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Décryptage

Cowboy Carter : pourquoi l'album de Beyoncé se veut une révolution pour la musique country

Après « Renaissance », premier volet d'une trilogie musicale surprenante, Beyoncé a annoncé poursuivre son oeuvre avec « Cowboy Carter », un disque country qui promet de renouer avec les racines résolument afro-américaines de ce genre.

Beyoncé fait redécouvrir l'histoire de la country avec «Cowboy Carter».
Beyoncé fait redécouvrir l'histoire de la country avec «Cowboy Carter». (DR)

Par Léa Colombo

Publié le 28 mars 2024 à 17:51Mis à jour le 29 mars 2024 à 17:46

A l'été 2022, Beyoncé devient la reine du dancefloor avec le multirécompensé « Renaissance » , un album éclectique croisant la dance et la house, deux genres dont les communautés LGBT afro-américaines sont pionnières. Moins de deux ans plus tard, après être devenue la patronne d'une tournée mondiale qui a généré 179,3 millions de dollars en quatorze dates , elle récidive. Son prochain territoire de reconquête ? La country avec « Cowboy Carter ».

Habituée à créer l'événement avec des sorties imprévisibles - Beyoncé avait notamment surpris le monde entier en publiant son album éponyme le 13 décembre 2013, sans annonce préalable -, la chanteuse annonce en février dernier en plein Super Bowl , quintessence de la culture américaine, sous couvert d'une publicité pour l'opérateur de télécoms Verizon, deux morceaux country : « Texas Hold Em » et « 16 Carriages ». Le premier est un son entraînant qui invite à taper du pied en rythme tandis que le second est une puissante ballade sur son adolescence sacrifiée par son entrée dans le groupe Destiny's Childs à 16 ans.

Nous voici reparti pour un tour. Un tour de maître qui se veut aussi un tour de force : « Cet album est en construction depuis cinq ans. Il est né d'une expérience que j'ai vécue des années auparavant où je ne me sentais pas la bienvenue… et il était clair que je ne l'étais pas. Mais grâce à cela j'ai fouillé profondément dans l'histoire de la musique country et dans nos archives musicales », explique la créatrice, prête à prendre sa revanche. Il faut dire que dans la conception de cet album rien n'est laissé au hasard.

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Aux origines de la country afro-américaine

La couverture de l'album, révélée le 19 mars, en impose : c'est sur un cheval blanc, drapeau en main, et habillée de la tête en pied en cow-boy aux couleurs patriotiques qu'elle apparaît. La couleur, justement, y est annoncée et la star pourrait presque se passer de mots pour déclarer à quiconque qu'elle tient les rênes. C'est avec caractère que la chanteuse réputée pour ses visuels chocs et ses concepts aboutis introduit son personnage country que les fans avaient déjà deviné dans son titre « Daddy Lessons » en 2016. A l'époque, alors même que la star l'interprète en compagnie des Dixies Chicks, le comité country des Grammys refuse de reconnaître la chanson comme telle. En 2024, « Cowboy Carter » s'annonce plus difficile à ignorer.

Mais au-delà d'une esthétique consacrée et d'un rythme qui appelle le banjo et la danse en ligne, Beyoncé choisit pour son huitième album de mettre en avant l'histoire effacée de la country et ses origines afro-américaines. En dévoilant la liste des 27 titres qui composent l'album, Beyoncé fait judicieusement référence au Chitling Circuit, un réseau de salles de spectacle mis en place par les Afro-Américains en pleine période de ségrégation raciale afin de permettre aux artistes noirs de pouvoir se produire dans l'Est, le Sud et le Haut du Midwest sans danger. En jouant avec leurs codes visuels, la star américaine se présente comme un nouveau sanctuaire pour la musique afro-américaine.

Et parmi ces morceaux se trouve « The Linda Martell Show », en référence à la première chanteuse noire qui a réussi à s'établir en véritable succès commercial dans ce genre musical. Pionnière pour les générations suivantes dont Beyoncé fait partie, Linda Martell est la première femme noire à se produire dans l'émission de radio Grand Ole Opry, la plus ancienne de l'histoire des Etats-Unis. Mais malmenée par des labels qui ne la traitent pas à sa juste valeur et par un public blanc qui profère régulièrement des insultes racistes à son encontre pendant ses shows, elle finit par se retirer du monde de la musique. Désormais, l'industrie lui rend davantage hommage mais c'est à Beyoncé que revient de cimenter sa position dans les mémoires.

Cette dernière va plus loin encore sur certains visuels où elle s'affiche avec une écharpe sur laquelle on peut cette fois lire : « ACT II. BEYINCE ». Loin d'être une vulgaire erreur de frappe, comme l'ont pensé quelques internautes, il s'agit en réalité d'une manière de raconter une histoire dans l'histoire. « Je me demandais pourquoi le nom de famille de mon frère s'écrivait BEYINCE et pourquoi il y avait toutes ces différentes orthographes dans la famille », commente Tina Knowles-Lawson, la mère de la chanteuse, née Celestine Beyoncé dans un podcast.

« Elle m'a dit que c'est ce qu'ils avaient marqué sur l'acte de naissance. Je lui ai demandé pourquoi elle ne l'avait pas fait corriger. Et elle m'a déclaré : « je l'ai fait une fois et on m'a répondu « estimez-vous déjà heureux d'avoir un certificat de naissance » car à cette époque les noirs n'en avaient pas ».

Entre réappropriation et transmission

Un travail de réappropriation de l'histoire afro-américaine, donc, qui ne plaît visiblement toujours pas à tout le monde. Nombreux sont les personnes à s'élever contre l'initiative de la chanteuse sur les réseaux sociaux : « Je suis désolée mais ce ne sont pas des chansons country », « Soyons honnête, on ne peut pas mettre Beyoncé dans la même catégorie que Lainey Wilson, Calista Clark ou Kelsea Ballerini », peut-on lire en commentaires sous ses publications. Une vague réactionnaire qui critique aussi bien la qualité de ses chansons que la place de la chanteuse texane dans le vaste univers de la country.

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Pourtant, les icônes de la country sont les premières à embrasser la démarche de l'artiste. C'est le cas de Dolly Parton, mère ultime de la country s'il en est une, à laquelle Beyoncé va emprunter le classique « Jolene » : « Nous avons échangé de nombreux messages depuis des années », a confié Dolly au magazine Knox News, déclarant son excitation à l'idée que Beyoncé reprenne son titre culte. « Je pense que beaucoup de gens ne comprennent pas que Beyoncé est une fille de la country. Elle vient du Texas. Notre place est partout où nous pouvons faire le bien, et sa chanson est numéro un de toutes les charts à travers le monde. Qui peut lui disputer cela ? »

Pour continuer à construire des ponts entre les générations et les genres, Beyoncé a également annoncé plusieurs « featurings » dont un avec Miley Cyrus (sa marraine n'est nulle autre que Dolly elle-même) sur le titre « II Most Wanted » ; un avec Post Malone qui a dernièrement annoncé se lancer lui aussi sur un album country ; et un avec Shaboozey, un artiste qui se joue souvent des influences country dans sa musique hybride. Ainsi, entre collaborations vivifiantes et réinterprétations, la star aux 200 millions d'albums vendus étend les horizons de la country à sa façon. Car comme elle fait bien de le préciser sur son compte Instagram : « Ceci n'est pas un album de country. C'est un album de Beyoncé ». Et c'est peut-être là, finalement, tout ce qui compte.

« Cowboy Carter » de Beyoncé (Columbia / Sony)

Léa Colombo

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