Dette de 60 milliards d’euros
Car la pression se maintient sur le groupe, acculé par une dette de près de 60 milliards d’euros répartie entre les trois entités de l’empire : Altice International (Portugal, Israël, la République dominicaine et l’agence de publicité Teads) porte 8,7 milliards d’euros de dette, Altice USA, 24,9 milliards, et Altice France, 24 milliards. Après des années d’acquisition à crédits, Patrick Drahi s’est retrouvé piégé par la remontée brutale des taux d’intérêt sonnant la fin de l’argent facile. Le tout sur fond de mise en accusation au Portugal de l’associé de toujours Armando Pereira et de l’ouverture d’une enquête en France par le Parquet national financier en septembre visant Patrick Drahi sur des soupçons de corruption.
Lire aussiAltice USA : la fin du rêve américain pour Patrick Drahi
Le milliardaire s’active en coulisses depuis septembre pour céder des morceaux d’Altice et en tirer le maximum de profits. Il a mandaté les banques d’affaires Lazard, Morgan Stanley et Goldman Sachs pour passer en revue les différents actifs, notamment SFR, Altice Portugal, Altice Dominicana et Teads, spécialisé dans la vidéo publicitaire. La vente des 257 centres de données en novembre à la banque Morgan Stanley pour 530 millions d’euros a posé un premier jalon sur le long chemin du désendettement.
Avec la cession de BFMTV et de RMC, le groupe franchit une deuxième étape clé qui donne du crédit à la stratégie exposée par Patrick Drahi aux investisseurs. « L’opération montre qu’il est sincère dans sa démarche et prêt à se séparer d’actifs auxquels il est très attaché, cela va clairement dans le bon sens », analyse un très bon connaisseur du dossier. Pour une autre source, « elle prouve que le milliardaire est solide en tant que vendeur et pas seulement en tant qu’acheteur », alors que ce dernier a bâti son empire grâce à une parfaite maîtrise du LBO, l’achat d’une entreprise à crédit et l’utilisation de ses bénéfices pour payer la dette.
Rassurer les marchés
A défaut de pouvoir rembourser l’intégralité de la dette, le 1,5 milliard d’euros tiré d’Altice Média permettra de faire face aux maturités courtes. En effet, le groupe de télécoms dispose encore de quelques années avant le mur de dettes. Les premières échéances sont fixées à 2025 et 2026, avec respectivement 1,65 et 1,33 milliard d’euros. Les suivantes sont vertigineuses. En 2027, l’entreprise doit rembourser 5,48 milliards de dollars, quasiment le double en 2028, avec 9,42 milliards d’euros, puis 6,34 milliards d’euros en 2029. Avec la vente des centres de données et d’Altice Médias, Patrick Drahi s’offre du temps. Il rassure ainsi les marchés financiers en espérant renégocier la dette et repousser les échéances.
XPFibre, Altice Portugal, Teads…
Et « ce n’est que le début », glisse un proche du groupe. Signe de l'urgence, plusieurs dossiers ont éclaté ces dernières semaines dans différentes entités du groupe. Six fonds sont sur les rangs pour acquérir les 50 % du capital d’Altice dans XPFibre, l’opérateur de réseau de fibre optique valorisé à 9 milliards d’euros. En enlevant la dette, Patrick Drahi pourrait en récupérer 3 milliards selon des sources qui assurent que la cession pourrait avoir lieu dans les deux prochains mois. Autre actif, l’opérateur Meo au Portugal, valorisé à 7,4 milliards d’euros, suscite bien des convoitises. L’opérateur saoudien STC qui vient de prendre des parts dans Telefonica en Espagne aurait formulé l’offre la plus élevée selon Bloomberg. Plusieurs fonds d’investissement se sont également positionnés. La vente de Teads, spécialisé dans les vidéos, ne semble, elle, pas à l’ordre du jour.
Lire aussii24News : la chaîne de Patrick Drahi va arrêter ses émissions depuis Paris
Dans l’Hexagone, tous les yeux sont rivés sur le mastodonte SFR, valorisé à 24 milliards d’euros. Plusieurs options sont sur la table : consolidation avec Bouygues, Iliad ou Orange ou vente totale ou partielle à un fonds d’investissement ou de private equity. Mais qu’elle soit partielle ou totale, la vente menée par la banque Lazard s’avère délicate, la valorisation étant égale à la dette. A moins de parvenir à baisser le montant de cette dernière, l'opération ne serait pas intéressante. L’actif semble donc difficilement vendable à ce stade. « Il faudra attendre 2025 ou 2026 pour céder tout ou partie de SFR, la dette est trop lourde à ce stade pour trouver un repreneur », assure un connaisseur. D’autant que depuis 2014, l’opérateur ne produit pas les résultats escomptés. Au troisième trimestre 2023, le chiffre d’affaires a baissé de 2,8 % par rapport à la même période l’an passé et le groupe a perdu 40 000 abonnés sur le fixe et 119 000 sur le mobile.
Nul doute, donc, que les résultats annuels dévoilés ce mercredi 20 mars seront scrutés par les investisseurs et créanciers. Par ailleurs, Altice doit encore se positionner sur le dossier de la Poste Mobile, dont il détient 49 %, La Poste étant actionnaire à 51 %. Bouygues Telecom veut racheter l’actif 950 millions d’euros.