pendant onze ans, n'a guère défini ses intentions quant à la participation ; ni sa conception du rôle du chef de gouvernement. Alors que les portes de l'Élysée se sont de prime abord ouvertes toutes grandes aux magnats du grand patronat (ce n'est pas un crime mais une indication !), ce sont les délégués des syndicats ouvriers qu'a reçus pour débuter M. Chaban-Delmas (c'est peut-être un symptôme ?). Cependant, pourquoi avoir écarté les deux ministres les plus éclairés et les plus progressistes du gouvernement Couve de Murville, ceux dont le général de Gaulle avait toujours soutenu les initiatives réformatrices et hardies : André Malraux et Edgar Faure ? Pourquoi, sinon pour complaire aux rancunes des bien-pensants apeurés ? L'appel à M. Pleven (père de la C.E.D.), à MM. Giscard. Duhamel, Fontanet, partisans du non. Illustre l'ouverture à droite. C'est assez bonne mesure pour justifier l'inquiétude de ceux pour qui le gaullisme s'identifie au progrès, aux aspirations d'essence révolutionnaire de la Résistance pour l'abolition du capitalisme
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