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1830 " HERNANI " 1952

Par ROBERT KEMP

Publié le 29 février 1952 à 00h00, modifié le 29 février 1952 à 00h00

Temps de Lecture 5 min.

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Quelques-uns riaient... Triste pourtant était mon âme de cet évanouissement après moins de cinq quarts de siècle d'une pièce qui passa pour un chef-d'œuvre ; que dis-je ? qui donnait encore à la jeunesse en 1900 le choc et la fièvre de la beauté... Voyez le Cid, il ne faiblit pas... Il est espagnol ; mais il est humain. Hernani brave la vraisemblance dans les faits et les sentiments. La rencontre du prince-bandit et de doña Sol, jeune fille surveillée, verrouillée, ne sera jamais expliquée. L'appétit de mort, de mort sans gloire - " Ah ! qu'un coup de poignard de vous me serait doux... "; ces désespoirs par verbosité ; ce cor plus ridicule cent fois que toutes les croix de ma mère et les branches de buis bénit des bas mélos qui vont naître ; ces insultes lancées à un roi par un prince espagnol hagard, outrancier ; la sauvagerie du vieillard qu'on appelle constamment " vieillard "... Mais à quoi bon rabâcher ? Tout a été dit cent fois. Et l'on sait que l'absurde règne dans Hernani. Mais il y régnait superbement. Nous comprenions l'enthousiasme vociférant des " batailleurs " à entendre sonner pour la première fois sur une scène cette voix de Hugo après les voix cotonneuses des derniers survivants de la tragédie classique, et même M. Casimir Delavigne. " Monts d'Aragon, Galice, Estramadoure... " Cela vaut la Fille de Minos et de Pasiphaé ; le bronze à côté du marbre. La musique des vers, oui, Hernani garde cela ; et ce n'est pas une beauté médiocre. Mais il se produit deux phénomènes. Premièrement que nous les connaissons tellement, ces vers, nous les murmurons intérieurement avec tant de dévotion, et des sourires si amicaux, que lorsqu'ils nous arrivent des lèvres des acteurs ils ne nous font plus aucun effet. Leurs sucs sont desséchés. La grappe est vide. Il faudrait qu'ils fussent ressuscités, qu'ils prissent un timbre et un souffle nouveaux - comme les vers du Cid lancés par Gérard Philipe ; qu'il parût pour les dire un nouveau Mounet... La surprise, l'enchantement, n'ont pas eu lieu ce soir...

La représentation n'a pas été bonne ; non, malgré les décors de Mariano Andrieu, d'une beauté orgueilleuse, un peu encombrante et encombrée... Le plus éclatant est celui de la salle des portraits, chez Ruy Gomez de Silva. D'une splendeur presque de " parvenu ", pour un seigneur dont un ancêtre fut trois fois consul de Rome. Je vois des défauts à la petite place de Saragosse, si fermée, encastrée, qu'on ne voit point courir les torches des poursuivants. Bel effet, sacrifié... La crypte d'Aix-la-Chapelle, sur gros pilier, belle en soi, ne permet aucun déploiement de mise en scène, et l'éclairement romantique - " J'en allume encore plus " - est manqué. Du reste, voudrais-je complimenter Henri-Rollan, que j'aime bien, de sa mise en scène, je ne pourrais. Hernani allant et venant comme mouche sous cloche, autour d'une table, chez le duc de Pastrana, son hôte, et hurlant à faire accourir tous les valets... Hernani et doña Sol, dans le très noble paysage nocturne du dernier acte, si loin de nous que les adorables musiques de leur duo nous parviennent par lambeaux. Très magnifiques costumes, certes. Mais le bonnet ou je ne sais quoi d'Hernani au II le rend ridicule; et au III le costume du pèlerin, couvert de coquilles, son absurde chapeau relevé par devant, sont indéfendables. Cet homme se cache ; il lui faut un capuchon. Je me souviens de la voix de Mounet sortant du capuchon : " Oui, je veux voir brûler les flambeaux et les cires... "

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