(Vancouver) Le 2 mars dernier, les Canucks mettaient un terme à un des feuilletons les plus intrigants de la saison. Après des semaines de rumeurs et d’incertitude, ils s’entendaient pour huit ans avec le prolifique attaquant Elias Pettersson.

Ce faisant, les Canucks confirmaient que leur noyau à moyen terme serait construit autour de Pettersson, J.T. Miller et Quinn Hughes, tous liés à l’équipe jusqu’à 2027 ou plus tard.

Mais elle a aussi fait en sorte que la longue histoire d’amour entre la Suède et les Canucks se poursuivra.

« Ils ont eu les Sedin, Jacob Markström, Eagle [Alexander Edler] et maintenant Petey [Elias Pettersson]… Ils ont toute une mafia suédoise ! », observait récemment l’attaquant du Canadien Tanner Pearson.

Ce n’est pas une hallucination. Selon des données transmises à La Presse la semaine dernière par la LNH, les Canucks sont l’équipe qui compte le plus de matchs joués par des Suédois dans l’histoire du circuit. Si on voulait faire de l’esprit de bottine, on dirait que les Suédois font partie des meubles à Vancouver. Mais nous n’irons pas là.

Matchs joués par des Suédois dans l’histoire de la LNH (en date du 10 mars)

  • 1. Canucks de Vancouver : 9147
  • 2. Red Wings de Detroit : 9079
  • 3. Rangers de New York : 6217
  • 4. Maple Leafs de Toronto : 5211
  • 5. Capitals de Washington : 4915
  • Rang inconnu – Canadien de Montréal : 1865

Avec 2636 matchs combinés, Henrik et Daniel Sedin expliquent en partie ces données. Mais le phénomène a commencé bien avant les jumeaux. En 1978, au moment où seulement 13 Suédois, dont le grand Börje Salming, avaient sillonné les patinoires de la LNH, les Canucks ouvraient leurs portes à un quatuor, mené par Thomas Gradin.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Henrik Sedin et Daniel Sedin ont disputé respectivement 1330 et 1306 matchs en carrière, tous avec les Canucks de Vancouver.

L’arrivée de ces Suédois, et d’Européens en général, suscitait une certaine curiosité, se souvient le chroniqueur à la retraite Tony Gallagher.

« Les gens étaient curieux de tout, car l’équipe était assez lamentable, lance Gallagher au bout du fil. André Boudrias avait eu quelques bonnes années, et c’était tout. Et là, Thomas Gradin débarque, il patine comme le vent, même s’il n’était pas le meilleur pour marquer, au début. Si les Canucks ont atteint la finale en 1982, c’est beaucoup grâce à lui et à Richard Brodeur. Ce succès a en quelque sorte légitimé les Suédois à Vancouver. »

Naslund, Edler, Sedin…

Gallagher rappelle toutefois qu’entre Gradin, les Sedin et Pettersson, d’autres joueurs ont assuré une continuité.

PHOTO BOB FRID, USA TODAY SPORTS

Elias Pettersson

« Lars Molin, un bon ailier défensif, s’est aussi joint à l’équipe et il était là lors des séries 1982. Et en 1980, ils ont repêché Patrik Sundström au 9e tour, probablement un des meilleurs choix de l’histoire des Canucks. Depuis, les Suédois ont toujours été les bienvenus et ça a commencé parce qu’ils ont eu du succès avec eux dès le départ. »

Les origines de cette filiation échappent à bien des intervenants. Pearson et Alex Burrows, entraîneur adjoint chez le Canadien, n’avaient aucune explication quant à ces liens serrés entre Stockholm et Vancouver.

« Gradin a joué et a ensuite travaillé pour l’organisation, et c’est lui qui a convaincu Brian Burke de tenter d’obtenir les jumeaux Sedin, rappelle le journaliste suédois Uffe Bodin. Mattias Öhlund a connu du succès, Markus Näslund a été capitaine. »

Je pense que l’organisation est très à son aise avec les Suédois. Et maintenant, avec un Suédois, Patrik Allvin, comme DG, ils ont probablement plus d’informations sur ces joueurs.

Uffe Bodin, journaliste suédois

Burrows, fin observateur du hockey, a d’ailleurs rapidement souligné que les deux derniers choix de 1er tour des Canucks, Tom Willander et Jonathan Lekkerimaki, viennent du pays de Yaki-Da. Sauf que ce lien n’est pas non plus le fait d’un seul administrateur ; Pat Quinn et Jim Benning, pour ne nommer qu’eux, pigeaient également en Suède.

Tony Gallagher tente une piste. « À Vancouver, tu peux vivre dans le climat de ton choix. Tu peux aller au sud où c’est chaud. Ou tu peux aller à North Vancouver, dans les montagnes, et avoir de la neige. Plusieurs joueurs habitaient là à l’époque. Les Suédois ont souvent eu du succès à Winnipeg et au Minnesota, dans des climats similaires au leur. » Pour vous éviter la recherche, nommons Thomas Steen et Fredrik Olausson à Winnipeg, Ulf Dahlen et Jonas Brodin au Minnesota.

Ça varie d’une province à l’autre, mais je pense que les Suédois ont plus en commun avec les Canadiens qu’avec les Américains. Donc je pense qu’un Suédois va mieux s’intégrer à la société canadienne, où les gens sont plus détendus et terre à terre.

Uffe Bodin

Curieusement, cette longue tradition ne fait pas des Canucks une des équipes les plus populaires en Suède, selon Bodin, qui y couvre le hockey depuis deux décennies. Il nomme les Red Wings (Nicklas Lidström), les Maple Leafs (Börje Salming, Mats Sundin et William Nylander), les Rangers (Henrik Lundqvist) et l’Avalanche (Peter Forsberg).

Et le fait qu’ils aient un DG suédois ? « Même quand il a été promu chez les Penguins, plusieurs gens se demandaient tout simplement : qui est ce gars ? Parce qu’il n’a pas connu une très grande carrière de joueur. »

Ces filières de joueurs selon les pays demeurent fascinantes à étudier. Dans le cas précis de la Suède, on s’étonne de constater que hormis Mats Näslund, le Canadien n’a jamais vraiment exploité cette filière. Vous voulez torturer un partisan du Canadien ? Demandez-lui de nommer qui suit Näslund au chapitre des matchs joués par un Suédois dans l’histoire du club. Réponse en fin de texte.

Sauf que comme le rappelle Tony Gallagher, historiquement, la recette des Canucks n’a pas nécessairement été meilleure que celle du CH, même si les 31 ans sans Coupe Stanley pèsent lourd à Montréal.

« Regarde le nombre de Coupes Stanley de Montréal et de Vancouver, lance Gallagher. C’est un assez bon indicateur ! »

Réponse : Peter Popovic (303 matchs), Andreas Dackell (212) et Kjell Dahlin (166).