“La La Land”, sur Arte : notre sélection des dix meilleures chorés brinquebalantes du cinéma

À l’occasion de la diffusion de “La La Land”, la superbe comédie musicale de Damien Chazelle, ce dimanche soir à 21 heures sur Arte, voici une compilation de dix scènes irrésistibles où les gens dansent mal mais où les sentiments valsent.

Emma Stone et Ryan Gosling dans « La La Land ».

Emma Stone et Ryan Gosling dans « La La Land ». Black Label Media/Gilbert Films/Impostor Pictures/Marc Platt Productions

Par Joseph Boinay

Publié le 24 mars 2024 à 21h00

Cest un fait : dans la comédie musicale de Damien Chazelle, La La Land, Ryan Gosling et Emma Stone, un peu amidonnés, ne brillent pas par leur sens des arabesques et des sauts de chat. Qu’importe : c’est ce qui fait leur charme ! Ça nous a rappelé d’autres moments un peu gauches mais irrésistibles du cinéma. Oubliez les cracks de Sexy Dance, les claquettes de Gene Kelly, ​​Fred Astaire et Ginger Rogers, le body noir de Jennifer Beals (Flashdance) ou le déhanché endiablé de Patrick Swayze (Dirty Dancing), ici on n’a affaire qu’à des amateurs aux pieds carrés, des anonymes infoutus de distinguer un pas chassé d’une espèce en voie de disparition. Bref : le commun des mortels. Et c’est justement là toute la vertu de ces petites danses maladroites : substituer la simplicité des corps à la chorégraphie tatillonne, libérer les affects, pourquoi pas dénouer le nœud d’une intrigue ou celui qui nous étouffe. Occasion de scènes drôles ou touchantes qui, souvent, donnent le la du souvenir qu’on garde du film (ou de la série). Voici dix scènes où les interprètes dansent n’importe comment… pour notre plus grand plaisir !

“La vie est belle”, de Frank Capra

Sous le plancher, la plage. James Stewart et Donna Reed n’y connaissent rien au charleston mais sont si heureux de se retrouver qu’ils se lancent sur la piste comme des morts de faim, et cet enthousiasme dans la maladresse est enchanteur. Il y a toujours un moment chez Capra où il faut se libérer (du mensonge, de la pudeur, de la timidité), se jeter à l’eau. Moment où, généralement, le spectateur lâche les (l)armes. Ça tombe bien : sous le parquet du bal se cache une piscine…

“À bout de course”, de Sidney Lumet

C’est un havre de joie dans une vie d’errance forcée : pourchassés par le FBI après avoir protesté de façon un peu trop brutale contre la guerre du Viêt Nam, les Pope ne se posent jamais vraiment. Sauf le temps de cet anniversaire, où Judd Hirsch envoie Fire and Rain de James Taylor avant d’improviser quelques pas de danse rudimentaires avec femme et enfants. Un moment suspendu hors du temps, où on a presque l’impression de revivre une hypothétique fête avec notre propre famille. Bouleversant.

“The Breakfast Club”, de John Hughes

Dans le fameux huis clos de John Hughes, cinq lycéens sont en retenue dans leur lycée. C’est un peu l’idée platonicienne du teen movie, la quintessence du genre : après que tous les antagonistes se sont affrontés (l’ado rebelle, la bourgeoise, l’intello, le sportif…), il y a enfin la concorde, comme un passage à l’âge adulte. D’abord manifesté par un ultime rituel : une danse salvatrice, furieuse, à hue et à dia. Peu importe que la synth pop de Karla Devito paraisse aujourd’hui un peu ringarde, on aurait presque envie de les rejoindre, revivre une dernière fois… ces premières fois.

“Love, Actually”, de Richard Curtis

Bon, on est d’accord, la comédie romantique culte de Richard Curtis a bien mal vieilli. Reste que dans ce film choral au sexisme et à la grossophobie aujourd’hui problématiques, subsistent quelques moments de bravoure intemporels, notamment lorsque Hugh Grant, ici en Premier ministre britannique, se lâche dans un petit solo ridicule au son de Jump (For My Love) des Pointer Sisters… Il s’en passe des choses à Downing Street !

