Le père de mon mec appréhende un peu de devenir grand-père et comme on est joueurs, on demande à la sage-femme qui m'accompagne pendant l'accouchement de nous faire un faux bracelet de naissance. On l'attache au poignet de notre fils, puis on envoie la photo à son grand-père. Fou rire quand il nous appelle, mi-ému, mi-gêné, pour souhaiter la bienvenue à notre petit Jean-Louis. J'ai gardé précieusement ce faux bracelet, et perdu le vrai. Aujourd'hui, Jean-Louis a 11 ans et il s'appelle Milo.

Cécile, 46 ans, orthophoniste

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Pour le prénom, mon mec a Vinciane en tête, moi plutôt Albane. Accouchement traumatique en urgence : mon mari me doit bien ça, il cède sur Albane. Mais en fin de journée, notre bébé convulse. Elle est placée en hypothermie, sa vie tient à un fil. On passe la nuit effondrés dans la chambre. Entre les larmes, je dis à mon mari : « Il faut lui offrir un prénom qui lui donne de la force. » On fait des recherches, mon mari lève les yeux vers moi : « Vinciane, ça vient du latin “vaincre” » ! Et Vinciane a vaincu.

Camille, 44 ans, ergonome

La maternité est blindée, et l'infirmière a des cernes plus grands que mon avenir. Ma fille est en siège, c'est une formidable opportunité d'apprentissage pour les internes, penchés sur mon entrejambe. Mais à un moment, silence. Les douze têtes penchent à gauche avec un air perplexe. On pourrait entendre des « Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ? » sortir de leur bouche. Ma fille ne sort pas par les fesses, non, trop mainstream. Elle sort le sexe en premier. Oui oui, ça se peut. Elle a les hanches disloquées, et donc les deux jambes vers le haut du corps avec les tibias derrière la nuque. Je vous rassure, c'est bénin, et aujourd'hui ma beauté a la souplesse d'un tronc d'arbre.

Laure, 41 ans, créatrice d'une société de conseil en orientation

Dans l'ascenseur de la maternité, le jour du départ pour la maison, je fonds en larmes. C'est trop de bonheur, de douceur, de tendresse. Je laisse mon mari et mon bébé tous les deux dans le hall pour aller chercher des mouchoirs aux toilettes. En revenant quelques minutes après, je trouve mon mari en sanglots à côté de notre petite fille minuscule. On traverse plusieurs couloirs, ruisselants de larmes, défigurés par les fous rires et le hoquet, sous les yeux médusés des autres couples. Sur la route, ça ne s'arrête pas, malgré les regards inquiets du chauffeur dans le rétroviseur. On a fait un selfie pour immortaliser ce moment, baptisé « le trajet en taxi le plus humide de l'univers ».

Marie, 30 ans, professeure de français

Depuis que je sais que je suis enceinte, je veux appeler ma fille Rosalie. Son papa aime bien, mais sans plus. On se met d'accord sur Agathe, mais inconsciemment, quand je m'adresse à mon bébé je continue à l'appeler Rosalie. Le jour J, je suis sur le point d'accoucher, une adorable sage-femme m'aide depuis déjà quelques heures quand je réalise que je ne connais pas son prénom. Je lui demande. « Rosalie. » Je fonds en larmes. Rosalie a 2 ans et demi, et c'est une petite fille merveilleuse.

Lucie, 39 ans, cheffe de projet

Je n'aimais pas le chiffre 3. Or j'arrive à la maternité après avoir perdu les eaux le 03/03/2013. Le travail dure longtemps, à 0 h 01, on se regarde en souriant avec mon mari : ouf, c'est passé. Puis le gynéco sort ma fille, la pose sur moi, regarde sa montre et annonce : « Heure de la naissance : 3 h 33. » La vie, cette blagueuse.

Tania, 42 ans, traductrice

Juillet 2022. Mon accouchement se passe très mal, mais quand notre petite Zoé est enfin là, on vit quelques heures de bonheur intense tous les trois mais la bulle de douceur explose à 4 heures du matin : on me met en chambre double et on demande à mon mari de partir. Dans ma chambre, à côté d'un rideau tiré, je m'endors, dépitée. À 6 heures, ma fille pleure et réveille le bébé d'à côté. À travers le rideau, je m'excuse. Une voix me répond que ce n'est pas grave. J'explique que j'ai eu un accouchement compliqué, elle répond qu'elle aussi, son conjoint l'a quittée pendant la grossesse. Elle a accouché seule, par césarienne également. Dans notre confessionnal, on ne voit pas le temps passer. À 8 heures, une personne nous apporte notre petit déjeuner : « Eh bien, ça papote bien ici, vous ne voulez pas qu'on ouvre le rideau ? » C'est ainsi que j'ai rencontré Vanessa et sa petite Zélie. On n'a plus jamais refermé ce rideau.

Depuis, il ne se passe pas une semaine sans qu'on se donne des nouvelles.

Marine, 30 ans, psychologue clinicienne

Je viens d'accoucher, je ne sais pas combien pèse mon bébé, mais visiblement, c'est rare puisque tous les soignants se le passent de bras en bras en tentant de deviner son poids. On dirait un panier garni à la fête foraine. Je n'ai pas joué, mais qu'est-ce que j'ai ri. 4,6 kg, tout de même.

