Écrans et contrôle parental : "C'est la principale source de conflit" dans cette famille

Vigilants face aux risques des écrans, Agathe et Guillaume, du Havre (Seine-Maritime), imposent un contrôle parental à leurs deux garçons. Or, la mesure est source de conflit.

Chez la famille du Havre, les écrans sont
Chez la famille du Havre, les écrans sont « LA principale source de conflit » entre Guillaume, Gabriel, Arsène et Agathe. ©EG
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« Maman, il est où ton téléphone ? » C’est une question récurrente de Gabriel et Arsène lors des réunions de famille. Les garçons de 16 et 13 ans subtilisent le smartphone de leur mère pour s’ajouter du temps d’écran via l’application de contrôle parental. Et hop ! Disparition des deux garnements.

À ces occasions, leurs parents lâchent du lest. Sinon, les adolescents viennent quémander « cinq minutes » ou « dix minutes » quand tout le monde est à table.

Désaccord parents-enfants

Depuis leur entrée au collège et l’obtention de leur téléphone personnel, « ils ont toujours eu un contrôle parental », indiquent leurs parents Agathe, 41 ans, et Guillaume, 43 ans, qui ont recours à l’application Google Family Link. « Nous avons toujours été vigilants sur l’utilisation du téléphone. »

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Afin qu’ils puissent se concentrer sur les devoirs, ne pas se coucher tard, s’épanouir grâce à d’autres activités et plus généralement, vivre.

Mais au fil des années, les téléphones, mais aussi la télé, l’ordinateur et la console, ont pris une place de plus en plus grande chez cette famille habitant au Havre (Seine-Maritime). Les adolescents veulent toujours plus de temps d’écran et ne comprennent pas les limitations.

C’est LA principale source de conflit dans la famille.

Guillaume,Le père

« Je suis allé à Darty acheter un téléphone »

Dernier exemple en date, Arsène, en 4e, a récemment imaginé tout un stratagème pour se soustraire aux restrictions. « J’ai économisé 110 € et je suis allé à Darty acheter un téléphone pour ne plus avoir de contrôle parental. J’appelais mes amis jusqu’à 4 h du matin, c’était trop bien », avoue le collégien.

« Heureusement, on nous a demandé de signer un contrat d’assurance donc on a su », poursuit Agathe. En colère contre le magasin, les parents ont exigé le remboursement du smartphone.

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Au fur et à mesure qu’ils grandissent, ils laissent de plus en plus de temps d’écran à leurs enfants. Arsène a droit à deux heures de téléphone par jour et une heure de console quatre fois par semaine. « Au bout d’un moment, on s’autorestreint », argumente ce dernier, adepte entre autres de jeux mobiles et de TikTok, pour essayer de faire changer ses parents d’avis.

« Des heures et des heures d’utilisation »

Mais l’exemple de son grand frère Gabriel, 16 ans, vient démentir. À ses 15 ans, Agathe et Guillaume ont accepté d’essayer de le laisser gérer tout seul, sans contrôle. Le couple se remémore :

C’était vraiment catastrophique. Il n’y avait plus rien d’autre qui existait, c’était des heures et des heures d’utilisation toute la journée.

Agathe et Guillaume

Aujourd’hui, il est limité à 4 heures de cellulaire.

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Mais cela n’a pas empêché le jeune d’avoir un mot dans son carnet car il le regardait en cours. Autre problème, l’élève de Seconde a un ordinateur en classe en raison de légers troubles. « Et au lieu d’écouter en cours, il va sur Internet », déplore sa mère.

Vent debout contre les restrictions

Depuis un ou deux ans, ses notes périclitent. Travailler à la maison demande beaucoup d’efforts à Gabriel. Ne croit-il pas qu’il ferait mieux ses devoirs sans distraction ? « Non », balaye-t-il. Au contraire, il apprend via Internet :

Je trouve qu’il n’y a pas de problème, c’est mes parents qui voient un problème. Je me renseigne sur énormément de choses.

