Thomas Jolly : "Je crois qu'il n'y a pas de populaire sans exigence"

Acteur, metteur en scène de théâtre et d'opéra, directeur artistique des cérémonies d'ouverture et de clôture des futurs Jeux olympiques et paralympiques de Paris, Thomas Jolly est également l'ancien directeur du Centre dramatique national Le Quai à Angers.

Depuis le 10 février, sa mise en scène de  Starmania, le culte opéra rock créé par Michel Berger et Luc Plamondon en 1979 au Palais des Congrès est en tournée en France, en Suisse, en Belgique et au Canada. La chorégraphie est signée  Sidi Larbi Cherkaoui et l'accueil en tout lieu est triomphal. Connu pour être un virtuose de la scène contemporaine, Thomas Jolly a notamment mis en scène Marivaux, Sénèque, Sacha Guitry ou Shakespeare, grâce auxquels il remporte d'ailleurs un Molière pour la trilogie consacrée à Henri VI. Pour l'opéra, il a donné à voir Cavalli, Offenbach, Gounod et son célèbre Roméo et Juliette. Il est le noble partisan d'un théâtre populaire, intelligent, exigeant et total.

Ses débuts au théâtre

À Rennes, lorsqu'il était étudiant au sein de la prestigieuse école du TNB, dirigée à l'époque par Stanislas Nordey, ce dernier lui a dit : "Cela fait trois ans que tu es là. Je ne sais toujours pas qui tu es." Ça a été un déclencheur pour lui. "Ça m'a vraiment énormément blessé, ça m'a mis très en colère, mais ça m'a donné du coup l'énergie derrière de partir dans mon aventure à moi et de créer ma compagnie, mes spectacles. Et ce n'était pas prévu. Je voulais être un acteur, c'est tout. Et puis je me suis dit que j'allais aussi mettre en scène des choses et ça a commencé avec Marivaux. Et donc ça a vraiment été un déclencheur à ce que suis aujourd'hui."

Le théâtre, comme il le dit, lui a permis d'être mieux au monde, d'être un meilleur humain : "Avec le théâtre, je n'ai pas fui la réalité, au contraire, j'ai cherché à la comprendre. Je crois que le théâtre me sert à ça. Il me sert à décortiquer des natures humaines, à décortiquer des mécanismes sociétaux, politiques, amoureux."

Les Jeux olympiques

Il met en scène la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques. Comment procède-t-il ? "La première chose que j'ai voulu faire, c'est de réunir autour de moi des auteurs, des autrices venues d'univers très différents et ensemble, on a arpenté beaucoup les quais de Seine. On a beaucoup pris le bateau pendant l'hiver dernier et on s'est beaucoup enfermés dans une script room pour écrire le récit de ces cérémonies."

Pour lui, l'idée d'une cérémonie olympique, c'est quand même une photographie à un temps T d'un pays. Qu'est-ce que la France pour lui ? Thomas Jolly : "C'est cette multiplicité, cette richesse, cette diversité qui n'est pas seulement actuelle, qui est celle de son histoire, qu'on voit le long de la Seine, dans ces monuments qui la jalonnent. C'est rappeler que c'est un pays qui n'a de cesse d'être influencé par le monde qu'il traverse. Et moi, ça, je trouve que c'est plutôt très beau à dire."

Thomas Jolly, un fou de travail

Thomas Jolly travaille beaucoup. Il adore ça. "Est-ce que je suis workaholic ? Certainement, ça me tient. Je suis stimulé en permanence par ce que j'ai à faire. Les auteurs, les mots, les autrices me passionnent. La technique, le décor, j'aime tout. Il n'y a rien dans le théâtre que je n'aime pas. La technique, les perruques, les maquillages, les costumes. Je mets mon nez partout, dans la musique aussi. Tout me plaît parce que tout est comme une espèce de grande malle à jouer, avec des outils pour créer, pour composer. Je suis infatigable parce que je suis nourri en permanence et il n'y a pas vraiment eu de périodes de creux."

Les metteurs en scène, des imposteurs ?

Pour lui, les acteurs et actrices pourraient très bien se mettre en scène. D'ailleurs, le théâtre a plus de 2 000 ans. Le metteur en scène est arrivé il y a un peu plus de 100 ans, donc a priori pendant 1900 et quelques années, ils n'ont pas eu besoin de metteurs en scène.

Thomas Jolly raconte : "Je suis fasciné par Sarah Bernhardt, grande actrice, qui n'a eu besoin de personne. Elle joue des rôles d'homme ou de femme, peu importe. Elle a fait Hamlet, elle a fait Lorenzaccio et je me dis 'Waouh, quelle carrière !' Quelle implication d'elle-même, en tant qu'actrice dans les personnages, dans son parcours. Moi, je trouve ça fascinant."

Starmania, un succès phénoménal

Quelle était son idée quand il s'est lancé dans la grande aventure Starmania ? "Si on remonte Starmania, ce n'est pas pour refaire un tour de réchauffé. Il faut retourner à ce que c'était. Et donc assez rapidement, je me dis que les chansons sont très connues, mais visiblement, en fait, peu de gens savent l'écrin narratif dans lequel elles s'inscrivent."

Luc Plamondon lui a ouvert ses tiroirs. Thomas Jolly a eu entre les mains toutes les versions de Starmania. Il raconte qu'il a pu se réapproprier cette matière : "Starmania, c'est une matière qui reste élastique, qui reste poreuse."

Extraits diffusés : 
Au cours de cette émission, nous diffusons des extraits musicaux de la version originelle de Starmania, sous la direction de Michel Berger et de Luc Plamondon en 1978 : Le blues du businessman avec la voix de Claude Dubois et l'incontournable serveuse automate de Fabienne Thibeault avec Le monde est stone et Les uns contre les autres.

Nous pouvons également entendre les voix de Thomas Jolly et de Charline Porrone, respectivement Atrée et le Courtisan dans l'adaptation de Thyeste de Sénèque par Thomas Jolly en 2018. Un extrait du thème des Jeux Olympiques est diffusé : l’Hymne des jeux olympiques, créé par le compositeur grec Spýros Samáras sur des paroles du poète Kostís Palamás. Enfin, nous entendons également la voix de Pierre Gripari racontant une histoire, Gripari dont l'ouvrage Sept farces pour écoliers a marqué l'enfance du jeune Jolly.

Découverte de l'invité :
La découverte de Thomas Jolly est la version originelle du Rocky Horror picture show qui revient  en spectacle à Paris au Lido à partir du 27 février 2024.

Choix musical de l'invité :
Clara Ysé – L'Etoile

Programmation musicale : 
Daniel Balavoine – Quand on arrive en ville
Jorja Smith – Feelings (feat. J Hus)