Claire Célérier (université de Toronto) : «Le domaine de la finance ne compte que 10% de femmes professeures de haut niveau»

La professeure à l’université de Toronto Claire Célérier vient de recevoir le prix 2024 du Meilleur jeune chercheur en finance, ex æquo avec Paul Karehnke, professeur associé de finance à l’ESCP Business School. Le parcours remarquable de la chercheuse franco-canadienne montre que la voie académique reste ouverte pour qui sait saisir les opportunités.
Franck Joselin
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Claire Célérier, professeure à l'université de Toronto  - 

Travailler dans la finance ne se borne pas à occuper un poste dans une banque ou une société d’assurances. Le secteur est bien plus large. La recherche en finance fait partie des pans indispensables à la profession et mérite que l’on s’y attarde. Lors de la 17ᵉ édition du Forum international des risques financiers de l’Institut Louis Bachelier, le conseil scientifique de l’Institut Europlace de Finance (IEF) et la fondation Scor ont décerné le prix 2024 du Meilleur jeune chercheur en finance à Claire Célérier, professeure associée de finance à l’université de Toronto, Rotman School of Management.

Ancienne élève d’HEC, de la Paris School of Economics, et ayant soutenu sa thèse à la Toulouse School of Economics, elle pourrait, par son parcours, susciter plus d’une vocation.

Vous avez commencé vos études par le parcours traditionnel des grandes écoles en entrant à HEC. Aviez-vous alors l’intention de poursuivre dans la voie académique ?

Lorsque je suis entrée à HEC, je n’avais pas d’intention particulière de m’orienter vers la recherche en finance. Cette décision est arrivée progressivement, notamment après mes années d’école de commerce. J’ai continué mes études à la Paris School of Economics de 2006 à 2007, puis j’ai passé le concours de la Banque de France. Si à cette époque je me dirigeais vers le métier d’économiste, je n’avais pas encore radicalement choisi de partir vers la recherche académique. C’est en travaillant à la Banque de France pendant deux ans que j’ai réalisé que ce qui m’intéressait réellement était de comprendre les fondements théoriques des modèles que nous utilisions. J’ai alors profité du programme de financements de doctorats de la Banque de France pour partir à Toulouse faire une thèse. Lorsqu’il a fallu revenir à la Banque de France, au bout de trois ans, c’est là que j’ai fait le choix de la voie académique. Je suis alors partie en 2012 faire un post-doctorat à Zurich où je suis restée deux ans. Ensuite, l’université de Toronto m’a contactée pour un poste.

Le parcours académique est-il compatible avec une vie familiale ?

Les voies classiques pour faire de la recherche académique peuvent parfois paraître effrayantes, mais il est possible d’associer ce parcours avec une vie familiale, et ce même avec des enfants en bas âge, comme c'était mon cas il y a sept ans lorsque j’ai commencé au Canada. D’autant que depuis, le fait que le domaine de la finance ne compte que 10% de femmes professeures de haut niveau commence à poser un problème aux universités. Elles aimeraient bien corriger cette anomalie. De mon côté, je suis aujourd’hui parfois sollicitée par des doctorantes pour entrer dans le réseau des chercheurs en finance, majoritairement composé d’hommes. Les femmes doivent aussi parfois se battre un peu plus que les hommes pour asseoir leur crédibilité.

Pourquoi avoir décidé de partir au Canada, plutôt que de rester en France ?

Cela fait partie d’un choix réfléchi. J’ai eu des opportunités de rester en France, mais l’université de Toronto est très performante dans beaucoup de champs différents de recherche. Y travailler est donc très enrichissant. Le déménagement a aussi été rendu facile, car le Canada est un pays accueillant, y compris pour les autres membres de la famille. J’ai d’ailleurs maintenant aussi la nationalité canadienne.

Aujourd’hui, quel est votre champ de recherche ?

Mon champ de recherche est assez large. J’étudie notamment les effets de l’activité des banques de détail sur les ménages et les inégalités. Je peux aussi examiner comment la régulation en capital des banques peut affecter l’impact des politiques fiscales. Mes approches sont à la fois empiriques, expérimentales ou encore historiques. Sur ce point, par exemple, j’étudie actuellement la manière dont une banque créée en 1865 aux Etats-Unis pour collecter l’argent des esclaves affranchis a sombré, entraînant avec elle, à force de fausses promesses publicitaires, la population vulnérable à laquelle elle était censée s’adresser. Ces sujets peuvent paraître éloignés, mais trouvent un écho aujourd’hui. La publicité dans la finance reste encore de nos jours peu régulée. Or cela peut avoir de véritables effets néfastes, notamment pour les personnes les plus fragiles.

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