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Consommation énergétique

Avènement de la 6G : il faut «éviter de faire les mêmes erreurs qu’avec la 5G», estime le think tank Shift Project

Intelligence artificielle : de la fascination à l'inquiétudedossier
Le think tank de Jean-Marc Jancovici, publie ce jeudi 28 mars deux rapports invitant à prendre en compte l’objectif de réduction des émissions de carbone dans les choix technologiques et l’avènement des nouveaux usages.
par Olivier Monod
publié le 28 mars 2024 à 19h09

Le monde numérique est dans une course folle. La 5G est à peine déployée que, déjà, sa successeuse, la 6G, pointe le bout de son nez. Avec son cortège de questionnements. Dans ce contexte, le Shift Project, le think tank présidé par Jean-Marc Jancovici, publie deux rapports ce jeudi 28 mars sur l’impact environnemental de l’avènement des mondes virtuels d’une part, et sur celui des réseaux mobiles d’autre part, pour se demander «quels champs des possibles pour un numérique soutenable face aux contraintes énergie-climat ?»

Car derrière chaque nouvelle technologie, il y a de nouveaux usages possibles. L’intelligence artificielle, qui ne cesse de se développer, les métavers, qui restent dans l’air du temps malgré l’échec de Meta, ou encore la réalité mixte avec le casque d’Apple sont autant d’applications dont la généralisation pourrait être facilitée par la 6G. «On ne peut pas en même temps déployer des mondes virtuels généralisés, mettre de l’IA partout y compris dans les frigidaires, et accroître encore la définition des films que l’on peut regarder sur smartphones», tranche Hugues Ferreboeuf, chef de travail numérique du Shift Project, lors d’une conférence de presse ce jeudi.

«La consommation des réseaux mobiles est vouée à augmenter si on reste sur la même logique», tonne celui qui parlait déjà «d’hubris numérique» dans Libé, en 2020. La consommation énergétique du numérique est en hausse de 6 % par an et les émissions de gaz à effet de serre induites «représentent déjà aujourd’hui 3 à 4 % des émissions mondiales et 2,5 % des émissions françaises», souligne le rapport. Un futur tout technologique semble en contradiction profonde avec le respect des limites planétaires déjà dépassées et l’assurance d’un bon niveau de vie pour tous.

En 2018, déjà, Hugues Ferreboeuf, avait appelé à une réflexion «sur l’impact écologique du déploiement de la 5G» avant son déploiement. En vain. «On cherche à éviter de faire les mêmes erreurs avec la 6G qu’avec la 5G», dit-il aujourd’hui. Le débat est en effet sensiblement le même qu’il y a quatre ans. Le réseau 6G aura une meilleure efficacité énergétique, mais celle-ci servira-t-elle à réduire les émissions de carbone du secteur, ou à les augmenter en permettant de nouveaux usages plus énergivores ?

«Les choix de déploiement sont structurants»

Le Shift Project a prévu d’envoyer son rapport aux institutions européennes dans le cadre des réflexions en cours sur la 6G. Un rapport du Parlement européen avait conclu en janvier 2024 que les gains d’efficacité énergétique des générations précédents (4G, 5G) «ont été au moins compensés par l’augmentation du trafic de données». Maintenant, «la question reste de savoir si ce sera également le cas pour la 6G», s’interrogent les eurodéputés.

Pour le Shift project, si l’on veut éviter cet effet, il faut prendre des mesures dès l’installation de nouvelles infrastructures, car «les choix de déploiement sont structurants». Par exemple, lors du déploiement de la 5G, il a été acté «la montée en puissance de l’infrastructure : déploiement de nouveaux sites 5G, couvertures des autoroutes et routes, généralisation des performances augmentées», ce qui a entraîné un boom des usages.

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Pour autant, le think tank n’est pas rétif à tout développement technologique. Par exemple, la connexion par satellites peut constituer une «bonne solution» plutôt que de «tirer un câble jusqu’à certaines zones» difficilement accessibles par voie terrestre. A condition de mener «une étude comparative des émissions de carbone» des deux options, plaident les auteurs.

Hugues Ferreboeuf en profite pour cibler Elon Musk et son projet StarLink d’envoyer 12 000 satellites dans le ciel. «Il faut être clair sur les objectifs. Quelques centaines de satellites sont indispensables pour assurer un service de connectivité, mais on n’a pas forcément besoin de 10 000».

«Orienter nos choix»

«Les réseaux peuvent devenir le point de pivot d’un numérique sobre et résilient», estiment les auteurs du Shift Project. Pour ce faire, ils appellent à «orienter nos choix technologiques et nos choix de déploiement vers la sobriété numérique». Le rapport émet quatre recommandations autour de la transparence sur les impacts, la formation des acteurs, l’optimisation des technologies et, surtout, la réorganisation vers plus de mesure.

En bref, maîtriser l’impact carbone du système numérique et la croissance des volumes de données. Un appel à la tempérance qui semble à mille lieux des pratiques du secteur.

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