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Procès de l'attentat de Strasbourg: un agent de la DGSI reconnaît un "échec" pour empêcher le passage à l'acte

La salle d'audience du procès de l'attentat de Strasbourg se tient à la Cour d'assises spéciale de Paris.

La salle d'audience du procès de l'attentat de Strasbourg se tient à la Cour d'assises spéciale de Paris. - IAN LANGSDON

Au troisième jour du procès devant la cour d'assises spéciale de Paris, un commissaire de la DGSI est revenu sur la perquisition menée le matin même de l'attaque au domicile de l'assaillant Chérif Chekatt.

Le matin de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, une grenade et des "écrits inquiétants" avaient été retrouvés chez l'assaillant. Douze heures plus tard, il tuait cinq personnes et en blessait 11 grièvement. Un "échec", a reconnu lundi 5 mars un agent de la Direction générale de la sécurité intérieure.

Au troisième jour du procès devant la cour d'assises spéciale de Paris de cet attentat, le commissaire de la DGSI, qui témoigne en visioconférence et caché derrière un paravent, doit répondre à un feu roulant de questions sur le déroulement des événements, notamment pendant cette journée du 11 décembre 2018.

Absent lors de la perquisition

Vers 6h du matin ce jour-là, des gendarmes, accompagnés d'observateurs de la DGSI, se présentent au domicile de Chérif Chekatt, un multirécidiviste fiché "S" pour radicalisation islamiste, pour une perquisition dans le cadre d'une procédure de droit commun, mais constatent qu'il est absent.

Ils se rendent alors chez son père, à qui ils demandent de prévenir son fils et retournent, vers 7h20, à son appartement pour la perquisition. Là, ils découvrent une grenade défensive, un revolver et des cartouches, ainsi que des écrits appelant au jihad.

Un mandat d'arrêt pour retrouver l'homme de 29 ans est émis dans la journée, mais la DGSI, spécialiste du terrorisme, n'est saisie de l'enquête judiciaire qu'une fois l'attentat commis, dans la soirée.

"On nourrit des regrets tous les jours"

Compte tenu des éléments découverts, n'aurait-elle pas pu l'être plus tôt dans la journée s'interrogent la présidente de la cour et plusieurs avocats des parties civiles.

"Pour nous, tous les passages à l'acte et celui-là, c'est un échec", admet l'enquêteur.

"Je ne peux que dire que oui, on nourrit des regrets tous les jours qu'on n'ait pas pu empêcher cet acte", poursuit-il.

Pour autant, le fonctionnaire rappelle "la réalité opérationnelle qui rend extrêmement difficile le fait de devoir juger les choix" faits alors, soulignant que les gendarmes avaient aussitôt mis en œuvre des moyens pour retrouver Chérif Chekatt.

Ils ont toutefois omis de perquisitionner chez sa mère, chez qui il avait en réalité passé la nuit. "Oui, il aurait fallu contrôler l'ensemble des domiciles sur lesquels il aurait pu se trouver", déclare, embarrassé, le commissaire.

Passage à l'acte "précipité"

En outre, si la radicalisation de l'homme est connue et les éléments retrouvés sont "inquiétants", ils ne sont pas non plus synonymes de "mise en œuvre imminente" du projet, estime-t-il.

Pour l'enquêteur, plusieurs facteurs ont "précipité" son passage à l'acte: prévenu par son père qui lui dit de se sauver plutôt que de se rendre, Chérif Chekatt "est aux abois".

"Il n'a plus de point de chute, il sait que ses domiciles sont sous attention policière" et "il n'a plus d'armes".

Dans ce contexte, "il détruit tous ses moyens de communication", ce qui rend sa "localisation impossible", fait-il valoir.

Par ailleurs, il parvient à se procurer une nouvelle arme dans la journée auprès d'Audrey Mondjehi, aujourd'hui assis dans le box des accusés - Chérif Chekatt en est absent, ayant été abattu par les forces de l'ordre après deux jours de traque. C'est cette arme qui sera utilisée pendant l'attentat.

Questions autour de la sécurisation du marché de Noël

Au-delà de l'échec à détecter l'imminence du projet de l'assaillant, plusieurs parties civiles soulèvent la question de la sécurisation du marché de Noël, fréquenté chaque année par deux ou trois millions de personnes.

"Fallait-il donner une alerte, ou éviter un vent de panique?", demande Me Pascal Créhange, qui défend plusieurs victimes. "La prise de décision est extrêmement complexe", souligne l'enquêteur, qui rappelle que c'est au préfet de police du département, et non à la DGSI, qu'une telle tâche incombe.

"Quand vous donnez une information anxiogène, vous ne savez pas les conséquences que ça peut avoir en termes de mouvement de panique, de précipitation de passage à l'acte, et en termes politiques aussi", observe-t-il.

B.R. avec AFP