Violaine, 35 ans, cheffe de projets formations

En fin de grossesse, je pars avec une copine et ma fille à deux heures de route de chez moi, sur les plages du Nord. Mais là-bas, je perds les eaux. Départ en ambulance jusqu'à la maternité la plus proche, je suis persuadée que c'est juste pour un contrôle avant d'aller accoucher à Rouen, dans le 76. Je suis en boucle là-dessus auprès de l'ambulancier et de la sage-femme qui m'accueillent et que je ne comprends pas à cause de l'accent. Mon mari arrive enfin. Cool, il va pouvoir me ramener dans le 76. On m'ausculte, je suis à 10. Cette fois je suis en larmes. Je veux pas le Nord. Je veux le 76. Et une péri, éventuellement. Mais c'est trop tard. La sage-femme soulève le drap et hurle : « le 76 est en route ! » En deux poussées il est là. Charles, mon petit bébé du 65.

Caroline, 40 ans, responsable de projet

Le jour du terme, on me décolle les membranes pour déclencher le travail, et on me dit de revenir plus tard. Je sais que je ne pourrai bientôt plus manger pendant plusieurs heures, alors depuis le parking je passe une commande Deliveroo. Mais ça va plus vite que prévu. Petit moment de honte quand l'infirmière anesthésiste répète à l'interne : « Dernier repas, burger frites, 13 heures ». Il est 13 h 37.

Aurore, 36 ans, médecin

Notre deuxième enfant naît en plein Covid. Le papa est reparti s'occuper de notre aînée, et n'a pas le droit de revenir. Alors que je suis seule avec notre bébé dans la chambre, un coup de téléphone : « Regarde par la fenêtre. » En bas, au loin, mes meilleures amies sont toutes là et tiennent une immense banderole de toutes les couleurs : « Bienvenue Thomas. » J'ai pleuré de joie. Et toutes les infirmières que j'ai ameutées pour venir voir aussi, je crois.

Zoé, 38 ans, opticienne

Mon second fils naît un vendredi en fin d'après-midi. On s'attendait à une fille, on n'a pas de prénom, mon mec est en panique. Il appelle tout le monde (mauvaise idée), leur demande leur avis (très mauvaise idée). Tout le week-end, notre fils s'appelle « Garçon » sur le planning, le berceau et le bracelet. Le dimanche, on se décide enfin. Sur une vidéo, notre aîné, 4 ans, salue son petit frère d'un mignon « bonjour Gustave ! », et on voit à la tête de son père, derrière, qu'il n'est pas convaincu. Bon, finalement il s'appelle Roman. Ou plus précisément Roman, Léon, Gustave (quand même).

Marion, 50 ans, scénariste

Je suis en salle de naissance, sur le point d'accoucher, mon mari est en plein stress, avec sa blouse à l'envers, et une surchaussure sur la tête. Il vient de poser tous les sacs en vrac sur la table avec le champ stérile préparé pour la pose de la péri, les soignants ont dû tout recommencer. Sa mère, en transe depuis des heures, l'appelle : « Alors, c'est bon ? » Réponse de mon mari : « Oui, j'ai réussi à me garer ! » Il n'aime pas trop conduire, chacun ses angoisses.

Anne, 35 ans, professeure d'anglais

Quatrième enfant, j'arrive un peu en terrain conquis à la maternité. Sauf qu'au moment de la naissance, la sage-femme appelle tout le service, visiblement émerveillée. Notre bébé naît dans sa poche des eaux. Je crois que ça ne concerne qu'une naissance sur 80 000. Il paraît que ça porte chance au bébé, c'est tout ce que je souhaite à notre petite Victoria.

Raphaëlle, 39 ans, responsable communication

Trois récits de maternité par Anna Roy

  • 24 décembre, je suis de garde. Une femme enceinte de triplés accouche par césarienne en urgence. Tout le monde va bien, on lui demande les prénoms des bébés. Ce que j'ai fait pour Noël ? Oh, trois fois rien, j'ai donné naissance à Jésus, Marie et Joseph.
  • Ma patiente souhaite accoucher sans péri, et le seul truc qui la soulage c'est de monter et descendre l'escalier de secours. Un moment, un sifflement de bonhomme depuis la cage d'escalier : « Anna, grouillez, faut que j'accouche ! » Elle entre, reste debout, je m'allonge sous elle, le bébé naît en trois secondes. Toutes les femmes qui accouchent sont des guerrières, mais certaines sont des guerrières super badass.
  • À quelques minutes de l'accouchement, ma patiente me confie qu'elle est fâchée avec son père pour une histoire d'héritage. Le bébé naît, évidemment, c'est un petit garçon, évidemment, il ressemble à son grand-père. Je sens sa tristesse, je lui dis : « Vous êtes sûre que c'est si grave que ça, cette histoire de fric ? » Une des premières choses que ce bébé a pu voir, c'est les yeux pleins de larmes de cet homme qui venait d'apprendre qu'il était devenu grand-père, et qu'il n'avait jamais vraiment cessé d'être père.