Il est à peine 9 heures du matin dans la capitale péruvienne et le mercure affiche déjà 26 °C en ce début du mois de mars, au cœur de l’été austral. Brigida Yana Condori, la trentaine, marque une pause, s’éponge les tempes en montant la rangée d’escaliers qui la mène chez elle, sur les hauteurs du quartier de Villa Maria del Triunfo, à la périphérie de Lima. Dans la cour de sa maison, elle soulève le couvercle du réservoir contenant ses réserves en eau pour le mois : 1 100 litres, qu’elle doit partager avec ses deux enfants – ils sont âgés de 4 et 11 ans – et son frère.
Autour d’elle des seaux : un pour cuisiner, un pour se laver. Les eaux usées sont réutilisées pour faire le ménage. Il n’est pas question d’en perdre une seule goutte. « Bienvenue au paraiso » (« paradis »), le nom de son asentamiento (« implantation urbaine »), s’exclame cette habitante dans un grand éclat de rire. Femme de ménage « en ville », elle vit dans une petite maison constituée de planches. Son quartier n’est pas raccordé au système de distribution d’eau potable géré par l’entreprise publique Sedapal. « Plutôt misérable, notre paradis, non ? », lâche-t-elle dans un sourire.
Pour son approvisionnement, elle dépend de ses voisins auxquels elle rachète de l’eau, à quelques encablures, en contrebas, ou du passage aléatoire du camion-citerne. Le prix pratiqué par ce dernier est néanmoins prohibitif : jusqu’à dix fois plus cher que l’eau des canalisations.
Une autre inquiétude la mine en ce moment : la propagation de la dengue, qui prolifère dans toute l’Amérique latine. Près de 1,9 million de cas ont été recensés. Au Pérou, l’état d’urgence a été décrété dans une vingtaine de départements, dont Lima. Brigida sait que stocker de l’eau n’est pas idéal. « Mon fils de 4 ans se fait piquer, mais il faut bien de l’eau pour vivre. Nous aimerions tellement bénéficier d’un projet d’eau et d’évacuation. Comme le dit l’Etat, c’est un droit que possède tout Péruvien. Mais, pour nous, il ne semble pas s’appliquer. »
Absence de tout-à-l’égout
Le problème de l’eau à Lima touche avant tout les zones périurbaines de la capitale. Sur les collines qui entourent le centre-ville s’étage un vaste habitat précaire, fait de tôles et de planches, et traversé par un dédale d’escaliers et de chemins de terre caillouteux. Il n’y a ici ni tout-à-l’égout ni même parfois d’électricité. Au loin, à l’ouest, l’océan Pacifique se devine derrière un nuage de smog. A l’est se dessinent les premières montagnes de la cordillère des Andes.
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