stupéfiantQu’est-ce que la cocaïne rose, cette drogue émergente au nom trompeur ?

Qu’est-ce que la cocaïne rose, cette drogue au nom trompeur qui émerge en France ?

stupéfiantAussi appelée « pink C » ou « tussi », la cocaïne rose est un mélange de plusieurs substances, souvent de la kétamine et de la MDMA
Des sachets de cocaïne rose, à Medellin, en Colombie, le 2 avril 2022.
Des sachets de cocaïne rose, à Medellin, en Colombie, le 2 avril 2022. - J. Sarmiento/AFP / AFP
Lise Abou Mansour

Lise Abou Mansour

L'essentiel

  • La « cocaïne rose » est un mélange de plusieurs substances, souvent de la kétamine (un anesthésique) et de la MDMA (de l’ecstasy), dans des proportions variables.
  • « C’est l’imprévisibilité du contenu qui contribue à sa dangerosité, estime le psychiatre et addictologue Jean-Michel Delile. Car avec la kétamine, dès qu’on passe en surdosage, on peut avoir des comas, des pertes de conscience et un vrai risque d’overdose. »
  • Repérée pour la première fois en France en 2022, sa présence reste marginale mais s’étend dans les milieux festifs alternatifs.

«Panthère rose », « pink C », « tussi », « tucibi »… De petits noms mignons au goût de fraise, de banane ou de passion, pour un produit l’étant nettement moins. L’usage de « cocaïne rose » qui, contrairement à ce que laisse supposer son nom, ne contient pas de cocaïne, est en expansion en France. Une drogue au contenu flou et aux effets pouvant s’avérer très dangereux.

De quoi est-elle composée ?

« Ce n’est pas une drogue spécifique, mais un nom commercial qui renvoie à des associations de molécules diverses », précise d’emblée Jean-Michel Delile, psychiatre addictologue et président de Fédération Addiction. Le plus fréquemment, il s’agit d’un mix de kétamine (un anesthésique) et de MDMA (de l’ecstasy), dans des proportions variables, auquel est ajouté un colorant rose.

Une couleur « glamour » qui permet de vendre le produit beaucoup plus cher que de la MD ou de la kétamine. Un gramme de Pink C coûte entre 60 et 100 euros, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (contre un prix autour de 40 euros pour de la kétamine et 50 euros pour de la MD). « Dans ce domaine aussi il y a des effets de mode, et là, il y a un vrai côté marketing », analyse l’addictologue.

Quels sont ses effets et les risques associés ?

Les effets de la cocaïne rose sont donc ceux de la MDMA associés à ceux de la kétamine. « Avec la MDMA, il y a un effet très stimulant et empathogène, explique Laurent Karila, professeur de psychiatrie et d’addictologie et auteur de Docteur, addict ou pas ? (Editions Harper Collins). En gros, ça booste et on aime tout le monde. » Mais qui dit effets « positifs » dit aussi effets négatifs. Parmi eux : « une descente horrible sur le plan psychique, avec de l’anxiété, une forte tristesse, des idées suicidaires. » Dès la première prise de MD, il existe aussi un risque d’hyperthermie pouvant conduire en réanimation et un risque d’hépatite fulminante, une intoxication du foie.

La kétamine, elle, provoque des effets dissociatifs, telles que des hallucinations visuelles, de la dépersonnalisation (l’impression de sortir de son propre corps) et une insensibilité à la douleur. La dangerosité de la kétamine tient à sa très étroite marge de sécurité. « Dès qu’on passe en surdosage, on peut avoir des comas, des pertes de connaissance et un vrai risque d’overdose », précise Jean-Michel Delile. À très haute dose, il existe également un risque de « K-Hole ». Une perte totale de conscience, avec incapacité de bouger, assimilée à une expérience de mort imminente.

Avec ce nom trompeur, le consommateur s’attend à prendre de la cocaïne, une substance provoquant une sensation d’euphorie, un gain d’énergie, une impression de meilleure confiance en soi, mais aussi un risque de paranoïa, d’anxiété et d’idées délirantes. En snifant de la cocaïne rose, peu de consommateurs connaissent la composition exacte de la poudre. « C’est l’imprévisibilité du contenu qui contribue à sa dangerosité, insiste le président de Fédération Addiction. Il faut donc vraiment informer sur cette nouvelle substance à haut risque, dont le nom très marqueté peut attirer des jeunes. »

Qu’en est-il de présence sur le territoire français ?

« A l’échelle européenne, des signalements concernant la circulation de cocaïne rose ont été faits, en particulier en Italie, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas », explique Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT.

En France, la pink C a été repérée pour la première fois en 2022 par le dispositif Sintes. Sa présence restait anecdotique et marginale mais « depuis un an, on en retrouve sur la quasi-totalité du territoire », selon Jean-Michel Delile. « A chaque sortie, nos équipes trouvent des échantillons de poudre rose, assure le président de Fédération Addiction. Par bonheur, on n’a pas encore eu d’intoxication sévère mais il vaut mieux prévenir. » Si la pink C se répand dans les milieux festifs alternatifs, telles que les free-parties, elle n’aurait toutefois pas encore fait son arrivée dans les boîtes de nuit et les soirées privées.

Si vous avez des questions ou besoin d’aide à propos de votre consommation, vous pouvez appeler le service « Drogues info service » au numéro anonyme et gratuit 0 800 23 13 13 (7j/7 de 8h à 2h)

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