Côte-d’Ivoire : Laurent Gbagbo, l’éternel retour du « boulanger »
Laurent Gbagbo, vieux politicien madré connu pour rouler ses adversaires dans la farine (d’où son surnom de boulanger), a fait part le 9 mars dernier de son intention de se porter candidat à l'élection présidentielle ivoirienne de 2025 – et ce malgré son inéligibilité.
Le ton de voix altéré, l’œil fatigué : Laurent Gbagbo a vieilli. Celui qui soufflera ses 79 bougies le 31 mai est bel et bien revenu en Côte-d’Ivoire et compte peser sur les élections présidentielles de l’année prochaine. La politique, il l’aura pratiquée toute sa vie. D’origine modeste, son père était agent de police, il grandit dans une famille de l’ethnie Bété venue de l’ouest du pays, est éduqué au séminaire, puis décroche une maîtrise d’histoire et un doctorat d’université à la Sorbonne en 1979.
C’est sans conteste le syndicalisme qui aura constitué le terreau de l’engagement de cet infatigable opposant à Felix Houphouët-Boigny, qui a régné sans partage sur l’ancienne « terre d’Éburnie » pendant trente-trois ans. Emprisonné pendant deux ans dans les années soixante-dix, il finit par fuir en France en 1982 et y crée son parti historique : le Front populaire ivoirien (FPI). Il y noue, d’ailleurs, de précieux contacts et se forgera un réseau international auprès du Parti socialiste.
À la mort du « vieux » en 1993, Henri Konan Bédié prend sa succession, jusqu’à ce qu’il soit renversé par un coup d’État conduit par le général Robert Gueï, lui-même battu à l’élection présidentielles de 1999 par Laurent Gbagbo, qui accède ainsi à la magistrature suprême après des décennies d’opposition.
« Essence : 100 francs ! Allumettes : 25 francs ! »
L’université a toujours été l’épicentre de la domination politique de Laurent Gbagbo : il y fait régner la terreur à l’aide de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire. L’« article 125 », expression qui désignait les exactions, lynchages et passages à tabac en tous genres que subissaient les opposants politiques à cette époque, participait d’un climat de terreur qui a ensanglanté le pays pendant des années. L’origine en serait la phrase désignant le prix des allumettes et de l’essence, « Essence : 100 francs ! Allumettes : 25 francs ! », utilisée pour immoler par le feu les victimes du régime.
Mais en 2002, patatras ! Des soldats révoltés en provenance du Burkina Faso voisin investissent le nord du pays, à majorité musulmane. De report d’élections en report d’élections, de mesures d’apaisement suivies de violences, Laurent Gbagbo doit quitter le pouvoir en 2010 après la victoire de son grand rival : Alassane Ouattara.
Simone Gbagbo, son ex-épouse et compagne de lutte de toujours, le persuade de ne pas respecter le verdict des urnes. Encerclés dans leur palais de Cocody, ils sont finalement arrêtés et emprisonnés. L’une est inculpée pour « vol aggravé, détournement de deniers publics, concussion, pillage et atteinte à l'économie nationale » et l’autre est déféré devant la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité.
Du nationalisme au panafricanisme
Pour Jean-Marc Gravellini, chercheur associé à l’Iris, « Laurent Gbagbo est très marqué par son appartenance à l’ethnie Bété, dont les membres se considèrent comme les occupants les plus légitimes du pays. C’est d’ailleurs lui qui a lancé le premier le concept d’ivoirité pour se démarquer des Baoulés, originaires du Ghana. Fondamentalement, il a été un idéaliste au début de sa carrière puis, après le début de la rébellion de septembre 2002, s’est retrouvé frustré de ne pas pouvoir réaliser l’œuvre de sa vie faute de pouvoir gouverner pleinement. Il a alors perdu de vue son cap idéologique et s’est radicalisé pour se maintenir au pouvoir coûte que coûte ».
Revenu au pays après sept ans de détention et son acquittement, il jette aux orties son nationalisme d’antan, reprend les oripeaux du panafricanisme et fonde un nouveau parti en août 2021, le Parti des peuples africains-Côte d'Ivoire (PPA-CI).
Toujours selon Jean-Marc Gravellini, « en adoptant un discours panafricaniste, il cherche à s’attirer les grâces d’une jeunesse paumée et des milieux intellectuels, en surfant sur la vague de l’émancipation vis-à-vis de l’Occident ».
Farid Temsamani, consultant en intelligence économique et spécialiste de l’Afrique, note toutefois que « les résultats économiques visibles de la politique menée par le président actuel devraient conduire Laurent Gbagbo à proposer un programme économique rassurant pour détourner les milieux d’affaires du parti au pouvoir ».
Le boulanger roublard peut donc très bien jouer sur le panafricanisme, l’ivoirité ou la stabilité économique pour arriver à ses fins. L’avenir dira si les Ivoiriens finiront par demander de la brioche plutôt que du pain.
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