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Burn-out: comment reconnaître les signes qui doivent alerter?

Toujours peu reconnu et parfois pas pris en charge, le syndrome d'épuisement professionnel, ou "burn-out", toucherait au moins des dizaines de milliers de personnes chaque année. Deux spécialistes détaillent auprès de BFMTV les signes caractéristiques et les moyens de s'en sortir.

Laetitia, 42 ans, a été diagnostiquée comme souffrant d'un burn-out il y a trois ans. Elle raconte à BFMTV que son "niveau de concentration devenait extrêmement pénible, chaque réunion était un moment de stress personnel parce que je devais me surconcentrer pour capter chaque information. Je prenais vraiment tout en note pour ne pas oublier parce que je sentais que ma mémoire défaillait".

Un jour, c’est une scène banale de la vie quotidienne qui l’a poussée à consulter: "J’étais en télétravail, j’ai ouvert mon frigo, il y avait un artichaut et je me suis dit 'tiens je vais me faire un artichaut'. Et j’étais incapable de me dire, 'c’est un artichaut'. Le mot 'artichaut' n’arrivait plus à mon cerveau quoi".

"Là je me suis dit ‘ok, c’est chaud, c’est vraiment chaud, là t’es en train de buguer total. Même un mot du monde courant, t’arrives plus à l’intégrer et à le sortir", raconte-t-elle, décidant rapidement de prendre rendez-vous chez le médecin.

"Très facile à repérer"

Rentré dans le langage courant au cours des dernières années, le "burn-out" ou "syndrome d'épuisement professionnel" toucherait au minimum 30.000 personnes en France, selon un rapport publié en 2016 par l'Institut de veille sanitaire (devenu l'Agence nationale de santé publique, plus connu sous le nom de Santé publique France). Ce syndrome interroge notre rapport au travail et sa reconnaissance est un des enjeux majeurs de la médecine du travail.

Burn-out: quels sont les signes qui doivent alerter?
Burn-out: quels sont les signes qui doivent alerter?
18:26

Quels sont les signes qui doivent alerter? Et surtout, comment s’en sortir quand on est concerné? Le docteur Alain Meunier, psychiatre-psychanalyste et fondateur du Centre du burn-out, situé à Paris, précise que le terme de burn-out ne désigne pas une pathologie.

"C'est un trouble qui est très défini, très facile à repérer, à la limite les médecins ne sont pas indispensables et vous pouvez même repérer dans votre entourage quelqu'un qui fait un burn-out", développe-t-il.

Anxiété, perte de concentration, sentiment de "lutter"

Les symptômes sont variés: anxiété généralisée, baisse de moral voire sensation de tristesse, troubles neurocognitifs (manque de concentration, pertes de mémoire récurrentes), baisse de productivité et surtout l'impression d’être "en lutte" constante pour accomplir la moindre la tâche.

Le médecin note que le burn-out se met généralement en place en plusieurs mois, un temps assez long donc. "Ce n'est pas évident de voir des signes particuliers sur ce temps-là", prévient Alain Meunier. Un signe toutefois ne trompe pas: le fait de multiplier les heures en se focalisant presque uniquement sur son travail, qui apparaît toutefois de plus en plus dur.

Du côté des causes, les spécialistes pointent surtout le fait que les travailleurs "manquent de liberté dans leur travail. Ils sont tous confrontés à un cadre et gênés dans leur propre évolution" et le fait qu'"on demande de plus en plus de compétences aux gens".

Ils pointent aussi la proportion importante de personnes assez jeunes dans le public qu'ils prennent en charge. "Il est clair qu’on fait travailler, qu'on pousse les machines mais on ne leur apprend pas à fonctionner en fait. Je pense que là il y a un gros progrès à faire, il faut ménager la machine (…) ça commence dès les études", selon Alain Meunier.

Traitements pour les symptômes, pas pour les causes

À noter que le burn-out se distingue tout à fait de la dépression, ce qui est important notamment quand on cherche une cause dans l'environnement de travail ou lorsqu'on arrive au moment des soins: "Si vous mettez un burn out sous antidépresseur, il ne va pas se sentir bien", résume le médecin.

Côté traitement, pour traiter le problème de façon profonde, il faut pratiquer des activités relaxantes qui mettent le cerveau au repos (yoga, méditation), "il n'y a pas de traitement à proprement parler, du moins médicamenteux", précise les spécialistes.

Pour traiter les symptômes, Alain Meunier préconise des séances de psychothérapie spécifiques (thérapies comportementales et cognitives (TCC), Gestalt/psychologie de la forme) mais également une thérapie dite "EDMR" (Intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires), basé sur le mouvement des yeux et qui est habituellement utilisé pour les personnes souffrant de stress post-traumatique.

Alain Meunier prône aussi particulièrement la rTMS (Stimulation Magnétique Transcrânienne répétitive), qui fonctionne avec un champ magnétique qui renforce et réactive les neurotransmetteurs endommagés par le burn-out.

Enjeu de reconnaissance et de prise en charge

Face à un terme qui s'est généralisé, au point d'être parfois utilisé de façon abusive, la médecin Sylvie Bouron, directrice du Centre du burn-out, explique toutefois que les "faux positifs" sont rares.

"Je vous mets au défi de trouver quelqu'un qui fait semblant d’être en burn-out. Je pense que c’est extrêmement compliqué de jouer la comédie", précise la spécialiste.

S'il n'existe pas de normes internationales, des chercheurs norvégiens ont mis au point un questionnaire détaillé avec un score qui pourrait faciliter le diagnostic et qu'une trentaine de pays utilisent déjà.

Dans la prise en charge, les spécialistes expliquent que de nombreux médecins ne reconnaissent toujours pas le burn-out en tant que tel et que la Sécurité sociale, si elle la reconnaît comme une "affection longue durée" (ALD), ne la considère pas comme une maladie professionnelle, c'est-à-dire imputable à l'environnement de travail.

S'il est possible de faire passer un burn-out en maladie professionnelle, cette qualification relève d'examens aux cas par cas. "Il faut d'abord passer par le médecin du travail puis la caisse d’assurance maladie, puis par le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP).

"L'ensemble de ce parcours prend environ six mois. Le vrai problème, c'est qu'aujourd'hui pour soigner un burn-out il faut un petit mois mais souvent, les démarches administratives n'arrangent pas les choses", regrette Alain Meunier.

Margaux de Frouville, Alain Ducardonnet avec Glenn Gillet