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"Les enfants seront perdants" : 140 agents de la protection de l'enfance rassemblés à Laval contre la territorialisation

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Environ 140 personnes se sont réunies à Laval devant l'hôtel du département ce jeudi. Une réforme de territorialisation de la protection de l'enfance est prévue dès novembre, les agents déplorent l'impact négatif sur les enfants et le manque de clarté de cette réorganisation.

Environ 140 agents de la protection de l'enfance ont manifesté devant l'hôtel du département ce jeudi 28 mars. Environ 140 agents de la protection de l'enfance ont manifesté devant l'hôtel du département ce jeudi 28 mars.
Environ 140 agents de la protection de l'enfance ont manifesté devant l'hôtel du département ce jeudi 28 mars. © Radio France - Marine Clette

"On a le sentiment de se faire piétiner." Les mots sont à la hauteur de l'amertume ressentie par les agents mayennais de la protection de l'enfance. Le Conseil Départemental, en charge du millier d'enfants placés en Mayenne, vient de leur annoncer une réorganisation des services. Environ 140 agents, soit la quasi-totalité des effectifs, ont manifesté leurs préoccupations devant l'hôtel du conseil départemental ce jeudi 28 mars.

Au cœur des changements : la mise en place d'une territorialisation, avec des agents géographiquement situés selon l'emplacement des familles d'accueil. Pour le moment, ils sont rattachés à une "situation familiale" et en contact avec les parents des enfants. Sur le fond et sur la forme, cette réorganisation ne passe pas.

Une territorialisation opaque et précipitée

La forme d'abord. Pour beaucoup, la réorganisation a été brutale : "Certains ont appris que leur poste était supprimé lors d'une réunion, en regardant le nouvel organigramme", affirme un agent, "on ne sait même pas où l'on sera replacés". Juste à côté dans la manifestation, cette éducatrice spécialisée est dépitée. "J'ai du mal à trouver du sens dans ce que je fais actuellement. Je ne vois pas où va être l'avenir et où va être la plus-value pour les enfants. Nous, on travaille avec la famille, avec les parents principalement. Et là, dans le projet qui est prévu, ce n'est plus du tout le cas. J'ai l'impression que l'on est face à des personnes qui ne savent pas quel métier on fait".

Les agents présents déplorent une réorganisation décidée "précipitamment" et "sans concertation, sans venir nous voir sur le terrain." "Ce qu'on est en train de vivre, on n'a jamais vécu ça", tranche une assistante sociale, "c'est violent".

Et c'était sans compter les questions sans réponse pour les familles d'accueil : "Ça s'est fait de force, sans nous concerter". Betty est famille d'accueil à Cossé-le-Vivien. "Lorsque l'on change de référent, on recommence tout, on doit tout réexpliquer. C'est un travail de confiance avec les enfants. Ils ne vont pas se confier comme ça, du jour au lendemain."

Même inquiétude chez Lydia, elle accompagne trois enfants placés depuis 15 ans. "Tout ça, ça engendre du mal-être chez tout le monde. Aussi bien les référents que nous, les familles d'accueil et puis chez les enfants à qui on n'apporte pas de réponse". Et les conséquences de cette situation sont claires. "Si un jour les enfants partent, rentrent chez eux, je ne sais pas si je continuerai ce métier. Je me poserai la question", confie Lydia.

"Je vais perdre des enfants avec qui je travaillais depuis 15 ans"

Le fond fait en effet également grincer des dents. Avec cette territorialisation, les agents seront donc répartis selon l'emplacement des familles d'accueil, un dispositif inédit en France. Pour le moment, les agents s'occupent des enfants, des familles ou structures d'accueil, mais ils sont aussi au contact des parents. "L'idée, c'est toujours que l'enfant retourne dans sa famille lorsque c'est possible", souffle-t-on dans le rassemblement. La nouvelle organisation éloigne donc les agents des parents.

Par ailleurs, certaines communes, comme Laval, ne présentent pas de famille d'accueil. Nombre de référents vont donc devoir aller s'occuper d'autres enfants. Un agent témoigne : "Sur les 35 situations dont je m'occupe aujourd'hui, je vais perdre 30 enfants. La plupart, je les suis depuis qu'ils sont bébés, certains depuis plus de dix ans. Et ça, on s'en fout complètement  ! De tout l'impact, de ce que je représente dans leur histoire. Qui va leur raconter tout ça ?" La vice-présidente du département, Nicole Bouillon, assure que la séparation sera seulement géographiquement. "Dans ce projet, nous avons mis en place un dispositif pour laisser un lien entre le référent et les parents".

Pour autant, les agents ne sont pas convaincus "Les enfants n'auront plus de fil rouge ! Ils vont changer de référents dès qu'ils changeront de structures d'accueil, et beaucoup sont concernés." Par ailleurs, les fratries dont les enfants ne sont pas hébergés au même endroit n'auront plus le même référent. Pour le conseiller de l'opposition Antoine Leroyer, la santé même des enfants est en jeu. "Il faut avoir en tête que ce sont des enfants dont la vie est déjà bien cabossée. Ils arrivent avec cela et du jour au lendemain, ils changent de référent. Cela crée de l'insécurité et surtout du désordre psychique. Et ça on le déplore." De son côté, le département affirme agir "pour le bien de l'enfant" et pour permettre aux référents d'être "plus présents" au sein des familles d'accueil. La majorité affirme qu'elle apportera des réponses concrètes avant cet été et que le département reste ouvert à la discussion, pour "construire un projet commun".

Retrouvez la manifestation en photo

Environ 140 agents de la protection de l'enfance ont manifesté devant l'hôtel du département ce jeudi 28 mars.
Environ 140 agents de la protection de l'enfance ont manifesté devant l'hôtel du département ce jeudi 28 mars. © Radio France - Marine Clette
Environ 140 agents de la protection de l'enfance ont manifesté devant l'hôtel du département ce jeudi 28 mars.
Environ 140 agents de la protection de l'enfance ont manifesté devant l'hôtel du département ce jeudi 28 mars. © Radio France - Marine Clette
Environ 140 agents de la protection de l'enfance ont manifesté devant l'hôtel du département ce jeudi 28 mars.
Environ 140 agents de la protection de l'enfance ont manifesté devant l'hôtel du département ce jeudi 28 mars. © Radio France - Marine Clette

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