Enquête sur les 5 compétences qui feront la différence d'ici à 2030
Révolution IA, obsolescence accélérée des savoirs, urgence climatique, crise de sens et des talents, menace sur les démocraties… Les prochaines années promettent d'être riches en défis pour les entreprises et leurs (futurs) décideurs. Alors, pour s'y préparer, nous avons enquêté sur les compétences transversales qu'il vous faudrait commencer à bosser dès maintenant.
Par Julia Lemarchand, Laura Makary
Le code, grande compétence du XXIe siècle ? Ce n'est pas l'avis de Jensen Huang, PDG de Nvidia, le champion des puces utilisées pour faire de l'IA générative qui fait sensation à Wall Street . « Le miracle de l'intelligence artificielle » a tout percuté, avance le patron de la tech le plus en vue du moment. À terme, il ne sera plus nécessaire d'apprendre à coder, car le langage de programmation sera de plus en plus humain. Et donc, « tout le monde sera programmateur ». Circulez, y a plus rien à apprendre ? « Il est urgent que tout le monde monte en compétences, et cela sera à la fois délicieux et plein de surprises », promet-il. Ouf, nous voilà rassurés.
Quid des compétences à acquérir ? Vaste (et difficile) question à laquelle notre « prophète » ne répond pas. À nous d'explorer. « Il y a quarante ans, la durée de vie d'une compétence technique était de trente-deux ans. En 2021, elle n'est plus que de deux, selon l'OCDE ! Il est impératif de former tout le monde, tout le temps », plaide Clément Meslin, CEO de la plateforme Edflex, sorte de Netflix de la formation pour les entreprises, qui agrège quelque 50.000 contenus pédagogiques. Première leçon, il va falloir « apprendre à apprendre ». Vous êtes déjà dans les starting-blocks ? Alors, suivez le guide.
1. Savoir collaborer en écosystème
Toute l'équipe en CDI, réunie dans un même bureau, cinq jours par semaine. Une image qui paraît déjà obsolète tant les cadres sont devenus accros au télétravail, mais aussi parce que l'entreprise fonctionne de plus en plus en mode projet, formant des équipes que l'on appelle « contingent workforce ». Autrement dit des équipes hybrides : 47 % des entreprises ont déjà recruté des collaborateurs externes (freelance, CDD, intérim), selon une étude du cabinet de recrutement Hays publiée en février 2024. La dynamique du freelancing semble inarrêtable : plus de 4,3 millions d'indépendants en 2022, soit près de +50 % en dix ans, selon l'Urssaf.
« La notion de frontière entre interne et externe n'existe plus, avec un cadre de référence qui a explosé. Chacun doit apprendre à composer dans un écosystème de plus en plus éclaté, avec des indépendants, et des partenaires aux statuts variés », analyse Perrine Dejoie, directrice de l'activité « Talent Consulting » du cabinet Morgan Philips en France.
Qui dit « écosystème » dit « collab' ». Que ce soit avec des start-up de l'incubateur maison pour ne rater aucun train technologique, avec des associations pour relever des défis sociaux et environnementaux répondant à la « mission-raison d'être » de l'entreprise, ou encore avec des influenceurs pour un lancement de produit. La collaboration à tous les étages devient un enjeu, pour chacun. Alors que tout s'accélère, la vraie compétence est de savoir où est sa valeur ajoutée, la cultiver et tirer le meilleur de ses partenaires, internes et externes.
Quitte à s'allier avec ses concurrents, quand cela est nécessaire. « Pour avancer dans des contextes complexes, face à des crises, on entre dans une logique de travail partenarial, avec un principe de 'coopétition' », observe Ambroise Collon, directeur des Nouveaux Géants , organisme de formation tourné vers la transition écologique.
Exemples : Danone, Nestlé Waters et PepsiCo imaginant un plastique biosourcé pour leurs bouteilles il y a quelques années ou, plus récemment, les laboratoires GSK et Sanofi face au Covid. Autre illustration : face à la crise des « talents », près de 500 employeurs français ont rejoint cette année le mouvement du « recrutement circulaire » , en se recommandant mutuellement les candidats qualifiés et intéressants qu'ils ne peuvent pas embaucher ou garder.
Le terreau de la coopétition serait fertile en France : deux tiers des entreprises françaises déclaraient déjà collaborer avec leurs concurrents en 2022, contre une petite moitié en moyenne dans le monde, selon une étude réalisée par Tata Consultancy Services auprès de 1.200 dirigeants. Et 80 % des entreprises « leaders » de leur secteur s'estimaient ouvertes à la coopétition dans un but d'innovation.