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L’acteur écossais Peter Mullan (« Ozark », « Westworld ») à Séries Mania : « Jouer le bon gars est très ennuyeux »

Accueil Séries Mania Le grand comédien écossais Peter Mullan de 64 ans, également réalisateur, est l’un des invités majeurs de cette édition 2024 de Séries Mania. On l’a croisé au cinéma, chez Ken Loach. Il promène sa silhouette rugueuse, son magnétisme intimidant, son regard équivoque et sa voix rauque dans des séries d’envergure mondiale (« Westworld », « Le Seigneur des anneaux : les anneaux de pouvoir », « Ozark », « Liaison »…). Mais reste attaché aux œuvres plus modestes et engagées, comme « After the Party », la série néo-zélandaise qu’il vient présenter à Lille. Interview.

Nous sommes ici dans un festival de séries, on découvre des fictions sur grand écran, vous en présentez une et vous assurez une masterclass… Quel type de plaisir vous procure ce type d’événement ?

« Ça n’est pas une corvée, au contraire ! Ce genre de festival est un grand événement. Prenons mon point de vue. On fait une série, on la montre à des personnes d’autres pays, on voit si elles ont apprécié ou pas… Ça n’est pas seulement quelque chose d’important, ça me donne la sensation d’être en vie. Ce type de festival de séries est inhabituel. Beaucoup d’événements sont faits pour les producteurs, qui vendent leurs programmes. Ici, on célèbre aussi la mise en scène, le jeu d’acteurs, la création. »

Êtes-vous un acteur pour être aimé ?

« Non ! Peu importe si on m’aime ou pas ! »

Dès lors, pourquoi faites-vous ce métier ?

« C’est le plus beau métier du monde, voilà la raison. Vous pouvez faire plein de choses en toute impunité. Je peux tuer des gens et revenir dans la foulée à une vie normale. On peut me tuer et me ramener à la vie. Je me souviens que pendant le tournage de My Name is Joe de Ken Loach, je devais détruire une Porsche très très chère avec une batte de base-ball. Et il y avait deux vrais policiers, pas loin, qui observaient cela. Ils souriaient, avec les pouces en l’air ! Et moi je m’acharnais sur cette voiture. Vous ne pouvez faire cela dans aucun autre métier au monde. »

Peter Mullan dans « My Name is Joe » de Ken Loach, qui lui vaudra un prix d’interprétation à Cannes en 1998.
Peter Mullan dans « My Name is Joe » de Ken Loach, qui lui vaudra un prix d’interprétation à Cannes en 1998.

Mais vous avez eu des prix prestigieux. Prix d’interprétation à Cannes pour « My Name is Joe ». Lion d’or à Venise pour « The Magdalene Sisters » que vous avez réalisé… Ça vous rend quand même fier, non ?

« Absolument. Je ne les rendrais pas, ces prix, je les garde ! »

Vous présentez à Lille deux épisodes d’« After the Party », une série néo-zélandaise. Vous incarnez un homme qui revient près de sa fille, ce qui rend furieux son ex-femme, séparée de lui parce qu’elle croit qu’il s’est rendu jadis coupable d’actes pédocriminels. On ne sait pas encore si vous êtes un monstre ou pas. Mais avez-vous une appétence pour les personnages troubles, sombres, mauvais ?

« Ça n’est pas le premier que je joue (rires) ! Mais ça n’est pas la réalité, c’est juste un jeu. Je n’ai aucun problème avec cela. Cette série s’est révélée spéciale parce que, pendant plusieurs jours de tournage, je devais faire des choses assez désagréables. Ces scènes interviennent après les deux épisodes présentés à Séries Mania. C’est difficile, mais ça reste un jeu. La plupart du temps, jouer le mauvais gars est plus amusant. Jouer le bon gars est très ennuyeux. »

L’acteur écossais Peter Mullan à Lille, invité de Séries Mania.
L’acteur écossais Peter Mullan à Lille, invité de Séries Mania. - Photo PIB

L’ex-femme de votre personnage s’indigne mais personne ne la croit. Cette situation fait écho à un phénomène, en France et dans le monde. On s’efforce aujourd’hui de dire aux femmes qu’on les croit…

« C’est une évolution fondamentale. La génération de ma mère n’était jamais crue. Les hommes décidaient de tout. Ma mère a été douloureusement abusée par mon père. On permettait à mon père d’être comme ça. Légalement, il ne pouvait être accusé de rien, on ne parlait pas de viol au sein d’un mariage. Dieu merci, les choses ont changé. On doit se souvenir que les femmes n’avaient aucun droit, encore récemment, dans un mariage. Pour elles, la question d’être crues était un problème majeur. »

Cette nouvelle série a un budget modeste. Parallèlement, vous jouez dans des films comme « Harry Potter et les reliques de la mort » ou des séries comme « Le Seigneur des anneaux : les anneaux de pouvoir ». Des superproductions. Cela vous procure la même satisfaction ?

