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J'ai 24 ans et je viens de regarder Love Actually pour la première fois

Alors que Love Actually ressort au cinéma en version 4K, j'ai profité de l'occasion, et de l'ambiance festive de la période, pour regarder cette comédie romantique culte, qui manquait pourtant à la liste des films que j'ai vus au cours de ma vie.
Love Actually
© Universal/Courtesy Everett Collection

Je suis fan des comédies romantiques comme des films de Noël mais, je l'avoue, je suis passée à côté de Love Actually. Alors quand j'apprends que la célèbre rom-com ressort au cinéma en version restaurée ce mardi 5 décembre (soit vingt ans après sa première sortie en salles), je m'empresse d'aller visionner ce classique des fêtes de fin d'année.

Des embrassades ouvrent le bal : la caméra de Richard Curtis capture ces instants précieux où des êtres retrouvent les personnes qui leur sont chères depuis le hall d'un aéroport (lieu de rencontre familier des comédies romantiques). “Quand l'état du monde me déprime, je pense aux arrivées à Heathrow”, nous confie une voix-off masculine et attendrissante. Selon elle, il n'y a pas de meilleur endroit pour observer les élans d'émotion. “Vous verrez que l'amour, finalement, est partout. Il n'est pas toujours digne ou glorieux, mais il est toujours là.” Si l'amour est aussitôt présenté comme le maître mot de Love Actually, sera-t-il en faire un bon film ? C'est ce que je m'apprête à découvrir dans les images qui suivent.

Universal / Courtesy Everett Collection

La magie d'un Noël à Londres

Après l'aperçu d'un casting digne de ce nom - Hugh Grant, Emma Thompson, Colin Firth, Keira Knightley, Claudia Schiffer, entre autres - dans le générique, on s'éloigne quelque peu de l'aéroport, direction l'est, pour rejoindre le centre de la capitale. En plantant son décor dans le Londres froid et enneigé du mois de décembre, Richard Curtis marque certainement des points. À quelques semaines de Noël, la ville est splendide. Des guirlandes lumineuses éclairent les rues, toutes somptueusement décorées, un sapin immense habille les galeries d'un grand magasin, le tout bercé d'une bande-son réjouissante à souhait. Le film ne retient de l'Angleterre que le meilleur : le charme de Londres - et essentiellement de ses quartiers chics - à l'approche des fêtes. Hugh Grant le soulignera lui-même lorsque son personnage de Premier ministre britannique s'exprime dans un discours face à la presse : son pays, c'est avant tout celui de “Shakespeare, Churchill, les Beatles, Sean Connery, Harry Potter… Le pied droit de Beckham. Son pied gauche.” Certes, cet émerveillement est quelque peu utopique, voire même exclusif, mais il fait aussi partie des ingrédients attendus d'une comédie romantique traditionnelle. Ficelé correctement à la narration, il fonctionne parfaitement (si bien que je me prends à rêver de passer Noël dans ce Londres enchanté).

La relation entre Daniel et Sam est adorable

Différentes scènettes s'enchaînent ensuite, me faisant rencontrer chaque personnage (ils sont nombreux). D'entrée de jeu, je tombe sous le charme du petit garçon prénommé Sam (interprété par Thomas Brodie-Sangster) qui se retrouve à vivre avec son beau-père, Daniel (Liam Neeson), lorsque sa mère décède. Bien qu'il ait toute la peine du monde à porter sur ses épaules depuis l'enterrement, autre chose semble le contrarier. En apprenti parent attentif à ses émotions et ses besoins, Daniel l'interroge sur la source de ses tracas. L'enfant lui répond alors qu'il est amoureux. Mais il s'agit de la fille la plus cool de son école, dit-il, et qu'il ne sait pas comment l'aborder. Les deux hommes tissent ainsi une complicité née de leurs échanges sur le sentiment amoureux, et j'apprécie tout le sérieux que l'adulte place dans ces conversations. Dès qu'il prend la mesure de l'importance de la situation aux yeux du petit Sam, il adapte son discours avec prévenance. Et même lorsqu'il n'a pas les bons mots pour répondre à ses tourments amoureux, il se montre plein d'imagination. Finalement, il incarne le père idéal : celui qui n'a pas peur de parler de ses sentiments, ni même de l'amour en général, celui qui préfère regarder Titanic en pleurant plutôt que de nier son chagrin. Ultime scène pour laquelle j'ai craqué : lorsque Daniel emmène Sam à l'aéroport afin qu'il puisse déclarer son amour à Joanna, avant qu'elle ne quitte le pays pour l'Amérique.

