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Normandie: pourquoi le camembert tel qu'on le connaît peut être amené à disparaître

Des chercheurs du CNRS soulignent un manque de diversité dans les micro-organismes utilisés pour la fabrication des fromages, notamment une souche de moisissure qui donne au camembert sa couleur blanche.

Penicillium camemberti. Ce nom peu courant désigne un champignon nécessaire à la fabrication du camembert tel qu'on le connaît aujourd'hui, avec sa croûte blanche.

"C'est le petit duvet qu'il y a tout autour du camembert, qui est indispensable pour faire un joli camembert bien blanc. On peut le garder emballé suffisamment longtemps avant de l'expédier, et qu'il puisse bien s'affiner, déjà chez nous en production", explique au micro de BFMTV Charles Bréant, co-gérant de la ferme camembert Les 5 Frères de Bermonville (Seine-Maritime).

Mais en début d'année, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a publié une étude pour mettre en lumière le manque de diversité parmi les micro-organismes (notamment les champignons) utilisés dans la fabrication de ce fromage, et qui pourrait, à terme, le menacer d'extinction.

"On a perdu un peu toute cette diversité qu'on avait sélectionnée pendant des siècles pour faire des fromages, et qui est un peu dommage", expliquait début mars à BFM Normandie la directrice de recherche au CNRS, Tatiana Giraud.

Une "uniformisation" de la production

La chercheuse explique que l'être humain a su "domestiquer les moisissures pour faire des bons fromages", assurant ainsi une diversité de goûts, de texture et d'aspect chez ce produit qui fait la renommée de la France.

Jusqu'au siècle dernier, par exemple, les camemberts et les bries étaient fabriqués à partir d'une moisissure qui leur donnait une couleur bleue.

"Le problème, c'est que récemment, il y a eu une uniformisation", poursuit Tatiana Giraud. "Il y a un chercheur qui a isolé un mutant albinos, qui n'était plus capable de produire du pigment, et qui donnait des camemberts et des bries tous blancs."

Une couleur qui a donné au fromage un aspect plus attractif que celui de la moisissure bleue, et qui s'est donc répandue chez les producteurs. "Tout le monde s'est mis à utiliser ce mutant, mais du coup, c'est un seul individu, qu'on utilise pour le brie et le camembert."

"Pas de risque à court terme"

Avec cette étude publiée en janvier dernier, le CNRS a voulu "alerter sur l'uniformisation et la baisse de la diversité dans les micro-organismes qu'on utilise pour fermenter les aliments comme le fromage ou le saucisson."

Mais l'institut de recherche se veut toutefois rassurant sur l'avenir de ce fromage, particulièrement apprécié des Français. "Il n'y a pas de risque à court terme sur la production du camembert", assure Tatiana Giraud, qui souligne toutefois qu'il "y a une grande baisse de diversité génétique, ce qui peut poser des problèmes à assez long terme".

Mais la possibilité est toujours présente de se tourner de nouveau vers des productions de camembert plus "ancestrales", avec des fromages qui retrouveraient ainsi l'aspect qu'ils avaient autrefois.

"Le camembert AOP doit utiliser cette souche blanche, le penicillium camemberti, mais il utilise aussi d’autres ferments, d’autres bactéries, d’autres champignons. (...) Donc on pourrait imaginer pouvoir essayer de refaire des camemberts en ajoutant d’autres souches", conclut Tatiana Giraud.

Une bonne nouvelle, puisqu'en plus d'être le deuxième fromage préféré des Français (derrière l'emmental), il se vend chaque année un demi-milliard de camemberts dans le monde.

Pierre Barbin, Dominique Marie, Vincent Serron avec Laurène Rocheteau