Penny’s Big Breakaway - Critique

Le jeu au physique de plateformer

Dans ce monde - et cette économie - où tout va trop vite, je peux m'offrir deux choses sans fausse modestie : Sonic est mon pré-carré et je suis bon en jeux de plate-formes. J'espère pouvoir imputer à une sortie discrète le fait que j'apprenne deux semaines après sa sortie l'existence de Penny's Big Breakaway, nouvelle création du studio Evening Star et de Christian Whitehead, papa de Sonic Mania. C'est dispo sur toutes les plateformes et si vous vous situez dans le même diagramme de Venn, j'ai une excellente nouvelle. Sinon, ce titre pourtant inspiré pourrait vous laisser sur le carreau : il a du mal à s'expliquer. Je vais le faire pour lui.

Revenons en arrière un para ou deux : la parenté avec Sonic Mania est importante. Si vous n'avez pas encore découvert ce qui demeure le meilleur opus "moderne" de la saga, sachez qu'il fait montre d'une grande compréhension de ce qui a plu dans la trilogie originale du hérisson véloce sur Megadrive. Whitehead, 31 ans, a manifestement été biberonné à la plate-forme. Et le temps de se construire un imaginaire, il a probablement acheté une PS2 et/ou une Dreamcast et a pu s'éclater sur cette poignée de jeux peu connus, mais qui se sont tous démarqués artistiquement - je pense, par exemple à Super Magnetic Neo qui, dans le genre "plate-forme couloir", a mieux compris ce qu'était une collision que toute la saga Crash Bandicoot.

Et je prends cet exemple précis aussi pour la direction artistique, graphique comme musicale, de Penny. Après cet imaginaire s'est construit un genre, aujourd'hui disparu, et ravivé le temps d'un titre, tel le John Hammond de la plate-forme 3D. Cette résurrection mâtinée d'influences modernes est de bon aloi, montre quelques idées de gameplay, pose un univers sagace au postulat suivant.

Penny est une artiste de talent et se rend au gala annuel de l'Empereur Eddie pour performer avec son tout nouveau yoyo animé, chaînon manquant entre le chien et le jouet Bandai trop cher (souvenez-vous). Elle grille joyeusement tout le royaume et désape malencontreusement l'Empereur qui, tout enduit de honte et de son calbute à coeurs, lance les manchots-policiers du royaume à sa poursuite. Vous avez onze mondes à parcourir pour fuir, sauver votre honneur, changer les lois et votre casier judiciaire, et pour restaurer la paix des peuples. Et ce résumé était beaucoup trop détaillé.

À vous de parcourir onze mondes tous très identifiables, typiques de la plate-forme à papa - ville ♫ mer ♫ volcans ♫ sable ♫ glace ♫ espace ♫ ounse ounse ounse. Plus un délicieux "monde des bains" et autant d'environnements qui pourraient tout à fait sortir d'un jeu des années 2000, modulo les 120 FPS. À chaque fois, trois niveaux en moyenne, un boss assez dispensable un round sur deux, et toujours trois collectibles et trois sous-quêtes jamais planquées avec malice. Ces derniers permettent de débloquer des niveaux dédiées à la plate-forme pure, façon Mario Sunshine, et seul le dernier devrait vous résister un peu car oui, il vous apprendra qu'on peut faire du wall jump. Vous ne le saviez probablement pas !

Hardi petit, nous entrons dans le coeur du sujet. Toute la panoplie de mouvements de Penny tourne autour de son yo-yo, que vous lancez à tout-va, soit avec un joystick pour donner une impulsion dans une direction précise, soit avec un bouton pour un coup automatique. Le premier mouvement d'une gamme dont l'usage premier est la vitesse : dash, impulsion dans le vide, boost pour se servir du yo-yo comme d'un véhicule. Impossible d'éluder la comparaison avec Cappy de Mario Odyssey - objectif hypermobilité et vitesse, mais surtout enchaînements. En théorie, vous disposez d'un grand air control où il reste toujours un coup de secours pour vous sauver.

Aide-moi à t'aider

Une philosophie manifeste quand elle s'articule à un ensemble de signes : si vous n'utilisez pas le yo-yo, Penny est affreusement lente, l'appréciation des distances et la compréhension de votre position d'atterrissage est toujours nébuleuse (c'est un éternel problème pour le dash, omniprésent) et vous aurez toujours une armée de manchots grouillants aux trousses, qui vous retirent un point de vie s'ils sont cinq à vous retenir. Enfin, l'absence de ledge grab, qui s'explique peut-être avec la caméra rail.

À l'inverse, vous avez un score, un compteur de combos, et des espaces agrandis qui vous permettent de Tony Hawk Pro Skater les niveaux d'une traite - ce qui par ailleurs allèche sur la perspective de futurs speedruns, surtout avec un jeu qui manque un brin de polish et peut encourager le out of bounds.

Bref tout ça pour vous dire que le joueur lambda ne s'y reconnaîtra pas puisque le jeu lui impose une philosophie de gameplay qu'il a du mal à dérouler - il mise sur une approche empirique, par la force, mais le déclic pourrait ne jamais venir. Il peut être authentiquement utile de regarder un niveau en let's play ou de diffuser ce genre de littérature pour prévenir un achat déçu frame 1 : avec Penny's Big Breakaway, ça passe ou ça casse.

C'est dommage, car la fondation d'un très bon jeu est manifeste, ses dialogues sont amusants en diable, il est même pétri de bons moments et d'idées qui enrichissent un univers original et cohérent. Les fameux manchots sont un exemple (peut-être sont-ce des pingouins d'ailleurs, tant pis pour le Pulitzer), les fins de niveaux sont un amusant hommage au drapeau de Mario en trois dimensions, et le tout est servi dans un écrin coloré, repoussant pour d'aucuns, charmant pour les nostalgiques. Tee Lopes envoie quelques bonnes pistes au son.

Et sachez que Penny's Big Breakaway peut même se targuer d'avoir un boss final contre-intuitif et un peu hors sujet. Les chiens ne font pas des chats, si ce n'est pas une preuve de parenté avec Sonic, je ne sais pas ce que c'est.

Verdict

Le bébé hybride de Mario et Sonic a gardé l'air control du premier, et le peps du second. Hélas, l'acte de naissance manque d'un manuel et le tout pourrait inutilement mettre sur le carreau une portion congrue de joueurs : Penny's Big Breakaway impose son style, c'est la bonne et la mauvaise nouvelle. C'est d'ailleurs le nom d'un niveau : le jeu est un /aquired taste/.

Dans cet article

Penny’s Big Breakaway

Evening Star | 21 février 2024
  • Plate-forme / Sujet
  • PS5
  • NintendoSwitch
  • PC
  • XboxSeries

Test: Penny's Big Breakaway

7
Bon
Armé de bonnes intentions et d'une direction artistique sagace, Penny laissera un joueur sur deux sur le carreau. Ils rateront un univers original et plaisant, mais on ne pourra pas les blâmer.
Penny’s Big Breakaway
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