“Quatre Aventures de Reinette et Mirabelle”, d’Éric Rohmer

On n’allait pas vous rejouer la scène culte des Nuits de la pleine lune (tout le monde la connaît), ni celle de Pauline à la plage, ni toutes les fois qu’il s’agit d’illustrer la saison des amours dans le cinéma de Rohmer. Dans le magnifique Quatre Aventures de Reinette et Mirabelle, la scène de danse entre la fille des villes et la fille des champs (thème récurrent du cinéaste), est d’une beauté pure, d’un dépouillement extrême : ce sont les derniers mouvements du corps avant que le monde se taise. Bientôt viendra l’heure bleue, réponse bucolique au rayon vert, plus balnéaire, mais même expression de la béatitude quand le verbe est interdit.

“L’Arnacœur”, de Pascal Chaumeil

OK là on triche un peu parce qu’on avait promis de ne pas citer Dirty Dancing. Mais il faut quand même reconnaître que les gesticulations, l’imitation presque simiesque de Patrick Swayze par Romain Duris dans cette séquence de L’Arnacœur, est proprement hilarante. Évidemment, ça retombe assez rapidement dans le romantisme premier degré avec Vanessa Paradis, mais les quelques secondes où on imagine le papa du Règne animal en Johnny Castle, le prof de danse de « Bébé », il est bien difficile de réprimer un rire.

“Les Amours imaginaires”, de Xavier Dolan

Le plus chic de la bande. Dans Les Amours imaginaires, Niels Schneider, probablement ivre mort, s’étire de façon erratique plus qu’il ne danse. Mais par la grâce d’un stroboscope et de regards désirants, il finit par se transformer en véritable dieu grec. Ou comment l’amour de Xavier Dolan et Monia Chokri agit comme un sortilège, figeant l’acteur en statue. On est déjà conquis mais avec Pass This On, The Knife donne envie de finir la nuit par des bacchanales au Rex Club.

“Maine Océan”, de Jacques Rozier

On aurait pu mettre Adieu Philipine, du même Rozier, mais ça danse presque trop bien. Ici on découvre médusés un Bernard Menez en feu : d’abord contrôleur un peu raide, l’acteur échoue sur l’île d’Yeu et se proclame roi de la samba, le temps d’une nuit, enguirlandé comme un sapin de Noël… avant un réveil difficile, à courir seul sur le sable : la vie, quoi. Une des plus belles parenthèses de l’histoire du cinéma.

“Bande à part”, de Jean-Luc Godard

Ils sont smart, ils sont élégants, mais quand même. Les trois pas de danse que répètent inlassablement Anna Karina, Claude Brasseur et Sami Frey dans ce café parisien chic ressemblent furieusement aux soirées madison qui se jouent dans les salles des fêtes picardes tous les week-ends. Oui mais voilà, le commentaire de Godard en voix off, le noir et blanc sompteux de Raoul Coutard et cette chorégraphie rudimentaire qui n’en finit pas, comme une litanie, jusqu’au vertige, ont des accents d‘éternité.

“Mercredi”, d’Alfred Gough et Miles Millar

Une série pour finir. Dans cette production Tim Burton, l’actrice Jenna Ortega a enflammé la toile avec sa danse gothique, assemblage de mouvements désarticulés repris des dizaines de milliers de fois sur les réseaux. Complètement improvisées sur l’air de Goo Goo Muck, des Cramps, dans un état de fatigue avancé (la comédienne avait le covid pendant la prise, ce qui a créé une intense polémique), les saccades inspirées de Siouxsie Sioux, Bob Fosse ou Denis Lavant (excusez du peu) ont pourtant trouvé leur public : la preuve qu’il ne faut pas être forcément danseuse étoile pour briller et enflammer le dance floor.

La La Land, dimanche sur Arte, à 21h.

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