Gabriel

Difficile aussi d’avoir un temps d’écran limité à une époque où tous les jeunes l’utilisent comme moyen de sociabilité. « Mon téléphone, le plus souvent, il me sert à parler aux gens, à envoyer des messages et à aller sur Instagram et un peu sur TikTok », affirme-t-il. Le lycéen sort quand même le week-end pour rencontrer ses amis en chair et en os.

Les enfants d’Agathe et Guillaume affirment être les seuls de leurs classes à avoir des limitations. « À part moi, personne n’a de contrôle parental », pointe Arsène.

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Pour les ados, le problème, ce sont les parents, et ils cherchent en permanence des moyens de déjouer leur surveillance. « Si tu l’enlèves, le monde va devenir beaucoup mieux », marchande Arsène. « Le contrôle parental, tu ne sais pas l’utiliser et je le détourne », fanfaronne même l’enfant face à son père.

On a beau leur expliquer, on n’arrive pas à se comprendre autour de ces questions-là.

GuillaumeLe père

Les adultes leur partagent parfois des articles sur leur groupe de famille WhatsApp pour tenter de les sensibiliser. Arsène en profite : « Mais comment on va les lire si on n’a pas de temps d’écran ? »

Addiction et contenus choquants

Agathe parle même d’addiction : « Gabriel se réveille en plein milieu de la nuit pour aller sur les écrans en fourbe. » Puis rappelant à son cadet : « Quand on t’a dit stop pour Fortnite, tu as fait une crise comme un toxicomane ! »

De temps en temps, les garçons doivent bien reconnaître, à demi-mot, les aspects négatifs des réseaux sociaux, ou des jeux qui peuvent les pousser à dépenser de l’argent. Avant d’avoir l’âge minimum, Arsène a eu accès à TikTok et il a vu une vidéo choquante qui l’a perturbé.

Je ne cherche pas forcément des vidéos choquantes mais parfois des copains m’en montrent. J’ai déjà été choqué avant, mais maintenant moins.

Arsène

Avec un contrôle, il est aussi plus difficile de se laisser entraîner des heures par les algorithmes : « Quand je suis sur YouTube et que ça se bloque, je n’y passe que 15 minutes au lieu d’une heure et c’est bien. »

Trouver la juste dose

Gabriel et Arsène réussissent tout de même à avoir des centres d’intérêt en dehors des écrans. « Quand ils arrivent à couper, ils recommencent à vivre. Arsène fait de la peinture, vient nous voir… », se réjouit Agathe.

Pour elle et Guillaume, la négociation permanente est devenue très pesante au quotidien : « Quand on va chez des amis et qu’ils restent à la maison, ils nous appellent toutes les cinq minutes pour avoir du temps et on doit rentrer tôt car tant que l’on ne rentre pas, ils regardent la télé. »

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Les Havrais ne sont pas non plus dans la diabolisation. Le week-end, toute la famille regarde souvent un film, ce qui permet de passer un moment ensemble. Mais les parents, pourtant tous les deux travailleurs sociaux, se demandent ce qu’ils ont pu mal faire et regrettent le manque de prévention sur le sujet autrefois :

Toute la prévention contre les écrans qu’il y a aujourd’hui, on l’a eue tardivement pour Gabriel. Nous n’en avions pas entendu parler avant ses 3 ans, donc nous l’avons vachement autorisé à regarder les dessins animés, dès ses 2 ans. Aujourd’hui, on regrette de ne pas s’être assez informés et que les messages de prévention n’aient pas été assez répandus.

Agathe et Guillaume,Parents

Le couple estime en tout cas montrer le bon exemple par un usage raisonnable de leurs smartphones. Ils espèrent que leurs ados réussiront à dépasser cette phase sans qu’elle ait trop d’impact sur leur scolarité et sur leur avenir.

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