Déficit public : l'État peut-il vraiment faire des économies sans augmenter les impôts ?

Ce mardi 26 mars 2024, l'INSEE a dévoilé les chiffres du déficit public pour 2023. Ils sont pires que prévu et l'État va donc devoir faire des économies.

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 Le ministre de l’Économie espère bien un « retour à la normale » d’ici 2027.(©LUDOVIC MARIN / POOL/EPA/MAXPPP )
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Les comptes de l’État sont dans le rouge. Et l’annonce de l’INSEE, ce mardi 26 mars 2024, ne contredit pas ce postulat de départ

Le déficit public, espéré autour de 4,9 % pour l’année 2023, se situe finalement à 5,5 % selon l’INSEE. Grosso modo, le déficit public, c’est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses, se creuse à hauteur de 130 milliards d’euros. Il faut donc trouver de l’argent, ou alors moins en dépenser. C’est là tout le débat. 

Augmenter les impôts ? Hors de question pour les pontes de la Macronie. Couper dans les dépenses publiques ? C’est une possibilité évoquée par le ministre de l’Économie himself, même si elle n’est pas clairement établie. Bruno Le Maire veut rouvrir le débat sur les dépenses de santé

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Pourquoi ne pas augmenter certains impôts ?

Augmenter les impôts reste une solution, pour l’heure taboue au sein de l’exécutif, tout comme diminuer les dépenses sociales. Deux leviers parmi d’autres.

actu.fr a rencontré Léo Charles, maître de conférences à l’université Rennes 2, membre de l’association les Économistes atterrés, pour voir qu’elles pourraient être les autres options.

Quand on évoque avec lui les solutions possibles, il rappelle avant toute chose qu’il n’est « pas dans les petits papiers du gouvernement ». Mais ça n’empêche pas l’économiste, auteur du livre La Dette Publique, d’avoir des pistes à proposer. Dont des hausses d’impôts. « C’est une éventualité qui devrait être posée sur la table », selon l’économiste. 

Il y a largement les moyens d'augmenter les recettes publiques sans forcément peser sur l'activité économique ou sur les plus pauvres. 

Léo CharlesÉconomiste, maitre de conférences à l'université Rennes 2

Selon le maître de conférences rennais, il faudrait surtout se pencher sur la fiscalité des plus riches.

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« Les milliardaires paient, en proportion de leurs revenus, moins que les classes moyennes », avance Léo Charles, rappelant au passage que la transformation de l’impôt sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière par Emmanuel Macron, représente une perte de « cinq milliards d’euros pour l’État ».

L’économiste plaide pour un retour à une vraie progressivité de l’impôt « en imposant les plus riches qui, aujourd’hui, sont moins taxés. »

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Alors que les comptes de l’État sont dans le rouge, la rumeur s’accentue autour d’une hausse des impôts et d’une baisse des dépenses sociales. Mais est-ce la seule solution ? #macron #inflation #impots

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La question de la TVA

Toujours auprès de Sud-Ouest, Bruno Le Maire a évoqué la TVA. Pour rappel, c’est un impôt, une taxe sur une très grande majorité de produit. Elle rapporte à l’État, 176 milliards d’euros en 2023. 

Le ministre veut en fait diminuer les cotisations patronales et salariales, d’un côté, tout en augmentant le taux de TVA de 5 points de l’autre, soit 60 milliards d’euros. La TVA financerait ainsi une partie du budget de la Sécurité sociale. Autre effet, une diminution de l’écart entre le salaire net et le salaire brut.

Léo Charles rappelle que « c’est un impôt très régressif ». « Il va davantage toucher les plus pauvres que les plus riches : il est très inégalitaire. »

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Et si on ne veut ni hausse d’impôts, ni baisse des dépenses sociales ?

Pêle-mêle, l’économiste évoque plusieurs autres pistes pour faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État, comme la lutte contre l’évasion fiscale : « en 2023, on a récupéré une quinzaine de milliards d’euros. »

Si on fait l'effort, en termes d'embauche de fonctionnaires, pour mieux contrôler, on peut, je pense, monter à 30 milliards.

Léo CharlesÉconomiste, maitre de conférences à l'université Rennes 2

Il estime aussi que « certaines aides publiques aux entreprises, 200 à 260 milliards d’euros par an, sont totalement inefficaces, car captées par les plus grandes entreprises ». 

L’économiste propose également de regarder du côté des « 460 niches fiscales ». « Il ne s’agit pas de tout supprimer, mais on pourrait dégager une trentaine de milliards sur ce volet », chiffre-t-il.

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Le sempiternel débat sur les superprofits

Enfin, dernier levier évoqué, même s’il y en a d’autres, la question des superprofits. Léo Charles voit d’un bon œil le fait de taper dans le portefeuille de ces très grands groupes, qui ont profité de la situation globale (guerre, covid) pour augmenter leur profit de manière exceptionnelle. Sorte d’effet d’aubaine. 

Même si Bruno Le Maire n’y est pas favorable, l’idée tient la corde dans les rangs de la majorité. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a dégainé la première, se disant prête à « entamer la réflexion » sur une contribution « exceptionnelle » sur les « superprofits » ou « superdividendes » des grandes entreprises.

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Une mesure demandée par l’opposition de gauche depuis des mois.

« Depuis 2020, l’inflation est tirée par les profits. C’est-à-dire que des grandes entreprises profitent de la situation actuelle pour avoir des rentes. C’est délétère pour l’économie, cela se taxe ! », assure Léo Charles. L’universitaire demeure toutefois lucide sur la question, et craint que l’exécutif ne pioche dans les aides sociales.

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