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Économie

Le déficit public dérape, des coupes budgétaires à venir

Selon les chiffres publiés ce matin par l’Insee, le déficit public a atteint 5,5 % du PIB en 2023, au lieu des 4,9 % espérés. Un dérapage sans précédent hors période de crise, qui laisse augurer de choix difficiles en matière de dépenses publiques dans les mois à venir.

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La méthode du ministre des Finances, Bruno Le Maire, pour maîtriser les dépenses, n'a pas encore fait ses preuves.
La méthode du ministre des Finances, Bruno Le Maire, pour maîtriser les dépenses, n'a pas encore fait ses preuves.
AFP / ALAIN JOCARD

Petit vent de panique sur Bercy. L’Insee a plus ou moins confirmé, ce matin, le chiffre désastreux du déficit public, qui avait déjà fuité dans Les Echos : 5,5 % du PIB en 2023. Loin des 4,9 % promis jusqu’ici par le gouvernement, qui n’aurait permis que de stabiliser le chiffre par rapport à 2022. Un tel dérapage (16 milliards d’euros !), qui s’expliquerait par le ralentissement de la croissance en fin d’année et le décrochage brutal des recettes fiscales, étonne même au plus haut niveau. « On ne comprend plus rien aux chiffres du gouvernement », s’inquiète un haut fonctionnaire, spécialiste des comptes publics.

Quelques jours plus tôt, après un contrôle à Bercy, le sénateur LR Jean-François Husson, rapporteur du budget, sonnait le tocsin. « Le décret du 21 février, qui procède à 10 milliards de coupes dès 2024, est un avant-goût amer, et je le crains douloureux, pour la potion que va proposer, dans les semaines et mois qui viennent, le gouvernement ». Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, évoquait déjà 20 milliards d’économies supplémentaires à trouver pour 2025. Dans son rapport public annuel, la Cour des comptes évoque même 50 milliards d’ici la fin du quinquennat. Des chiffres qui donnent le tournis.

Le retour de bâton budgétaire

Pourtant, lors de la présentation du budget à l’automne, Bruno Le Maire, ministre des Finances, en faisait des tonnes sur son sérieux, promettant une baisse sensible du poids des dépenses publiques dans le PIB. Mais des hypothèses de croissance trop optimistes et la fin des mesures exceptionnelles liées aux crises sanitaires et énergétiques dissimulaient, en fait, le dérapage des dépenses ordinaires et l’absence d’économies structurelles. Hors mesures exceptionnelles, le projet de loi de finances prévoyait déjà un dérapage de plus de 3 % des dépenses de l’Etat, à cause de la hausse des intérêts de la dette et du financement des priorités gouvernementales (éducation, écologie…).

Depuis, la prévision de croissance a été révisée à la baisse, de 1,4 % à 1 %, et le retour de bâton est brutal. Selon Jean-François Husson, dès la fin octobre, les services de Bercy alertaient sur un coup de froid sur les recettes fiscales. En décembre, ils estimaient que le déficit pourrait dériver à 5,2 %, puis, dans un document du 16 février, ils prévoyaient 5,6 %. Deux jours plus tard, Bruno Le Maire annonçait un grand coup de rabot de dix milliards dans les crédits des ministères. Le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guérini, annonçait ensuite que le point d’indice, servant au calcul des salaires des fonctionnaires, ne serait pas revalorisé en cours d’année, malgré une inflation élevée. Mais tout ceci pourrait ne pas suffire pour atteindre l’objectif de 4,4 % de déficit public en 2024.

2025-2027 : l’équation impossible

Tout d’abord, la Cour des comptes appelle l’exécutif à préciser les coupes : « il convient maintenant que les mesures qu’impliquent ces économies soient rapidement identifiées dans les différents ministères, et les conditions de leur mise en œuvre documentées. » Ensuite, elle craint que les prévisions en matière de recettes soient trop optimistes, en ce qui concerne la TVA, les taxes sur les transactions immobilières et les cotisations sociales. Enfin, elle pointe des risques sur l’évolution des dépenses de santé, de nombreuses économies restant à définir ou à négocier avec les acteurs sanitaires. Un projet de loi de finances rectificative pour 2024 pourrait ainsi intervenir d’ici à l’été.

L’effort à réaliser apparaît encore plus difficile pour la fin du quinquennat, l’objectif de déficit étant fixé à 3,7 % % en 2025 avant que la France ne repasse sous les 3 % en 2027. « Par rapport à l’évolution tendancielle des dépenses avant-crise (2015-2019), ce sont près de 50 milliards d’économies qu’il faudrait réaliser », précise la Cour. La réforme des retraites et celle de l’assurance chômage sont censées rapporter près de 8 milliards à cet horizon. Mais, pour le reste, cela s’annonce compliqué. Les dépenses de l’Etat sont déjà fortement poussées à la hausse par les lois de programmation adoptées dans la recherche, la défense ou la sécurité. Et le vieillissement de la population fait peser des charges croissantes en matière de retraite, santé et dépendance, soulignent les magistrats.

Des revues de dépenses décevantes

Les revues de dépenses sont censées rapporter 12 milliards d’économies en 2025, réalisées à parité par l’Etat et la Sécurité sociale. Mais, « elles devront avoir des effets bien supérieurs à ceux du premier exercice, décevant, en 2024 », cingle la Cour. Comme l’a déjà raconté Challenges, les audits de politiques publiques à la sauce Le Maire n’ont pas encore démontré leur efficacité. 12 rapports avaient été commandés et devaient déboucher sur « plusieurs milliards d’économies » dès 2024. Or, aucun document officiel n’en dresse le bilan chiffré, qui n’est guère reluisant.

Seuls deux rapports ont été publiés par l’Inspection générale des finances, dont celui sur les centres de formation d’apprentis, qui a abouti à un gain de 530 millions. Un autre audit sur le logement, non publié, doit rapporter à terme 1,9 milliard, grâce notamment à la suppression de la niche « Pinel » en faveur de l’investissement locatif. Et c’est à peu près tout. L’exécutif a fait machine arrière sur la fiscalité du gazole non routier utilisé par les agriculteurs. Et pour celui utilisé par le BTP, l’ensemble des gains sera reversé au secteur. Outre deux audits sur les collectivités locales, encore en cours, les autres revues (emplois francs, indemnités journalières, caisses de sécurité sociale…) n’ont rien donné pour l’instant.

Pour 2025, six missions avaient été commandées par Élisabeth Borne avant son départ, 10 à 15 ont été lancées ou vont l’être. Une partie des thèmes a été rendue publique et porte sur les aides aux entreprises (dont Le Maire annonce la rationalisation depuis 2019), les affections de longue durée ou l’indemnisation du chômage. Gabriel Attal avait promis des premières pistes dès le mois de mars et un rapport fourni au Parlement avant le 1er avril. Un timing qui semble lui aussi déraper. Or, il y a urgence. A partir de la fin avril, les agences de notation se pencheront sur la dette française. Nul doute qu’elles n’ont guère apprécié la mauvaise nouvelle délivrée par l’Insee ce matin.

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