Le théâtre de l'Île Ô : Une architecture unique pour financer sa programmation

Ça flotte / Cela fait plus d'un an que le théâtre flottant de l'Île Ô propose une programmation très jeune public à Lyon. Ovni architectural posé sur le Rhône, son modèle économique repose sur la singularité du lieu.

Évoquant des cubes en mouvement suivant le fil de l'eau, le projet architectural du néerlandais Koen Olthuis intrigue. Premier théâtre flottant d'Europe, l'idée serait venue de Jean-Philippe Amy, directeur et fondateur du théâtre l'Île Ô, mais aussi du Patadôme (Irigny), premier projet des théâtres privés les Scènes ôtrement.

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Fondé en 2004 à Irigny, le Patadôme accueille son (jeune) public sous un grand dôme de bois inspiré des théâtres antiques et pouvant accueillir jusqu'à 110 personnes. Une structure qui interpelle, qu'on croirait agglomérée de kaplas, des petites planchettes néerlandaises de construction pour enfant. Un édifice qui accueille à l'étage bon nombre de privatisations : réceptions, événements d'entreprises, formations professionnelles... Creusant les fondations du modèle économique qui est aujourd'hui celui du théâtre de l'Île Ô.


Le théâtre flottant a ouvert ses portes en janvier 2023, après une longue période de travaux rallongée par le Covid et la guerre en Ukraine. « Le projet initial était de mettre un théâtre sur un bateau, mais c'était trop contraignant », se remémore Gabrielle D'Imperio Infuso, codirectrice artistique du lieu.

Pourtant, le théâtre de l'Île Ô a quand même réussi à s'installer sur l'eau, au bord du Rhône, entre le pont Gallieni et le viaduc de Perrache. Les Scènes ôtrement ont su séduire les Voies navigables de France (VNF) qui ont sélectionné leur projet dans le cadre d'un appel à projet arbitré en 2020. Auparavant, une péniche à chicha occupait la zone.

500 tonnes... qui flottent

L'édifice cumulant six volumes sur trois niveaux compte deux salles de spectacle de 244 et 78 places, les deux scènes se trouvant sous le niveau de l'eau sont entourées par des coulisses très étroites. Un joyau d'architecture posé sur une dalle de béton de 500 tonnes qui flotte, coulée en une seule fois pour être parfaitement étanche. « On devrait mettre à sec le théâtre tous les dix ans, mais nous avons bénéficié d'une dérogation car l'ossature de la structure ne permet pas d'être soulevée », raconte Gabrielle d'Imperio Infuso.

Et en cas d'inondation, qu'est-ce qu'il se passe ? « L'édifice a été calculé pour dépasser une crue centenaire, c'est-à-dire 6 mètres d'eau. Si ça arrivait, le bâtiment viendrait en appui sur les duc-d'Albe et serait toujours retenu par les digues » rassure Gabrielle d'Imperio Infuso. 

Le théâtre doit donc répondre à une double d'exigence : « On cumule l'obligation de respecter les normes ERP (établissement recevant du public) et les normes EF (établissement flottant) » détaille Aurélien Preau régisseur général du théâtre Patadôme et du théâtre de l'Îlô.

Gabrielle d'Imperio Infuso et Aurélien Preau devant le théâtre de l'Île Ô ©LS/PetitBulletin

 

Viser le très jeune public

« On a voulu ouvrir les portes aux très jeunes publics, dès trois mois. C'est un théâtre qui n'est pas très présent dans la métropole de Lyon. La plupart du temps, les espaces proposent des spectacles ''dès 10 ans'', ce qui classe déjà le spectacle en ado ou en adulte », exprime la directrice artistique qui évoque avec humour le « salon de la poussette » qui a lieu plusieurs fois par mois au théâtre de l'Île Ô, avant de poursuivre :

« Les compagnies jeune public sont le plus souvent composées d'une ou deux personnes, qui jouent au même endroit un soir ou deux seulement et qui ne peuvent souvent pas acheter de droits ou se payer un ou une scénographe. On veut essayer de renverser cette situation, presque considérée comme un état de fait. »

Au cours de l'année 2023, première année du théâtre, entre un tiers et un quart de la programmation jeune public était composée de créations : « On essayait de caler les dates avec les établissements scolaires le plus vite possible pour ensuite vendre les spectacles au grand public ». Cela en essayant de programmer dans les deux salles, à Lyon et Irigny, lorsque les spectacles s'y prêtaient.

Des créations originales que la codirectrice artistique aimerait multiplier avec des compagnies plus coûteuses, mais elle se heurte aux réalités économiques de la structure. Le théâtre de l'Île Ô, comme le Patadôme, sont des structures associatives privées peu ou pas subventionnées.

Diversifier les sources de revenus

Une tendance qui ne risque pas de s'arranger à l'heure où les théâtres de Lyon déjà subventionnés accusent d'importantes baisses de financements publics. Mais la codirectrice artistique ne perd pas espoir. Elle rappelle au passage que sur le plan des privatisations événementielles, la Métropole est le plus gros client du lieu.

Ces privatisations (des cours de yoga aux séminaires d'entreprises), ainsi que les ateliers de théâtre et la petite restauration du hall financent les spectacles de théâtre. « Cela nous permet de garder nos tarifs entre 11 et 18 euros et de programmer à perte », décrit Gabrielle d'Imperio Infuso. Les ambitions architecturales du projet répondent donc à une exigence économique, celle de proposer à la privatisation un lieu qui ne manquera pas d'intéresser les entreprises et les institutions.

L'abonnement en berne à Lyon

La codirectrice artistique espère tout-de-même développer l'abonnement pour multiplier les sources de revenus de l'établissement. Un vœu pieux, partagé par tous les théâtres de la métropole. Cependant depuis le Covid, les abonnements se font plus rares, et les spectatrices et spectateurs de dernière minute plus nombreux.

Le bilan de la première année d'exercice du théâtre était positif, tant et si bien que le théâtre de l'Île Ô a pu donner un « second souffle » au Patadôme qui a eu du mal à se relever du Covid.

« Dans l'idée il faudrait que ça tourne un peu plus », déclare la codirectrice qui espère que le théâtre de l'Île Ô devienne un incontournable du quartier « Il faut qu'on imprègne la géographie mentale des gens, c'est en train de se faire », conclut-elle.

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