80e anniversaire du Débarquement de Normandie : l'épopée de Maczek (figures, 7/8)

C’est un éternel exilé dont la vie se confond avec celle de son malheureux pays. Et c’est en Normandie que Stanislaw Maczek connaît ses premières heures de gloire.

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A la santé de la Pologne…
A la santé de la Pologne… (©Mémorial de Caen)
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Il est né en 1892 dans une famille d’origine croate, à Lwow. Lwow ? C’est en Galicie, en Pologne, mais la région fait partie de l’empire austro-hongrois depuis 1772.

C’est pour cette raison que le jeune étudiant Stanislaw Maczek est enrôlé dans un régiment de montagne autrichien, au sein duquel il se bat sur le front italien.

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Le meilleur officier polonais de l’époque

L’armistice signé, le lieutenant Maczek revient dans son pays qui vient de retrouver l’indépendance, mais ne dépose pas les armes pour autant. Il faut d’abord se battre contre les Ukrainiens, puis contre les bolcheviques russes.

La jeune souveraineté polonaise enfin établie à l’Est, Maczek a le choix de reprendre ses études. Mais il préfère s’engager définitivement dans le métier des armes.

Dans l’entre-deux-guerres, il gravit régulièrement tous les échelons de la hiérarchie militaire jusqu’à se retrouver en 1938, commandant de la 10e brigade de cavalerie motorisée : la plus moderne unité de l’armée polonaise de l’époque, pour le meilleur officier polonais de l’époque.

Meneur d’hommes charismatique, Maczek est courageux, intelligent, sait prendre des bonnes décisions rapidement, et a le sens de la guerre moderne.

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L’offensive allemande de 1940

En septembre 1939, les chars légers de Maczek ne peuvent rien contre la puissance des Panzers allemands. Se battant intelligemment et courageusement, les hommes de Maczek reculent en bon ordre, et pour ne pas se rendre à l’ennemi, finissent par passer la frontière hongroise.

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On retrouve Maczek peu de temps après en France, où il bat le rappel des hommes qui l’ont suivi. Bombardant l’état-major français de notes et de rapports sur la tactique de guerre allemande -la Blitzkrieg- et demandant à être équipé de nouveaux matériels, Maczek est snobé par les militaires français… jusqu’à l’offensive allemande du printemps 1940.

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Là, on s’aperçoit enfin que l’expérience et la combativité de Maczek et ses hommes pourraient être utiles et on consent enfin à les écouter et à les équiper. Mais il est bien tard.

Engagés en Champagne et en Bourgogne, les Polonais se battent avec détermination. Mais le 18 juin, à court de carburant et de munitions, Maczek demande à ses soldats de saboter leurs véhicules et de se séparer en petits groupes.

Par le Portugal et l’Afrique du Nord, la plupart d’entre eux rejoignent l’Angleterre, où on les cantonne d’abord à la surveillance des côtes écossaises.

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16 000 Polonais surmotivés

Le bouillant Maczek ne peut évidemment pas se satisfaire de ce rôle de factionnaire. Et l’insistance des responsables polonais exilés auprès du gouvernement anglais, fait le reste : en février 1942, la première division blindée polonaise est créée, qui rassemble autour du général Maczek, 16 000 Polonais surmotivés.

Bien équipés (avec des chars Sherman et Churchill) et entraînés, les hommes de Maczek rêvent de passer à l’action. Prévus pour faire partie des troupes qui vont participer à la Bataille de Normandie, ceux-ci vont cependant devoir ronger leur frein jusqu’au 1er août 1944, date à laquelle ils débarquent enfin, à Courseulles et Arromanches.

Les Polonais jouent de malchance

C’est reculer pour mieux sauter. Car dès le 8 août, la 1re DB polonaise est intégrée aux troupes canadiennes qui doivent prendre part à l’opération Totalize, visant à dégager la route de Caen à Falaise.

Ça commence mal, avec une bavure de l’aviation américaine qui bombarde les troupes alliées. Ça va de mal en pis, avec les SS qui étrillent sévèrement les troupes polonaises dans les jours suivants.

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Deuxième chance le 14 août, un peu plus au sud. Mais deuxième malchance, quand l’aviation alliée se trompe encore et bombarde à nouveau les Polonais : cette fois-ci, 400 hommes sont touchés !

Battus en Pologne en 1939, battus en France en 1940, les Polonais auraient-ils sur eux le mauvais œil ? Sans le savoir, ils viennent cependant d’achever de manger leur pain noir.

La mission de leur vie

Le 15 août, ils réussissent à poser le pied sur la rive droite de la Dives, à Jort, puis à y installer un pont pour consolider leur position.

Le 16 août, Montgomery leur confie la mission de leur vie : tout simplement, achever de refermer la poche formée autour de Falaise par les troupes allemandes battant en retraite vers la Seine.

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Une mission difficile, de sacrifice, mais aussi de confiance. Et surtout une occasion unique de prendre enfin une revanche sur les Allemands. Les Polonais bondissent et foncent. Le 17, ils coupent d’abord la route reliant Trun à Vimoutiers.

Le 19, ils installent 2 000 des leurs à Chambois et au Mont-Ormel, sur les côtes 113 et 262 : deux collines qui disposent d’un panorama imprenable sur la région alentour, et surtout qui surplombent l’étroit et unique corridor par lequel les Allemands peuvent encore espérer échapper à l’encerclement et atteindre la Seine.

Trois jours héroïques

Isolés du reste des troupes alliées du haut de leurs deux collines, les Polonais ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour tenir bon face aux attaques répétées des Allemands. Pendant trois jours héroïques, du 19 au 21 août, ils freinent la masse ennemie qui tente frénétiquement de casser le verrou mis en place par Maczek : on se bat au couteau et à mains nues quand toutes les munitions sont épuisées.

Au matin du 21, c’est fini, la poche est définitivement refermée. Sur les 2 000 Polonais engagés, seuls 500 s’en sont tirés indemnes. Mais leur sacrifice a permis aux Alliés de faire 30 à 40 000 prisonniers allemands et d’enfin clore victorieusement le chapitre de la Bataille de Normandie, entamé le 6 juin précédent. Enfin, les Polonais ont vaincu le signe indien.

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Maczek déchu de ses droits civiques

Jusqu’à la signature de l’armistice, la 1re DB polonaise va enchaîner les victoires dans le sillage des armées alliées, avec en guise d’apothéose, la prise du port allemand de Wilhelmshaven et des 200 bâtiments de guerre qui s’y trouvent.

Pour Maczek malheureusement, c’est le début de la fin. Le gouvernement communiste de la Pologne d’après-guerre le déchoit de ses droits civiques.

Interdit de séjour dans son pays, Maczek n’est pas (étrangement) plus reconnu en Angleterre, où pour subvenir à ses besoins, il se voit dans l’obligation d’occuper des emplois peu en rapport avec ses qualités et son passé : vendeur de journaux, puis barman dans un hôtel d’Édimbourg !

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Quand un ancien de la 1re DB polonaise descendait à l’hôtel et avait la surprise de trouver son ancien général derrière le bar, il se mettait aussitôt au garde-à-vous. Ce qui ne manquait pas de surprendre évidemment le reste de la clientèle…

En 1989 enfin, le gouvernement polonais lui présente ses excuses publiques, et au début 1994, il se voit attribuer la plus haute distinction polonaise, l’Ordre de l’Aigle Blanc. Il meurt quelques mois plus tard le 11 décembre 1994. Enterré au milieu de ses soldats aux Pays-Bas, à Breda, Stanislaw Maczek n’avait jamais revu la Pologne depuis septembre 1939.

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