Poésie et chaos du monde, avec Dominique Fourcade

La poésie meurt si elle n'est pas branchée sur la stridence de l'actuel. C'est le risque, l'urgence et la nécessité du livre au programme de votre "Book Club" aujourd'hui. Le poète Dominique Fourcade, ébranlé par la survenue de la guerre entre Israël et le Hamas, se lance en octobre 2023, dans l'écriture d'un texte pris dans le contexte. Un texte qui ne cesse de chercher à se situer, bouge tout le temps, un poème en cours, pareil "à une composition bourrée d'explosifs". C'est l'auteur lui-même qui le dit. Il est notre invité pour son livre  Ça va bien dans la pluie glacée ? paru aux éditions P.O.L, un long poème où tout arrive en même temps, la guerre, une exposition sur les valises de Jean Genet, une autre exposition sur l'art contemporain en Palestine, Emily Dickinson, Neige Sinno, et la presque phrase de Kafka devenue aphorisme dans une approximation de traduction : "écrire c'est faire un bond hors du rang des meurtriers."

Un livre sans début ni fin, mais tout en rythme et en scansion

"Je ne fais pas de l'architecture, je ne fais pas de la chorégraphie, je fais de l'écriture, et c'est un exercice qui implique de la musique, donc je compose avec mes moyens les plus modestes de la musique et je la compose de la façon la plus ouverte afin qu’elle puisse être entendue à tout moment. C'est un livre qui n'a ni début ni fin, ou qui espère, en tout cas, n'avoir ni début ni fin, et qui espère accomplir ceci : pouvoir être lu. À tout moment, on peut passer d'un bloc à un autre, on peut interrompre un bloc, et passer tout de suite à un autre. En fait, il y a une intercommunicabilité des différents constituants du livre. Mais si, dans ce livre, il n’y a ni début ni fin, il y a quand même un rythme et une scansion, d’ailleurs, je pense qu'il n'y a pas d'écriture digne de ce nom sans rythme et sans scansion.", explique Dominique Fourcade.

Des livres comme les personnages d’un grand roman

"Quand j'étais tout jeune et que je commençais à publier des livres, autour de moi, il y avait des amis qui me voulaient du bien qui me disaient : "tu as l’air d’avoir un peu de talent, tu pourrais écrire des romans plutôt que de la poésie". Ça me rendait furieux, parce que je pensais que ce que j’avais à dire, je ne pouvais le faire qu’avec les codes de la poésie. C’était une erreur complète, mais je ne le savais pas à l’époque. C'est vraiment dans la deuxième partie de ma vie d'écrivain que j'ai compris que d'abord, une dimension romanesque ne cessait de grandir à l'intérieur de ce que je faisais, que les différents livres que j'ai écrits et publiés sont des personnages d'un grand roman, qui est composé de l'ensemble de mes livres, et qui entretient une relation romanesque, des relations d'amour, des relations d'enfantement, des relations d'éloignement, des relations passionnelles totales, que tout cela joue constamment avec la vie et la mort, et que jouer avec ça, c'est un des exercices, une des pratiques du roman.", se souvient Dominique Fourcade.

Le grand Jeu des pages musicales

Comme chaque jour en fin d’émission, l’heure est venue de jouer à notre grand jeu des pages musicales. Pour jouer avec nous, c’est très simple : si vous repérez, au gré d’une de vos lectures, un passage qui évoque un morceau de musique, prenez-le en photo ou relevez le texte par écrit, et envoyez-le-nous via le compte Instagram de l’émission ou sur notre mail "lebookclub@radiofrance.com".

La trouvaille aujourd’hui nous vient de Laurence alias @ lautllc. Il s’agit d’un passage du livre de Philip Roth, Némésis (Gallimard, 2012)

Archive

Edmond Jabès, émission Entretien avec, France Culture, 1975

Références musicales

Jean Sebastien Bach, Ricercare à 6 voix dans l'orchestration de Webern, puis dans une réduction au piano par Tatiana Nicholaieva

Johanna Beyer, Music of the Spheres

Billie Holiday, I’ll be seeing you

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