© Working Title Films / DNA Film / Collection ChristopheL via AFP

Le personnage de Harry est détestable

En revanche, je ne peux pas m'étendre avec autant d'éloges quant à Harry. Même si voir le comédien Alan Rickman à l'écran me ravit (mon imaginaire le rattachant encore au professeur Severus Rogue de Harry Potter), le personnage que Richard Curtis a écrit pour lui dans Love Actually est tout bonnement imbuvable. On le découvre tout d'abord en employeur toxique lorsqu'il fait venir l'une de ses salariées dans son bureau pour la “conseiller” sur sa vie amoureuse. Non seulement il se mêle d'un sujet strictement personnel, mais il abuse surtout de son pouvoir pour l'inciter à faire quelque chose qu'elle n'aurait peut-être pas voulu faire (ou tout du moins pas de la sorte). En effet, il lui suggère d'inviter le collègue dont elle est éprise à sortir. Selon lui, toutes les personnes de l'entreprise sont au courant de ses sentiments et il serait embarrassant de continuer à ne rien faire. En deux temps trois mouvements, la jeune femme se retrouve forcée et de surcroît humiliée.

Après quoi on assiste à une scène encore plus malvenue, lorsque Harry échange avec sa secrétaire, Mia. Bien que cette derrière ne cache pas ses intentions de le séduire, Harry (qui en plus d'être son supérieur hiérarchique se trouve être nettement plus âgé qu'elle) se plait à la laisser imaginer qu'une aventure entre eux deux serait possible. Surtout, il ne manque pas une occasion pour afficher un comportement ou une parole déplacé.es : des regards langoureux aux remarques sur sa façon de s'habiller… Décidément, il n'a rien qui vaille. Et surtout pas le présent qu'il décide de lui offrir pour Noël. Alors que sa femme porte la charge mentale de trouver des cadeaux pour toute la famille, y compris celle de son mari, ce dernier n'a pas eu meilleure idée que d'occuper son temps libre à acheter un collier à sa maîtresse. Une situation qui a le mérite de me faire rire tant elle est criante de vérité sur la gaucherie des hommes (sans parler du peu de peine qu'ils accordent à la tâche annuelle des cadeaux de Noël). Le matin du 25 décembre, comme tous ceux des années précédentes, Karen (Emma Thompson) recevra donc son traditionnel foulard sous le sapin… Aussi méprisable et peu original soit-il, le personnage de Harry n'en demeure pas moins crédible. On ne va pas se mentir, si le patron, minable dragueur, qui trompe sa femme avec sa secrétaire est un cliché à la peau dure, c'est parce qu'il reste proche d'une certaine réalité.

La déclaration d'amour de Mark à Juliet est vraiment étrange

Au sein du grand puzzle sentimental que forme Love Actually, il y a l'histoire - improbable - de Mark (Andrew Lincoln) et Juliet (Keira Knightley). Elle vient d'épouser Peter. Lui est le meilleur ami du mari. Entre eux, rien ne semble les rapprocher outre mesure. Ils n'ont guère en commun, et on ne peut pas dire qu'ils s'adressent véritablement la parole. Pourtant, Richard Curtis veut nous faire croire que Mark est fou d'elle. Lors de son mariage tout d'abord, il ne filme que la jeune femme à travers sa caméra. Mais le plus abracadabrant est encore la fameuse scène de la pancarte. Je dis fameuse car, même si je regarde le film pour la première fois, cette scène inonde les médias et les réseaux sociaux chaque année à l'approche des fêtes. Impossible de ne pas l'avoir en tête lorsqu'on me parle de Love Actually. Voici donc ce que j'en pense (après l'avoir visionnée) : sonner à la porte de son meilleur ami, être accueilli par sa femme, lui demander de mentir au sujet de sa venue en prétextant une chorale de Noël, puis en profiter pour lui déclarer sa flamme… C'est aussi peu croyable que problématique. Je veux bien entendre le romantisme derrière la mise en scène des pancartes, mais il me paraît néanmoins très douteux de le faire auprès de la femme de son meilleur ami (qui plus est lorsque celui-ci se trouve être dans la pièce juste à côté aux moments des faits). On touche le fond lorsque Juliet décide sans crier gare d'embrasser Mark…

© Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP

Voir Hugh Grant danser comme s'il était seul au monde vaut le détour

Autre séquence culte, et qui ne m'a pas déçue cette fois-ci : la danse offerte par Hugh Grant, lorsque son personnage se croit seul dans sa chambre du 10 Downing Street. L'acteur se déhanche au rythme du titre “Jump” des Pointer Sisters, descend les escaliers comme s'il faisait une entrée remarquée en boîte de nuit, puis continue ses pas dans le salon, où il tombe sur sa secrétaire. Embarrassé, le Premier ministre écourte sa danse pour s'adresser à elle comme si de rien n'était. Il fait demi-tour et retourne dans ses appartements, me laissant avec l'envie de revoir ce passage mémorable une nouvelle fois avant de poursuivre le long-métrage.

La grossophobie partout, tout le temps

Toutefois, Hugh Grant n'est pas un Premier ministre irréprochable. Drôle et attachant à de nombreux égards, il cultive aussi la grossophobie du film, essentiellement centrée sur le personnage de Natalie (Martine McCutcheon). Comme la plupart des femmes de Love Actually, son rôle principal est de faire exister les désirs des hommes, ici ceux du Premier ministre qui craque totalement sur elle. Et si le physique de ces femmes fait parler les hommes, celui de Natalie est particulièrement soumis à la honte et au rabaissement. C'est simple, il lui est sans cesse répété qu'elle ne rentre pas dans les normes de beauté (celles d'il y a vingt ans tout du moins) : ses cuisses sont trop grosses, ses seins trop visibles… Natalie n'est qu'un “sacré morceau” pour les hommes (son petit-ami l'aurait même quittée pour cette raison), et l'éternelle “bouboule” auprès de sa famille (la mention de “Miss Boulimie 2003” aurait notamment pu être rayée du scénario). Si l'homme d'État évite les remarques déplacées pendant presque tout le film (sans pour autant prendre publiquement la défense de celle qu'il prétend aimer), je ne peux que regretter l'entendre faire allusion à son poids dans une séquence finale.

© Universal / Courtesy Everett Collection

Ces intrigues secondaires dont on aurait pu se passer

Parmi les multiples intrigues amoureuses de Love Actually, j'admets ne pas voir l'intérêt de certaines. Qu'il s'agisse de la rencontre absurde entre deux comédiens sur ce qui semble être le tournage d'un film pornographique (où je me retrouve plus affligée de voir le peu d'attention apportée à l'actrice - qui apprend à la dernière minute qu'elle doit se dénuder et se faire caresser les seins par son partenaire de jeu - qu'intéressée par la romance qui naît entre les deux jeunes gens), des aventures de Billy Mack ou celles de Colin Frissell, il aurait été préférable de se concentrer sur les histoires indispensables à la comédie, quitte à les étoffer davantage.

Love Actually n'est pas un ratage total. Cependant, il rassemble à mon sens trop de faux pas pour le rendre véritablement plaisant à regarder sans que notre pensée critique s'emballe. Or, c'est bien le repos de l'esprit que je recherche dans les romances de Noël. Ici, je ne peux pas m'empêcher de grincer des dents face à l'accumulation des commentaires (mais aussi des plans filmés) sexistes qui servent le male gaze (le regard masculin, ndlr). Et cela encombre les personnages féminins comme masculins : d'un côté les hommes doivent incarner la virilité absolue en toutes circonstances (Karen se permet ainsi de suggérer à son ami Daniel de se remettre plus vite du décès de son épouse car “ce n'est pas sexy pour un mec de pleurer” et qu'aucune femme ne voudra de lui dans cet état), de l'autre, les femmes ne peuvent exister pour autre chose que leur plastique et leur discrétion (peut-on parler du fait que l'écrivain, joué par Colin Firth, tombe amoureux de sa femme de ménage sans même avoir pu converser avec elle ?). Ces détails vieillissent mal au fil du temps. S'ils avaient pu être évités, le film s'en serait probablement mieux porté.

Archives du 7eme Art / Photo12 via AFP

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