« Oui, ça dépend surtout des personnes avec qui on travaille en fait. Prenez Le Seigneur des anneaux, je joue avec Owain Arthur qui interprète mon fils, et Sophia Nomvete, qui joue ma belle-fille. C’est une chance de travailler avec des gens que vous aimez. Dès lors, peu importe si c’est un gros budget ou pas. Même si les publics sont différents, à l’évidence. »

L’acteur écossais Peter Mullan à Lille, invité de Séries Mania.
L’acteur écossais Peter Mullan à Lille, invité de Séries Mania. - Photo PIB

Vous êtes donc à Lille, pour le festival Séries Mania. Connaissiez-vous cette ville ?

« Non, mais elle est charmante. J’y ressens de bonnes sensations. Ce festival est vraiment chouette. Il y a eu la masterclass, la projection publique… Les gens sont tellement gentils, et si engagés dans ce qu’ils font. J’aime aussi beaucoup que les projections soient gratuites, c’est assez inhabituel. Beaucoup de festivals sont beaucoup plus onéreux. Ici, on accueille bien le public. Ils viennent voir After the Party, qui est la première série néo-zélandaise sélectionnée à Séries Mania. Les réactions étaient fabuleuses. »

Dites-nous juste quelques mots sur ces séries d’envergure dans lesquelles vous avez joué. Par exemple « Top of the Lake » de Jane Campion…

« Cette série m’a permis de travailler avec la comédienne Robyn Malcolm (cocréatrice et interprète d’After The Party, présente à Lille également). »

Peter Mullan dans la série « Westworld ».
Peter Mullan dans la série « Westworld ». - Photo HBO

Si je vous dis « Westworld »…

« Étonnant. J’ai pris un vrai plaisir à travailler pour la showrunneuse Lisa Joy (présidente de jury à Lille lors de Séries Mania 2023). »

Si je vous dis « Ozark »…

« Je suis éliminé de manière assez sombre. »

« Le Seigneur des anneaux : les anneaux de pouvoir »…

« Des oreilles et un nez bizarres. De grands pieds aussi (il incarne Durin III, roi de la ville naine de Khazad-dûm). »

Peter Mullan, assez méconnaissable dans la série « Le Seigneur des anneaux : les anneaux de pouvoir »
Peter Mullan, assez méconnaissable dans la série « Le Seigneur des anneaux : les anneaux de pouvoir » - Photo Prime Video

Quel est le plus grand réalisateur ou la plus grande réalisatrice avec lesquels vous ayez travaillé ?

« Il y en a plusieurs. Jane Campion pour Top of the Lake, Alfonso Cuaron pour Les Fils de l’homme, Mel Gibson pour Braveheart, Danny Boyle pour Trainspotting… Mais Ken Loach est au-dessus de tout. Il est le meilleur directeur d’acteurs. Avec lui, un comédien devient meilleur. »

Vous êtes un gros consommateur de séries ?

« Absolument, j’en regarde beaucoup. Et j’adore les séries coréennes de zombies, qui finalement posent des questions majeures, sur Dieu, sur la vie, la survie, la mort, l’amitié, la loyauté, les rapports de classes. »

L’acteur écossais Peter Mullan à Lille, invité de Séries Mania.
L’acteur écossais Peter Mullan à Lille, invité de Séries Mania. - Photo PIB

Les films ou les séries peuvent-ils changer le monde ?

« Oui. Définitivement oui. Il existe un feuilleton populaire, un soap opera diffusé en Grande-Bretagne depuis 1985, qui s’appelle EastEnders. Voici quelques années, la communauté gay et leurs droits ont été mis sous les projecteurs, avec des réactions énormes. Ce feuilleton grand public, on dit mainstream, a mis en évidence un personnage gay, plusieurs fois par semaine. Ce feuilleton a fait plus pour la communauté gay que beaucoup de manifestations. Il y avait une humanisation, un visage. C’était le premier personnage homosexuel dans la télévision grand public en Grande-Bretagne. »

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