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L’éclipse du 8 avril: au-delà de la prudence, une célébration de la science

Le 8 avril prochain, le Québec se positionnera sous les projecteurs d’un évènement astronomique hors du commun: une éclipse solaire totale. Un phénomène d’une telle ampleur, où la Lune se glisse entre la Terre et le Soleil, plongeant plusieurs régions du Québec dans l’ombre pour quelques instants magiques, mérite une préparation et une célébration à la hauteur de son caractère unique et spectaculaire. Pourtant, la gestion de cet évènement par les autorités semble osciller entre retard et prudence excessive, compromettant l’occasion en or d’en faire une véritable fête de la science et de l’apprentissage pour plusieurs Québécoises et Québécois.

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Un message tardif et alarmiste

La publication des recommandations par le gouvernement du Québec quelques semaines seulement avant l’éclipse est, pour les milieux éducatif et scientifique, source de perplexité. Cette communication tardive limite sévèrement le temps disponible pour les écoles, les garderies et autres institutions pour se préparer à cet évènement d’envergure.

De plus, l’emplacement de cette annonce sous la bannière «Situations d’urgence, sinistres et risques naturels» sur le site du gouvernement met démesurément l’accent sur les risques, qui sont en réalité infimes.

Informations essentielles et sécurité

La page d’information du gouvernement offre une description correcte de l’éclipse, soulignant à grands traits les dangers d’une observation non sécurisée et insistant sur le fait que les méthodes d’observation par projection sont préférables à l’observation directe avec des lunettes pour éclipses, qui sont pourtant très sécuritaires. De plus, elle manque d’insister sur des points cruciaux, tels que la vérification de l’homologation des lunettes d’éclipse (qui doivent répondre aux nombreux critères de la norme ISO-12312-2:2015 pour être sécuritaires) et donne des consignes confuses sur l’utilisation de ces lunettes durant la totalité de l’éclipse. Ces informations partielles ou inexactes ont déjà causé beaucoup de confusion auprès de la population québécoise, notamment dans les centres de services scolaires.

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Des recommandations éducatives limitatives

Les orientations du ministère de l’Éducation, qu’on peut trouver à la suite d’un document qui reprend essentiellement le contenu du site gouvernemental, sont quant à elles carrément contradictoires. On incite d’une part à éviter les activités extérieures durant l’éclipse et, d’autre part, on encourage l’observation du phénomène, notamment avec les lunettes d’éclipse certifiées. Ces recommandations, bien que guidées par un souci bienveillant de sécurité, témoignent d’une certaine méfiance envers la capacité des enseignant·e·s à encadrer une observation sécuritaire et éducative de l’éclipse, passant ainsi à côté d’une occasion précieuse d’apprentissage vivant. De plus, cela prive des dizaines de milliers de jeunes d’une observation encadrée et sécuritaire de l’éclipse à l’école.

Un manque de confiance regrettable

L’expérience réussie de l’éclipse totale de 2017 aux États-Unis, où une campagne d’information bien menée a permis à des centaines de millions de personnes d’observer l’éclipse sans incidents majeurs, contraste fortement avec l’approche adoptée au Québec. Cela soulève aussi des questions sur la confiance accordée par nos dirigeants à la population et aux professionnel·le·s de l’éducation pour gérer de manière responsable et sécuritaire l’observation de ce phénomène naturel.

Impact des recommandations tardives et alarmistes sur les initiatives éducatives

La communication tardive et teintée d’alarmisme du gouvernement a eu des répercussions directes sur les initiatives éducatives préparées avec enthousiasme par les acteurs de l’éducation. Des sorties éducatives et activités extérieures, soigneusement planifiées par des enseignants et enseignantes des centres de services scolaires, ont été annulées à la dernière minute, privant ainsi les élèves d’expériences d’apprentissage significatives autour de cet évènement astronomique unique. Ces annulations reflètent la confusion et l’incertitude engendrées par les recommandations gouvernementales tardives et la classification de l’évènement comme une situation d’urgence.

De plus, les initiatives louables de plusieurs organismes, notamment «À la découverte de l’univers», qui visait à outiller les enseignant·e·s par des formations spécifiques sur l’éclipse et à fournir des lunettes d’observation gratuites, s’est heurtée à des obstacles inattendus. Plusieurs centres de services scolaires, malgré les efforts déployés pour assurer une observation sécuritaire et éducative de l’éclipse, ont opté pour la suspension des classes pour cette journée. Plus alarmant encore, certains ont interdit à leur personnel de distribuer les lunettes fournies aux élèves, coupant court à une initiative qui avait le potentiel d’enrichir significativement l’expérience éducative des jeunes Québécois.

Vers une réconciliation des précautions et des occasions éducatives

Il est crucial de reconnaitre l’impact négatif de ces recommandations tardives et souvent alarmistes sur les initiatives éducatives. Pour aller de l’avant, il faut non seulement repenser la manière dont les directives sont communiquées, mais aussi valoriser et soutenir les efforts déployés par les enseignant·e·s, les institutions éducatives et les organisations scientifiques pour promouvoir des occasions d’apprentissage vivant et mémorable.

Les autorités doivent collaborer étroitement avec le milieu éducatif pour s’assurer que les précautions nécessaires ne viennent pas éclipser les occasions d’enrichissement scientifique et culturel offertes par de tels évènements. Cela passe par une communication claire, des directives cohérentes et un soutien affirmé aux initiatives pédagogiques autour de l’éclipse, garantissant ainsi que l’évènement du 8 avril devienne un jalon positif dans l’histoire de l’éducation scientifique au Québec.

Conclusion: un appel à l’action

L’éclipse solaire totale du 8 avril prochain ne devrait pas être seulement synonyme de prudence. Elle doit aussi représenter une occasion de célébration et d’apprentissage. Il est impératif que les autorités révisent leurs communications et leurs recommandations pour mettre en avant le caractère spectaculaire et éducatif de l’éclipse. En travaillant de concert avec les éducateur·rice·s, les scientifiques et la communauté, nous pouvons faire de cet évènement un moment historique pour l’éducation scientifique au Québec.

Pierre Chastenay, astronome, communicateur scientifique et professeur titulaire à l’UQAM

Camille Turcotte, directrice générale de l’Association pour l’enseignement de la science et de la technologie au Québec

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