Barkhane : pourquoi l'armée française se retire du Mali après neuf ans d'intervention ?

L'armée française va se retirer du Mali après 9 ans d'intervention. À quoi servait l'opération Barkhane et pourquoi la France se retire ? Explications.

Des Maliens saluent des soldats français alors qu'un convoi de véhicules blindés quitte Bamako et entame un déploiement dans le nord du Mali dans le cadre des opérations
Des Maliens saluent des soldats français alors qu’un convoi de véhicules blindés quitte Bamako et entame un déploiement dans le nord du Mali dans le cadre des opérations « Serval », le 15 janvier 2013. (©AFP/Archives/Eric Feferberg)
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Avec le retrait militaire français du Mali et la fin annoncée de l’opération antijihadiste française Barkhane, une page se tourne pour les armées tricolores au terme de près d’une décennie de guerre asymétrique où elles ont notamment introduit l’usage de drones armés.

Barkhane au Sahel, la plus grosse opération extérieure actuelle de la France, a mobilisé jusqu’à 5500 hommes sur le terrain en 2020. Elle a entamé sa mue à l’été sur décision du président Emmanuel Macron, qui prévoyait de réduire le nombre de militaires français au Sahel à 2500 ou 3000 d’ici 2023.

Ce chiffre devrait finalement être atteint dans « six mois environ », au terme du retrait du Mali, d’après l’état-major.

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Traquer les jihadistes

Depuis 2013 et le lancement de l’opération Serval, à laquelle a succédé Barkhane l’année suivante, une génération entière de soldats français a foulé les sables sahéliens pour traquer les groupes jihadistes affiliés à Al Qaïda et au groupe Etat islamique.

Un conflit asymétrique dans une zone semi-désertique vaste comme l’Europe, contre un ennemi souvent soucieux d’éviter l’affrontement direct, mobile et capable de se fondre dans la population.

L’arme principale des jihadistes au Sahel: les bombes artisanales, première cause de mortalité et de blessures côté français. Les groupes jihadistes ont également recours à des tirs indirects (tirs de mortiers, roquettes) et sont capables de monter des attaques complexes contre des bases isolées ou des convois.

D’importants moyens 

Face à cette menace mouvante, le dispositif français, réparti sur plusieurs emprises (Gao, Ménaka, Gossi au Mali, Niamey au Niger) mobilise d’importants moyens terrestres, notamment des centaines de blindés, dont certains modèles vieillissants présentent toutefois des vulnérabilités face aux bombes artisanales.

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Un hélicoptère français Tigre se pose sur la base des FAMa (Forces armées maliennes) le 27 mars 2019 lors du début de l'opération française de la force Barkhane dans la région du Gourma au Mali.
Un hélicoptère français Tigre se pose sur la base des FAMa (Forces armées maliennes) le 27 mars 2019 lors du début de l’opération française de la force Barkhane dans la région du Gourma au Mali. (©AFP/Daphné BENOIT)

Les armées ont ainsi entrepris de renforcer leurs véhicules blindés légers (VBL), et commencé à déployer à l’automne dernier le véhicule de transport de troupes de nouvelle génération Griffon, pour remplacer le véhicule de l’avant blindé (VAB).

Quelques centaines de forces spéciales basées au Burkina Faso sont chargées des raids antiterroristes.

La France bénéficie aussi de capacités aériennes permettant d’agir rapidement: avions de chasse Mirage 2000, hélicoptères de combat et drones Reaper, armés depuis fin 2019 et qui réalisent aujourd’hui plus de la moitié des bombardements aériens.

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La France se retire du Mali après neuf années sur place. (©AFP/Thomas COEX)

Priorité à des conflits à haute intensité

Au Sahel, 80 % des éliminations de jihadistes « sont le fait de ces moyens aériens » combinés, confiait en 2020 l’ancien chef d’état-major de l’armée de l’Air, Philippe Lavigne.

Mais ce modèle de guerre asymétrique, qui occupait depuis l’Afghanistan une place centrale dans la préparation opérationnelle des soldats, n’est plus la priorité des armées françaises, qui se préparent aujourd’hui à des scenarii de conflit majeur, dit de haute intensité.

Le Sahel et le Mali ont « été notre opération symbolique au cours des dernières années », mais « ce n’est pas la quintessence de ce que l’armée de terre doit être capable de faire », prévenait récemment le chef d’état-major de l’armée de terre française Pierre Schill lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de défense (AJD).

Les militaires français doivent « être capables (…) d’être éventuellement opposés à un adversaire qui serait à parité », estime-t-il, en allusion à un conflit entre Etats.

La conflictualité est en train de changer, les pays se sont réarmés et n'hésitent plus à employer la force pour exercer leur volonté.

Thierry BurkhardChef d'état-major des armées

La guerre va changer

« Aujourd’hui, le « niveau d’emploi » en bande sahélo-saharienne est d’environ 1000 à 1200 hommes. Mais demain, la guerre se déroulera au niveau des brigades et des divisions, soit entre 8000 et 25 000 hommes ».

Un changement de paradigme qui impose d’adapter la préparation des soldats, d’investir dans les nouveaux champs d’affrontements – espace, cyber, réseaux sociaux – et de poursuivre la modernisation des matériels, tout en intégrant des robots et de l’intelligence artificielle dans l’espace de bataille à l’horizon 2040.

« On est dans une période de transition vers une ère qui imposera de changer le format de nos forces armées », juge l’historien militaire Michel Goya. « Or la principale faiblesse de notre outil de défense, c’est sa grande vulnérabilité au changement rapide pour faire face à des surprises stratégiques qui viendront forcément dans les prochaines années ».

Source : © 2022 AFP

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