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600 000 touristes ? Le président de la CTC interroge le réalisme des objectifs du Pays

Jean-Luc Le Mercier, président de la chambre territoriale des comptes depuis octobre 2019, était l’Invité de la rédaction ce mardi.  Alors que les efforts de la CTC se portent sur plusieurs aspects de la politique touristique du Pays, il s’interroge sur « l’acceptabilité sociale », l’impact environnemental et le chiffrage des ambitions touristiques du gouvernement.

La chambre territoriale des comptes est chargée du contrôle des collectivités, comme le Pays, les communes et leurs groupements, des établissements publics ou des SEM, et aussi des politiques publiques au sens large. Et sa mission, dit Jean-Luc Le Mercier, est « d’améliorer la gestion publique et d’informer le citoyen. » Elle est dotée, en vertu du statut d’autonomie, d’un très large champ de compétences. « À la différence d’une chambre régionale des comptes en France, avec des régions ou des départements qui ont beaucoup moins de compétences que la Polynésie française, explique Jean-Luc Le Mercier, ici, à l’inverse, nous en avons beaucoup parce que le Pays lui-même en a beaucoup. Et cela se voit sur la masse financière à contrôler, puisque nous avons à minima 576 milliards de fonds publics, potentiellement, à contrôler. »

« Une des chambres les plus productives »

La chambre territoriale des comptes de Polynésie française dispose de 6 magistrats sur un effectif total de 14 personnes. Depuis la prise de poste de Jean-Luc Le Mercier, une cinquantaine de rapports ont été produits, chacun dans un délai moyen de 8 mois.

Tourisme : est-il réellement possible et souhaitable d’atteindre les 600 000 touristes ?

La CTC s’intéresse à la politique touristique du Pays – c’est dans ce cadre que ses derniers rapports sur le Tahiti Tourisme et sur Air Tahiti Nui ont été réalisés – mais les magistrats ne semblent pas enthousiastes. Jean-Luc Le Mercier s’interroge sur « la dépendance aux marchés américains et français » et sur la capacité des Polynésiens à accepter de voir  600 000 touristes déferler chaque année sur le fenua.

Et le président de la CTC pose un autre problème, plus directement financier : si le Pays espère compenser par les recettes touristiques les aides de l’État dans le cadre d’un changement institutionnel, il faut prendre la bonne calculette, et l’objectif de 600 000 touristes n’y suffirait sans doute pas.

Jean-Luc Le Mercier, qui doit encore échanger avec les services du Pays sur ce point, ne se risque pas à donner un nombre de touristes qui permettrait à la Polynésie de se passer d’une grosse partie des transferts financiers de la France. Mais la CTC joue aussi « un rôle d’aiguillon », ses constats et ses questions aidant, espère Jean-Luc Le Mercier, à construire les stratégies.

Au programme 2024 de la CTC : la politique de la jeunesse, l’obésité chez les jeunes, la TDL et la défiscalisation

Depuis sa prise de poste, Jean-Luc Le Mercier, outre les contrôles périodiques classiques, a également orienté la CTC vers l’environnemental, avec des rapports concernant par exemple l’assainissement. Plus récemment, il s’est tourné vers des sujets de société : un rapport est en cours sur la politique de la jeunesse du Pays, ou encore sur l’obésité chez les jeunes

L’année dernière, le grand public a été invité à choisir des sujets de contrôle. Jean-Luc Le Mercier a été surpris par l’engouement suscité : « Il y a eu moins de citoyens qui ont participé en Occitanie, qui compte 13 départements, qu’en Polynésie française. (…) C’est un bon signe. La curiosité, contrairement à ce qu’on dit, n’est pas un vilain défaut. Au contraire, un citoyen éclairé vote de façon plus éclairée. » Deux sujets ont été choisis, et ils sont effectivement d’actualité : la TDL qui joue un rôle non négligeable dans la structure des prix, et la défiscalisation locale si chère aux investisseurs locaux.

Et la question fiscale pourrait aussi revenir sur le bureau de la CTC : les péripéties de la loi fiscale pourraient mener à un déséquilibre du budget du Pays, et le haut-commissaire pourrait alors saisir la Chambre territoriale des comptes, « comme cela a été le cas il y a deux ans en Nouvelle-Calédonie », note Jean-Luc Le Mercier.

 

« J’encourage de jeunes Polynésiens diplômés à passer ce concours »

Le métier de magistrat financier est peu connu. Il existe plusieurs voies d’accès : l’École nationale d’administration, l’ENA dont est issu Jean-Luc Le Mercier (devenue depuis l’Institut national du service public), « il y a aussi ce qu’on appelle le tour extérieur qui permet à des fonctionnaires de devenir magistrats financiers », et un concours direct qui s’adresse aux Bac+3. « J’engage et j’encourage de jeunes Polynésiens diplômés à passer ce concours avec quand même un élément qu’il ne faut pas perdre de vue, comme dans toute la haute administration française, c’est-à-dire qu’il y aura des mobilités à la clé. » Il y a ensuite « tout un parcours de formation dès la prise de poste » notamment sur les aspects de finances et de comptabilité publiques, les étapes d’un contrôle, ou encore les fondamentaux de la haute fonction publique d’État.

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